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Consommation de l’alcool chez les ados : « Boire le calice jusqu’à la lie »

La bière étant considérée comme un produit socialisant dans la culture burundaise, certains jeunes n’hésitent pas à forcer sur la bouteille quitte à devenir dépendant. Ceci est une triste histoire d’un adolescent de 16 ans qui est tombé dans les affres de l’alcool à cause de ses copains. 

Nous sommes un samedi aux environs de 19h dans un bar appelé « Apéro ». Je suis avec mes amis, tous amoureux du ballon rond. On est venu assister à un match du championnat anglais. L’endroit est très fréquenté. Les adolescents s’y trouvent en nombre. Les uns dansent, les autres sont en train d’en « découdre » avec les bouteilles d’Amstel et de Primus. Nous, avec toute notre vieillesse, sommes installés au comptoir, les yeux rivés sur le petit l’écran. Soudain, un jeune garçon me tape à l’épaule. Je me retourne et je vois un visage souriant. « Salama grand frère », lance le garçon qui enchaîne avec un « je voulais te demander un service ». Le mot « service » revêt une signification très particulière propre aux Burundais. Sans hésiter je dis oui. Le service qu’il sollicité ? Lui acheter une bière ! Une demande que j’accepte volontiers. Et le jeune garçon s’installe naturellement à côté de moi, comme si on était les meilleurs potes du monde. Ma curiosité est piquée au vif. Je veux connaître mon invité-surprise. La conversation ne tarde à s’engager. Comment un garçon si jeune peut quémander une bière au bar ? A-t-il vraiment l’âge de consommer l’alcool ? Des questions me taraudent l’esprit. 

« Je suis devenu accro à la bière à cause de mes amis », témoigne le jeune Bertin. Très jeune, d’une apparence plutôt joviale, il boit comme un trou. La conversation s’anime et les carapaces tombent. Il m’avoue qu’il a siroté son premier verre à…12 ans. Un petit gamin qui vient à peine de commencer l’école secondaire dans un quartier nord de Bujumbura, il côtoie les autres jeunes de sa génération. « La bière n’était même pas un de mes hobbies. J’aimais beaucoup lire et regarder des films ». Mais chaque fois qu’il essayait de s’intégrer au groupe de ses camarades, on le traitait de puceau qui ne sait que suçoter des jus. Chaque fois à la fin des cours, les autres garçons allaient descendre quelques bières à l’abri des regards indiscrets, loin de l’école. Le pauvre Bertin se tapait le chemin de retour vers la maison seul. « Plus le temps passait, plus je me sentais seul et ridicule ».

Relever le défi

« Le jour où j’ai décidé de goûter à l’alcool, c’était pour me sentir estimé dans le groupe. Je n’avais même pas l’argent, c’est eux qui ont payé pour moi », se souvient-il. C’est d’abord de l’amertume que j’ai sentie avec la première gorgée, puis le premier verre est passé. Un peu de délice s’en est suivi. Après plusieurs gorgées d’affilée, c’est dans sa petite tête que tout va se jouer. Sans terminer le petit Primus (affectueusement appelé Bajou), Bertin prend le chemin de la maison en titubant, ivre comme un maçon. « Je me souviens que pour entrer dans ma chambre, ça m’a pris pas moins de cinq minutes pour tourner la clé dans la serrure ». Le lendemain, il ne parviendra pas à aller à l’école, gueule de bois oblige. Dans l’après-midi, ses nouveaux amis (de vrais piquets de bar) sont venus le voir à la maison. « Agasibe kavugwa n’irindi cupa » (la gueule de bois se soigne par une bonne bière ndlr). Depuis ce jour, j’ai sombré dans l’ivresse quotidienne. 

La descente aux enfers

Quatre ans viennent de passer, Bertin est devenu un habitué des bars. Et cette période de descente aux enfers coïncide avec le début des échecs à l’école. Maintenant en vacances, il passe rarement ses journées à la maison. « C’est comme si nous buvons en synergie. Chacun s’arrange pour trouver de l’argent. Certains vont jusqu’à voler dans les poches de leurs parents » pour pouvoir s’offrir la cuite du soir. Et quand on lui demande combien de bières il peut boire par jour, le calcul devient compliqué. « Mon dernier record s’est établi à 9 Bajou. Mais chaque jour je dois en prendre au moins deux, qu’il pleuve ou qu’il neige », confie-t-il entre deux hoquets. 

Il est 22 heures, le jeune Bertin est toujours scotché au comptoir. Certains de ses amis sont déjà rentrés. La langue devient de plus en plus pâteuse. Je quitte le bar, le laissant avec sa dernière bouteille qu’il s’est finalement achetée, ne me demandez pas où il a trouvé l’argent. A quelle heure ce soulard précoce de Bertin est-il finalement rentré ? Je n’en sais rien. Ce qui est sûr c’est que prendre l’alcool quand on n’a pas 18 ans ou plus n’est pas bon. D’ailleurs sur la bouteille que Bertin ingurgitait est mentionné : « Ne pas vendre aux personnes âgées de moins de 18 ans ». Est-ce que les tenanciers des bars lisent cette notice ? Demandent-ils l’identité à ceux qui leur paraissent trop jeunes ? En tout cas, une étude montre qu’à Bujumbura, plus de 52% des filles et 49% de garçons jeunes n’ayant pas encore atteint la majorité ont déjà consommé de l’alcool alors que la loi burundaise l’interdit. 

Quelles peuvent être les conséquences ? 

Les adolescents accros à alcool développent des troubles de comportement. Ils peuvent être impliqués dans des disputes violentes et le manque de jugement en matière de comportement sexuel. Bien pire, selon OMS, l’usage nocif de l’alcool entraîne 2,5 millions de décès chaque année et affecte de plus en plus les jeunes générations.

 

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