Les Burundais ont toujours accordé une grande importance à leurs défunts, souvent enterrés dans la parcelle familiale. Dans la tradition de notre pays, certains rites funéraires avaient pour objectif d’invoquer les ancêtres disparus afin de leur demander de protéger les membres de la famille. Aujourd’hui, bien que ces rites ne soient plus d’actualité, la pratique de l’inhumation à domicile continue d’être perpétuée. On peut même dire qu’elle a le vent en poupe ces derniers temps.
Depuis longtemps, les Burundais avaient pour coutume d’enterrer leurs morts chez eux. À travers certains rites funéraires, tels que « Guterekera imizimu », nos ancêtres invoquaient les esprits des défunts par des prières et des offrandes alimentaires, afin que ces derniers intercèdent pour eux auprès du représentant de dieu qui était Kiranga. Même aujourd’hui, cette tradition d’inhumation des défunts sur la propriété familiale n’a pas complétement disparu.
Les morts ne sont pas vraiment morts
De nos jours, plusieurs raisons sont avancées pour expliquer cette pratique funéraire qui perdure. « J’ai grandi dans la province de Bururi et j’ai toujours été témoin d’inhumations à domicile. Après les guerres civiles qui ont secoué notre pays, les rescapés refaisaient surface, et la présence de tombes dans les parcelles familiales garantissait que le lopin de terre appartenait bien à la famille du défunt. C’est l’une des raisons pour lesquelles les chefs de ménage insistaient pour être enterrés chez eux. En cas de litige foncier devant la justice, la présence d’une tombe pouvait peser en faveur de la famille du défunt », raconte Eddy*, 27 ans.
Outre la résolution des conflits fonciers, la raison principale qui explique l’inhumation à domicile est souvent une volonté exprimée par les disparus eux-mêmes : « Mon grand-père est décédé dans un hôpital de Bujumbura, nous l’avons enterré à Gitega, dans le domaine familial. Il avait demandé à être enterré là quand il a senti sa fin proche. Il avait même désigné à mes oncles l’endroit précis de la proprité où il voulait reposer. Il ne souhaitait pas être enterré loin de nous, car, selon lui, enterrer un corps dans un cimetière public, loin de la parcelle familiale, revenait à l’abandonner. Pour transporter la dépouille à l’intérieur du pays, un membre de la famille a dû demander l’autorisation au ministère de l’Intérieur », se souvient Anne-Marie*, une étudiante de l’Université du Burundi.
La psychologue Roxane Gatoto, du cabinet Unwind, en dit plus : « Les Burundais sont des êtres profondément sociables. Depuis toujours, à travers les rites funéraires, ils ont cherché à maintenir un lien spirituel avec leurs défunts. Même aujourd’hui, la famille préfère inhumer le corps dans la parcelle familiale, afin de rester spirituellement proche du défunt et d’éviter de l’enterrer dans un cimetière public. »
Quid de la procédure administrative ?
Un administrateur, dont nous tairons le nom, nous explique les démarches administratives qu’il faut suivre pour pouvoir inhumer un défunt à domicile Selon lui, lorsqu’une personne décède à Bujumbura et que la famille choisit de l’enterrer à son domicile à l’intérieur du pays, les membres de la famille doivent adresser une lettre au ministre de l’Intérieur. Cette lettre doit solliciter l’autorisation pour le transport du défunt et son inhumation à domicile. En revanche, lorsque la famille désire enterrer le défunt à domicile sans transport de la dépouille, une simple demande d’autorisation d’inhumation à domicile suffit.
Le certificat de décès doit être annexé à la lettre si le défunt est décédé à l’hôpital. Si le décès a eu lieu à domicile, la famille devra fournir un document signé par l’une des autorités administratives attestant du décès. Cette procédure n’est pas nécessaire pour une inhumation dans un cimetière public, sauf si la dépouille doit être transportée de Bujumbura à l’intérieur du pays. Dans ce cas, la famille doit soumettre une demande d’autorisation pour le transport de la dépouille uniquement.
Les autorités administratives de chaque province sont chargées de faire respecter ces procédures. Des copies de la demande d’autorisation d’inhumation à domicile sont envoyées au gouverneur et à l’administrateur communal pour le suivi du dossier, notamment en cas de litige foncier, ou pour annulation de la demande en cas de besoin.