article comment count is: 0

Gestion du patrimoine familial : les femmes n’ont pas le droit de cité

Avec les fêtes de fin d’année, les familles essaient de trouver des moyens pour passer de bons moments. Certaines, n’ayant pas d’autres sources de revenus pour avoir de l’argent,  se rabattent sur leur patrimoine. Sauf que les femmes sont souvent privées de ce droit d’user des biens du ménage. Voyons comment avec ce blogueur. 

Nous sommes sur la colline Manyoni en zone Muheka de la commune Songa. L’heure n’est pas à la fête dans un des ménages du coin. Matilde, mariée et mère de trois enfants tient sa tête entre les mains. Maussade, elle fixe l’étable devant elle. Elle n’a pas le droit de toucher à sa chèvre qu’elle espérait mettre sur le marché afin d’avoir les moyens pour célébrer le nouvel an comme les autres. Et pour cause, son mari le lui a formellement interdit. Pourtant, tout le bétail lui  appartient et c’est elle qui le nourrit et l’élève. En même temps, son mari, lui a tous les droits.  « Dernièrement, il a vendu deux porcins, je n’ai pipé mot. J’ai essayé de lui demander pourquoi, la réponse a été que je n’ai pas le droit de lui demander quoi que ce soit, car c’est lui le responsable de tout », témoigne-t-elle avec tristesse. Et pour couronner le tout, ajoute-t-elle, après les avoir vendus, son mari a passé presque toute une semaine à rentrer au petit matin. Une habitude que Matilde a dû accepter. Hormis le fait de gaspiller les biens du ménage, son mari ne lui accorde même plus le temps pour parler de ses projets de la famille. 

Matilda n’est pas la seule à pleurer 

« La culture burundaise considère la femme comme une subalterne et non comme l’égale de l’homme. Le mari a toujours le dernier mot quand il s’agit de gérer les biens du ménage. », constate le Dr Emery Nukuri, doyen de l’Institut d’Administration et de Cartographie foncière à l’université du Burundi. Pourtant, poursuit-il, le Code des Personnes et de la Famille (CPF) en son article 126 est bien clair. « Aucun époux ne peut acquérir à titre onéreux la propriété ou tout autre droit réel portant sur les immeubles ou les exploitations dépendant de la communauté conjugale sans le consentement de l’autre ». Dans sa récente étude portant sur le droit d’accès et de gestion égalitaire du patrimoine familial, Dr Nukuri constate que dans certaines régions du pays, le pouvoir masculin prend le dessus. «  Il y a encore cette réalité selon laquelle l’homme est le centre des décisions familiales. C’est lui qui gère tout selon son bon vouloir. La femme n’a la parole que quand il y a bonne cohabitation », précise-t-il. Souvent, même en cas d’accord sur la gestion des biens, l’homme prend toujours les biens de valeur comme le bétail, la propriété foncière tandis que la femme doit se contenter des récoltes et les animaux de la basse-cour.

Vous avez dit une loi lacunaire ? 

Eliane Irakoze, présidente de l’Association des Femmes Juristes du Burundi (AFJB) pointe du doigt l’arsenal législatif qui n’est pas clair sur le rôle de la femme dans la prise de décisions au sein du ménage. « Le CPF est obsolète et mérite d’être revisité », s’indigne-t-elle. Pour cette activiste, c’est déshonorant de voir qu’en 2021, les femmes ne peuvent pas hériter de leurs parents. « La pratique dit ‘’Igiseke’’ où, au lieu d’un partage équitable de l’héritage, on donne une petite partie à la fille comme cadeau prévaut toujours. De quoi interpeller l’opinion sur l’héritage de la fille », relève-t-elle. 

Pour ce qui est de la succession, cette juriste suggère qu’il y ait harmonisation de la jurisprudence où la femme aurait une part de responsabilité suffisante sur les biens du foyer. Ainsi, conclut-elle, une bonne gestion permettrait aux ménages de se développer et de mettre fin aux sempiternelles querelles autour de la spoliation du patrimoine familial.

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion