Dans un exercice de comparaison, le blogueur Moise Bukuru démontre comment deux hommes (Mandela et Nkurunziza), confrontés à la même épreuve, ont fait des choix différents, l’un menant au paradis, l’autre en enfer.
Serait-il la raison pour laquelle le monument sud-africain, Nelson Mandela, se trouve au carrefour de notre histoire récente, comme symbole d’un accord qui nous a assuré la paix, la sécurité, le pluralisme politique et médiatique, la foi en des lendemains meilleurs pendant plus de dix ans? Je ne crois pas au hasard. Nkurunziza et Mandela, deux hommes, un même parcours (ou presque), qui ont subiune même épreuve, puis deux destins. Le contraste est frappant. Le Sud-africain est au cœur de la lutte anti-apartheid tandis que le Burundais, lui, a joué son va-tout pour défendre la démocratie, se battre contre les discriminations ethniques… Les deux hommes ont tout enduré: la guerre, la trahison, les complots, le rejet, la famine…
En 1994, contre tout espoir, Mandela devient président de l’Afrique du Sud. Même scenario pour Nkurunziza qui remporte haut la main le scrutin de 2005. En accédant à la magistrature suprême, les deux hommes signent ainsi l’ouverture d’une nouvelle page d’histoire pour leurs pays respectifs, l’un pour la vie, l’autre pour un temps. Hélas ! Mandela hérite d’un pays déchiré par la discrimination raciale, la haine, la violence. Nkurunziza de même, avec un « bonus »: la pauvreté. La suite : les Sud-africains enterrèrent la hache de guerre, se mettent sur la voie du développement, mais les Burundais tombèrent, pour ne pas dire se cassèrent la figure, après un petit décollage.
La clé
Madiba n’avait-il pas la possibilité d’engager des poursuites judiciaires, une revanche déguisée, contre ces blancs qui, impitoyablement, l’avaient emprisonné pendant vingt-sept ans, torturé ses compatriotes, accaparé toutes les richesses du pays, semé la haine et la division pour mieux régner ? Si ! Il était le chef de l’Etat. Mais à quel prix ? Le pays était encore sous le traumatisme de la violence, les plaies de la discrimination étaient toujours béantes. Le pays pouvait facilement sombrer encore une fois. Il a choisi le pardon, la réconciliation, la hauteur. Bien plus, il n’a fait qu’un mandat, un seul. La loi ne l’autorisait-il pas à se représenter une deuxième fois ? Si ! La victoire ne lui était-elle pas assurée ? Si ! Mais Mandela savait d’où venait son pays, ce dont il avait besoin pour se remettre de ses déchirures. L’Afrique du Sud avait besoin d’un modèle, d’une étoile capable d’attirer l’attention de tout un peuple, autrefoisdétourné par le passé.
Ce que Nkurunziza a raté
Exactement comme Mandela, Nkurunziza a eu sa chance d’entrer dans l’histoire en 2015, et de faire vivre le Burundi son miracle. L’épreuve était difficile. Et il a choisi la facilité. Aujourd’hui, la bataille est de trouver les arguments pour expliquer pourquoi on a échoué : « l’accord d’Arusha dit ceci, la Constitution dit cela… » Patati patata… Entretemps, la crise a déterré les vieux démons. On parle moins du troisième mandat, mais beaucoup plus de 1972, 1988, 1991, 1993…Ca faisait dix ans que je ne regardais pas trop les militaires passer. Aujourd’hui, quand un pick-up passe, voici la question que je me pose: « sont-ils des FAB (armée des décennies passées majoritairement tutsi), ou des Ex. PMPA (les anciens rebelles) ? » C’est un réflexe. La réponse dépend de leur armement.
Le Burundi a changé. Mais tout n’est pas perdu. Le dialogue reste notre brèche. Si Mkapa peut se lever et affirmer qu’aujourd’hui c’est tard, demain pourrait être trop tard pour Nkurunziza et pour tous les Burundais.