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La foire « Made in Burundi » ou la foire du sucre ?

Trouver du sucre dans différents quartiers de Bujumbura relève du parcours du combattant. S’il est disponible, son coût est largement supérieur aux prix officiel. Étonnamment, à la foire ‘’made in Burundi’’ qui s’est tenue à l’Hôtel Source du Nil, du sucre, il y en avait à ne plus savoir quoi en faire. D’où est sorti ce ‘’sucre de foire’’ alors qu’il manque cruellement dans les boutiques ? 

L’Hôtel source du Nil a abrité du 12 au 17 juin 2023 une foire des produits estampillés ‘’made in Burundi’’. Une occasion pour les entreprises privées ou paraétatiques de faire connaître leurs produits et services, établir des contacts et réaliser quelques ventes. De tout ce beau monde, la société sucrière du Burundi, Sosumo, s’est taillée la part du lion. 

Nous sommes vendredi le 16 juin 2023. Il est 17h, nous posons nos pieds à l’entrée de l’hôtel source du Nil. Plusieurs stands sont installés dans l’aile gauche. Juste à l’entrée, nous croisons des gens en possession des sacs biodégradables plein de produits. Saluons d’ailleurs le respect de la mesure interdisant l’utilisation des sachets en plastiques et non biodégradables. 

Curieux, nous sillonnons d’abord différents stands, pour découvrir des éventuelles innovations. La plupart des stands sont désertes. C’est la tombée de la nuit, les clients ont sûrement déjà regagné leurs quartiers, nous disons-nous. 

Du sucre à gogo

C’est en progressant que nous constatons une autre réalité. Plus loin, nous découvrons une marée de gens. Des centaines de personnes se bousculent autour d’un stand. Nous nous approchons pour voir ce qui se passe. Un voleur sans doute ? 

Tout près, une charmante fille dans son stand nous accueille et se précipite pour nous expliquer les services qu’elle offre. Normal, elle est venue faire connaître son entreprise.  Avant qu’elle ne finisse, nous lui demandons ce qui se passe au stand d’à côté. « C’est le stand de la Sosumo. Ils achètent du sucre. Depuis le début de cette foire, c’est toujours comme ça ». Elle ne s’arrête pas. « Vous venez aussi l’acheter ? Il faut chercher une liste qui n’est pas encore complète. Il faut que vous soyez au moins 6 parce qu’une seule personne n’est pas autorisée à acheter un sac de 50 kg ». Pas de détail à ce stand. 

Sauf que de la spéculation ne pourrait pas manquer. Une seule personne pouvait s’offrir facilement tout un sac en créant des listes fictives ou s’inscrire sur plusieurs listes. Nous avons constaté de tels cas.

Pendant que les gens se bousculent vers le stand de la Sosumo, les détenteurs des autres stands sont dans la désolation, excepté celui qui vend les sacs biodégradables, qui a presque écoulé tout son stock. « C’est comme si nous n’ n’existons pas. Je viens de passer deux heures sans que personne ne vienne me demander nos services », explique L. M.

Pendant une heure et trente minutes que nous avons passée à cet endroit, plus de 60 sacs ont été distribués. « Pourquoi le sucre est-il disponible à ce lieu alors que dans les quartiers, il est quasi introuvable ? », demande Evelyne qui est venue se procurer 5 kg. Un autre déplore que dans les quartiers un kg de sucre s’achète à plus de 3000 Fbu alors que le prix officiel est de 2500 Fbu. Un agent de la Sosumo sur place explique que les vendeurs font de la spéculation à cause de la production insuffisante. 

Vers la hausse du prix du sucre ? 

La problématique de la faible production et la commercialisation du sucre à la Sosumo a été étudiée par le conseil des ministres du 07 juin 2023. Les membres du gouvernement ont proposé de revoir à la hausse le prix du sucre et abandonner les taxes payées par la Sosumo. « La Sosumo produit chaque année une quantité de sucre qui oscille autour de 20 000 mille tonnes. Cette quantité reste insuffisante par rapport à la demande locale », lit-on dans le compte rendu. Les besoins annuels en sucre sont estimés à 36 000 tonnes et ne cessent d’augmenter. D’où un recours à l’importation pour compléter sa production. 

Par ailleurs, la structure actuelle du prix du sucre date de mars 2017 et ne permet plus à la Sosumo de couvrir toutes les dépenses compte tenu de la conjoncture économique actuelle, observent les membres du gouvernement : « Compte tenu de la cour de change actuel, la Sosumo vend le sucre à perte surtout le sucre importé, ce qui affecte très négativement ses activités et risque de conduire l’entreprise à la faillite si des mesures d’accompagnement ne sont pas prises à temps ».

Libéraliser le secteur ?

Malgré l’importation du sucre par la Sosumo, la demande du sucre est toujours supérieure vue la pénurie de ce produit. Les habitants rencontrés à l’Hôtel Source du Nil se demandent pourquoi le gouvernement ne libéralise pas ce secteur. « L’important serait d’autoriser les hommes d’affaires qui sont capables d’importer le sucre et mettre de côté le monopole », explique Goreth Nijimbere. 

Une raison fondée car cette société n’a pu satisfaire la demande que quelques années. Créée en 1982, c’est après 6 ans (1988) que les premières productions de la Sosumo commencent à tomber. Cette année, la production s’élevait à 4658 tonnes. En 1991, le pays a importé au tour de 5 mille tonnes. 

Toutefois, c’est en 2016 que la pénurie du sucre commence à se faire sentir. Et cela, malgré une augmentation de la production qui a passé autour de 21 mille tonnes. Depuis lors, la production n’a oscillé autour de ces tonnes alors qu’en 2020. Cette année même, 52 % de la quantité du sucre consommée était importée. 

Le projet de modernisation de la Sosumo voué en échec ?

Si le Conseil des Ministres du 07 juin 2023 n’a pas fait le point sur le projet d’extension de cette société, en 2021 le gouvernement prévoyait de débourser environ 106 milliards de Fbu pour la réhabilitation et la modernisation- extension de l’usine ainsi que 26 milliards de Fbu pour l’implantation d’une distillerie.

A voir les persistantes pénuries, il est difficile d’affirmer que la modernisation est en cours. Serait-elle freinée par le manque de financements ? A cette époque, le gouvernement comptait recourir à des financements extérieurs pour importer les équipements.

Rappelons que suite aux défis liés à la mauvaise gestion de la Sosumo, le gouvernement a affiché vers la fin de 2018, une volonté de céder une part de ses actions (53, 68%) au privé. Une volonté qui n’a été exaucée. 

Par ailleurs, il y a des années qu’un particulier a lancé un projet de plantation de cannes à sucre à Gihanga, mais jusqu’à ce jour aucun kilo n’a été produit.

 

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