Dans une lettre récemment parue sur Yaga, une personne âgée a adressé un message à la génération actuelle. La grande partie de la lettre blâme les jeunes, les accusant qu’ils ne pensent pas à leur avenir, surtout à leurs vieux jours. Etant jeune, j’ai été touché par le contenu de cette missive, voici ma réaction.
Chère Nyokuru,
Après avoir lu votre lettre, il m’a été impossible de rester bouche cousue. Une partie de votre lettre exhorte avec prudence les jeunes d’aujourd’hui à penser à leur avenir. Je vous remercie pour ce tardif intérêt que vous nous portez. De plus, je vous rejoins lorsque vous dîtes que la génération actuelle, sommes en train de perdre certaines pratiques coutumières de la société burundaise qui donnent la place prestigieuse aux sages. C’est la réalité.
Dans une longue partie, vous reprochez aux jeunes de ne pas respecter les anciens, d’être sourds à leur sagesse et aux récits d’hier. Tout cela vous pousse à nous considérer comme de mauvais role models dans l’avenir.
Chère Nyokuru,
J’en conviens, notre génération ne s’ancre pas au maintien de l’ordre social d’antan. En revanche, je m’élève contre la façon dont vous vous dédouanez de toutes les erreurs du passé. Je m’explique : si l’ordre social d’autrefois disparaît, c’est parce qu’à un certain moment vous avez oublié et abandonné votre rôle. N’étiez-vous pas censés transmettre ces traditions et coutumes burundaises ?
La génération d’hier a bénéficié de cet « indero yo ku ziko » (L’éducation du coin du feu, Ndlr). Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, vous discutiez librement avec vos parents. C’était une aubaine pour les anciens de transmettre aux jeunes la sagesse ancestrale. Mais aujourd’hui, même les enfants qui ont la chance de vivre avec leurs parents, reçoivent plutôt « indero yo ku mbabura ». Les enfants, surtout dans les villes, sont éduqués par les ‘’bonnes’’. Quel temps prenez-vous pour dialoguer avec vos enfants et petits-enfants, pour leur raconter des vérités sociales, leur inculquer les valeurs et coutumes burundaises ?
Chère Nyokuru,
Vous condamnez les nouvelles technologies de l’information, les accusant à tort de faire perdre la tête à la nouvelle génération. Nyoku, comprenez. Le monde évolue et nous devons courir derrière, déjà que notre pays n’est pas des plus avancés à ce niveau… A travers Internet, nous avons accès à de précieuses connaissances, des informations, des opportunités, quasiment au même titre que les jeunes du monde entier. L’école d’aujourd’hui ne se lasse pas de nous recommander d’être à jour avec toutes ces nouvelles technologies. Le Burundi, malgré les défis, mène un combat pour mettre à pied la politique de digitalisation dans tous les secteurs. Comment cela sera-t-il possible, si les jeunes ne côtoient pas Internet ?
Nyokuru, j’ai été sidéré par votre message accusant les jeunes de ne pas penser à leurs vieux jours. Pourtant, vous n’êtes pas sans savoir que la pauvreté mine les Burundais et encore plus les jeunes. Pour rappel, aujourd’hui, le taux de chômage ne cesse de s’accroître. Ici, je ne reviens même pas sur le nombre de jeunes qui, ne sachant plus à quel Saint se vouer, se retrouvent dans la rue à mendier ou à vendre leurs charmes au plus offrant. Que dire de ces jeunes qui, contre vents et marées, au péril de leur vie, quittent le pays à la recherche d’un avenir plus prometteur ?
Chère Nyokuru,
L’homme est un produit de la société et il est ce que la société fait de lui, dit le philosophe Auguste Comte. Dans notre avenir, pour nous déplacer, nous utiliserons un bâton tiré de la forêt dont nos contemporains et prédécesseurs nous auront montré. Les jeunes et les vieux doivent donc partager cette tâche pour maintenir et faire évoluer l’ordre social de la société burundaise, tout en tenant compte de la marche du monde entier.
Cordialement,
Votre petit-fils