On vous parlait dans notre dernier article des élections communales de 1960 remportées par le PDC grâce à un certain nombre de facteurs. Focus maintenant sur celles de 1961 qui verront la victoire du parti de Rwagasore et qui permettront au Burundi de recouvrer son indépendance.
Les élections communales de 1960 ont été contestées par l’Uprona. Cette contestation ne sera pas sans bouger les lignes, du moins du côté des Nations Unies. En effet, l’Assemblée Générale de l’ONU décida de prendre les choses en main, en adoptant la résolution 1579 qui ordonnait à la Belgique de retarder les élections législatives prévues le 28 janvier 1961.
Dans le même ordre d’idée, une Commission des Nations Unies pour le Ruanda-Urundi qui devait se prononcer sur la préparation des élections et d’étudier le problème du génocide au Ruanda devait être accueillie par la Belgique.
Mais, un peu comme pour devancer les travaux de cette commission, la Belgique mit sur pied un conseil intérimaire. C’était en fait une sorte d’Assemblée Nationale élue par les conseillers communaux. En tout, 64 membres dont 80% des « députés » provinrent du Front Commun.
Ces institutions intérimaires, elles seront dénoncées par les partisans de l’Uprona qui réclamèrent la tenue des élections au suffrage universel. Et ce fut une victoire pour le parti de Rwagasore, car l’ONU accepta ses propositions.
Ainsi, des élections furent fixées le 18 septembre 1961, cette fois-ci sous la supervision de la même organisation. Et effectivement, elles eurent lieu à cette même date.
La suite, vous la connaissez. C’est l’Uprona, parti indépendantiste, qui sort vainqueur avec environ 625.000 voix contre 13.500 pour le Front Commun. Concrètement, sur 64 sièges que comptait l’Assemblée Générale, le parti de Rwagasore en emporta 58. Comme lors des communales de 1960, le Front Commun contesta ces résultats. Il pointa surtout du doigt la propagande faite par le fils du roi alors qu’il lui était interdit de faire la politique.
Les raisons de la victoire
On vient de le voir. L’ONU décide de se « mêler » des élections de 1961. Et dès le milieu de l’année 1961, la Commission des Nations Unies pour le Ruanda‐Urundi supervise le déroulement et l’organisation des élections législatives prévues en septembre 196. Des élections qui avaient pour but de choisir les futurs représentants du Burundi indépendant. Et il faut le dire, la compétition politique lors de la campagne électorale qui commença officiellement trois semaines avant le scrutin a été beaucoup plus libre qu’en 1960. En témoigne de très nombreux meetings organisés par les partis politiques.
Si l’Uprona sort gagnant de cette compétition électorale, l’Historien Emile Mworoha avance un certain nombre de facteurs. En effet, lors des élections communales de 1960, les femmes n’avaient pas le droit de voter. Seuls les hommes ont voté pour ces « élections organisées dans la précipitation » et dont l’ONU n’hésitera pas de dénoncer. En conséquence, les élections législatives qui auront lieu le 18 septembre 1961 verront cette fois-ci, l’autorisation accordée aux femmes de pouvoir voter.
Qui plus est, ce sont des élections qui seront supervisées par le Conseil de tutelle. Une observation de l’universitaire Mworoha que corrobore l’autre Historien, Evariste Ngayimpenda. Selon lui, à part ce rôle du vote des femmes qui avait permis à Rwagasore de trouver un thème de propagande mobilisateur, la mise en liberté de ce dernier permettra à son parti d’exploiter l’aura que lui avait value sa mise en résidence surveillée.
In fine, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette victoire de l’Uprona sera l’une des causes directes de la disparition de son leader charismatique, le Prince Rwagasore, seulement quelques semaines après avoir été élu Premier ministre. Une mort qui ne reculera pas toutefois le recouvrement de l’indépendance qui interviendra à seulement dix mois de la mort du jeune héros de l’indépendance.
C’est vrai que la présence de l’ONU et de Rwagasore ont joué un grand rôle dans la victoire de l’Uprona. Beaucoup de sympathisants de l’Uprona qui avaient peur avant ont été revigorés et rassurés par cette présence. La mission de l’Onu était dirigée par le Haitien Max H. Dorsinville(frère du poète Roger Dorsinville) et il y avait quelques casques bleus venus de Malaisie . Dorsinville a gardé un mauvais souvenir de l’accueil des autorités belges . L’Uprona se trouvait aussi dans une meilleure situation financière en grande partie grâce a l’aide du Tanganyika de Julius Nyerere et de l’Egypte de Nasser. Le Tanganyika(Tanzanie) autonome avait mis aussi a sa disposition l’imprimerie de Tabora. Defays, le Résident du Burundi , avait démissionné parce qu’il ne supportait pas la présence de l’ONU dans ces élections . Il avait été remplacé par Régnier qui a été par la suite accusé d’avoir commandité ou inspiré le meurtre de Rwagasore.
La victoire de l’Uprona ne s’est pas faite uniquement contre le PDC mais contre le Front commun, une coalition de partis dont les principaux étaient le PDR, le PDC et le PP. Cette coalition était soutenue par l’administration belge. L’Eglise catholique était divisée. La majorité du clergé burundais soutenant l’Uprona (discrètement ou ouvertement) alors que le clergé européen à l’inverse soutenait le front Commun. L’Archevêque Grauls était neutre mais d’une neutralité bienveillante envers l’Uprona. Il était le parrain de Rwagasore et Ntiruhwama qui était son son secrétaire à l’archevêché militait dans l’Uprona.
https://www.amazon.fr/M%C3%A9moires-d%C3%A9colonisation-Max-H-Dorsinville/dp/292315357X