Comme on le montrait dans un récent article, dans le cadre du recouvrement de l’indépendance, le Burundi se prêtera à l’exercice électoral. Et pour l’occasion, entre 1960 et 1961, deux élections ont été organisées. Focus ici sur celle de 1960, qui verra la défaite de l’indépendantiste parti, Uprona.
Un petit rappel. Lors de la recherche de l’indépendance du Burundi, le terrain politique de l’époque était en grande partie occupé par deux grands protagonistes. Il y avait d’un côté l’Uprona pro-indépendance immédiate et de l’autre le PDC, partisan de l’indépendance tardive.
Mais en droite ligne du recouvrement de l’indépendance, des élections sont organisées. Ainsi, du 15 au 8 décembre 1960 se tiennent des communales. Et pour les besoins de la cause, le 20 septembre 1960, douze partis politiques, notamment le PDC, le PDR et le PP se constituent en un front commun. Un front contre l’UPRONA du prince Louis Rwagasore.
A l’occasion de cette course électorale, la tutelle belge inquiète de la popularité du fils du roi entreprend une série d’actions pour bloquer la campagne de l’Uprona. Entre autres actions contre lui, sa mise en résidence surveillée à Bururi en pleine campagne. Tout cela dans le but de permettre au Front Commun de remporter la mise et écarter par-là le parti de Rwagasore.
Pour quels résultats ?
Ces épines dans les pieds de l’Uprona ne seront pas sans donner des suites favorables. En tout cas pour les alliés de la tutelle. Pour cet exercice électoral, sont inscrits au rôle 475.655 électeurs. Ils ne seront toutefois que 397.651, c’est-à-dire 83,59% à participer. De même qu’il y aura 7013 bulletins blancs et 3481 bulletins nuls.
Résultat, ce sont des élections qui offriront la victoire aux formations politiques du Front commun. Plus concrètement, et c’est ce qu’écrit le politologue Denis Banshimiyubusa. Sur un total de 2873 sièges de conseillers communaux à pourvoir, 925 sont revenus au PDC, 545 à l’Uprona, 501 au PDR, 222 au PP, 156 à l’UNB, 109 au RPB et les sièges restants aux autres « petits » partis et à la liste des indépendants. Qui plus est, dix des douze partis du Front commun qui ont participé à ce scrutin totaliseront 2014 voix, soit 70,10% des suffrages exprimés.
Plus concrètement encore, sur les 181 sièges de bourgmestres à pourvoir et qui correspondent aux 181 communes que comptait le royaume, les partis du Front commun en ont obtenu 131 voix équivalent à un pourcentage de 72,37%.
Vous l’aurez donc compris, ces élections, l’Uprona les perdra. Et elle ne manquera pas de dénoncer leur caractère irrégulier.
Les raisons de la défaite
On vient de le voir, l’adhésion de la population aux idées de l’Uprona ne permettra pas à ce dernier de remporter ce scrutin de décembre 1960. Et ce ne sera pas sans raisons. En effet, une forte abstention est constatée. Une abstention qui semble résulter d’une part, de la volonté de boycott annoncée par l’Uprona elle-même en signe de protestation aux actions de l’administration coloniale et d’autre part, de la propagation d’une rumeur qui dissuadait les électeurs de voter. C’est en tout cas ce qu’écrit l’historienne Christine Deslaurier dans un article.
Pour elle, « dans cette situation, on peut dire que le refus du vote a été davantage le résultat de la diffusion de la rumeur que la preuve d’une véritable hostilité à l’encontre du scrutin local ». À en croire cette rumeur qui est apparue en novembre 1960 dans la région de Ngozi, « il arriverait malheur à ceux qui auraient dans leur carnet d’identité le cachet Yatoye ». On y reviendra.
Mais il faut dire que si l’Uprona a perdu la partie pour ces élections communales, ce ne sera pas le cas pour les législatives de septembre 1961 qu’elle remportera haut la main. Ici aussi, ce ne sera pas sans raisons. On y reviendra aussi.