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« A ce jour, je ne connais aucun artiste qui a déjà joui de ses droits d’auteur »

Au Burundi, malgré l’existence de l’Office Burundais pour les Droits d’Auteur (OBDA) les artistes disent ne pas jouir de leurs droits. Pourquoi cette situation alors que cette office existe depuis bientôt 11 ans. Où est-ce que ça coince? Que faut-il pour changer la donne? Francis Muhire, lui-même artiste et auteur d’une étude sur les droits d’auteur nous aide à y avoir clair dans ce dernier article de notre dossier. 

Dites-nous d’abord ce qu’il faut comprendre par droit d’auteur ?

Le droit d’auteur est un droit exclusif de l’auteur. Exclusif parce qu’il exclut les autres personnes/utilisateurs. L’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique est le seul à posséder ce droit. Ce dernier comporte des attributs ou des propriétés qui sont d’ordre moral et patrimonial. Moral parce que par exemple quand on cite un auteur, il va se sentir reconnu, moralisé. Patrimonial car tout cela relève du patrimoine. Une fois que cette œuvre génère quoi ce soit, son auteur doit en bénéficier. C’est un droit qui procure de l’argent ou de biens matériels et qui rentre dans le patrimoine de l’auteur. 

Quels sont les préalables pour que le droit d’auteur soit appliqué au Burundi ?

Beaucoup de conditions sont déjà remplies. L’existence même de l’OBDA est une condition pour que les droits d’auteur soient reconnus. De même que la promulgation de la loi  du 30 décembre 2005 ainsi que les ordonnances ministérielles d’application. Mais pour ce qui est de l’effectivité de ces droits  pour permettre à l’auteur de jouir de son droit, ce n’est pas encore le cas. Je ne connais pas d’artistes ici au Burundi, écrivains ou musiciens qui auraient déjà  perçu quelque chose en rapport avec son droit d’auteur. 

La loi sur la protection du droit d’auteur date  de 2005 et depuis 2011,  l’OBDA existe. Pourquoi malgré cela les artistes burundais ne jouissent pas de leurs droits ?

Pourquoi ? Pour répondre à cette question, il faudrait tout un atelier avec l’OBDA. Il y a sans doute des raisons de la non-jouissance du droit d’auteur par les artistes burundais. Des conditions qui ne seraient pas remplies ? Dans tous les cas, l’OBDA le saurait. C’est lui qui peut expliquer le fait que depuis sa création en 2011 jusqu’à maintenant, aucun artiste n’a encore perçu des redevances sur l’exploitation de ses œuvres. 

Comment les artistes peuvent-ils jouir du droit d’auteur dans le contexte burundais ? 

En 2014, il y a eu une ordonnance conjointe des ministères ayant les finances et  la culture dans leurs attributions portant sur le règlement de perception des droits d’exploitation des œuvres littéraires et artistiques. Elle indiquait comment les artistes peuvent jouir de leur droit. Elle indiquait aussi les tarifs à appliquer.  Hélas, ça n’a jamais fonctionné. 

Dans certaines interventions, j’ai déjà entendu l’OBDA appeler les artistes à enregistrer leurs œuvres. Et il y a ceux qui l’ont déjà fait. Leurs œuvres sont donc protégés. Est-ce qu’ils perçoivent les droits d’auteurs ? Non, je n’en ai jamais entendu parler.  

A ce stade, l’OBDA doit se moderniser. Il doit avoir une approche très ouverte. Aujourd’hui, les artistes ne gagnent pas seulement de l’argent issus des radios, des entreprises, des exploitants des bars et des bistrots. Actuellement, l’argent se gagne aussi sur YouTube ou sur TikTok,… 

Malheureusement, jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas  des accords entre le Burundi et ces plateformes. Résultat : pour être payé, les artistes Burundais doivent passer par d’autres pays. 

Aujourd’hui donc, les œuvres littéraires et artistiques, ce n’est plus seulement au Burundi. C’est au niveau mondial. Pour la petite histoire, Il y a eu une chanson de Canjo Amissi qui a été  utilisé dans un film à Hollywood. Ils ont eu du mal à trouver qui payer. La balle est donc dans le  camp de l’OBDA.

Si non, moi j’ai des idées. Par exemple, l’OBR pourrait être mis à contribution. Tous ces gens qui jouent de la musique (les bars, les bus, les studios…), ils  payent de l’impôt. L’OBR pourrait donc accepter de majorer cette impôt qu’il irait reverser à l’OBDA. Ce dernier le repartagerait aux artistes. Un logiciel pourrait faire l’affaire pour plus d’équité.  

Comme expert dans le domaine, avez-vous déjà contribué ou été impliqué   dans des activités visant la promotion du droit d’auteur au Burundi ?

 Je crois que l’OBDA a des gens compétents avec qui il travaille. Si non moi, je donne des contributions à titre personnel, comme je le fais en ce moment en vous parlant.

 

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