Nkurunziza Peace Park Stadium (NPPS) vient d’accueillir un événement qui pouvait difficilement passer inaperçu. En plus d’un show impressionnant digne des grands évènements, le Secrétaire général (SG) du parti de l’aigle s’est livré au jeu de questions-réponses. Loin d’être une simple conférence de presse, Réverien Ndikuriyo y est allé de sa verve habituelle. Un blogueur a suivi de loin ce qui s’est dit à Makamba. Il nous livre ce qui a retenu son attention.
Pour commencer, dans le titre, j’ai mis conférence de presse entre guillemets, parce que ce n’est pas tous les jours qu’une rencontre avec les journalistes commence par ce show impressionnant fait de défilé des ‘‘compagnies’’ des jeunes du parti, le tout animé par un speaker consciencieux, qui harangue avec ferveur une foule massée au stade NPPS.
Pour terminer ce petit mis au point, si certains confrères ont caressé la bête dans le sens des poils en posant des questions d’un intérêt journalistique que je n’ai pas saisi, d’autres ont été incisifs, à ma plus grande satisfaction. Ceci était pour planter un petit décor. Passons à l’essentiel.
Le péché originel du général Alain Guillaume Bunyoni
Un collègue a posé la question de savoir si l’ancien Premier ministre faisait amendes honorables, le parti au pouvoir ne pouvait pas passer l’éponge et plaider pour sa libération. Parce que, selon lui, la libération de cet illustre prisonnier pourrait décrisper l’atmosphère et améliorer la situation du pays. Si je commence par-là, ce n’est pas parce que cette question a été soulevée en premier, mais plutôt parce que c’est celle-ci qui m’a parue intéressante, car, je n’ai pas souvent entendu le patron du parti de l’aigle s’exprimer là-dessus.
La réponse ne m’a pas déçu. Des choses que j’ignorais ont été dites, et de quelle manière ? Parlant du pardon évoqué par le journaliste, le chef du parti au pouvoir a été clair : « Iki kigongwe kizoza gitevye (Ce n’est pas pour demain) ». Et d’ajouter : « Imana iragira ikigongwe, ariko hari n’igihe ihana (aca yibutsa sodoma na Gomora) ». Si le général a été incarcéré et poursuivi en justice sous les chefs d’accusation de complot contre le Chef de l’Etat pour renverser le régime en place, de tentative d’assassinat du Chef de l’Etat à l’aide de fétiches, d’enrichissement illicite, etc., ladite « conférence de presse » nous fera découvrir que ses mésaventures ont commencé bien avant.
Ndikuriyo a dit que les premiers ennuis ont commencé quand Bunyoni s’est mis à défendre les siens que le parti avait punis. Je réécris en Kirundi pour essayer d’être le plus fidèle possible : « Ikosa ryambere yakoze mu mugambwe ni ugushaka kuvugira abo twahanye ». Après cela, il a persisté en essayant de faire nommer ces mêmes personnes punies dans des postes de responsabilité. Pour ceux qui pensent que sa libération pourrait améliorer la situation économique du pays, le SG du parti au pouvoir n’est pas de cet avis. « Amaboko abiri ntiyorusha amaboko imiriyoni 26. Amaboko abiri yorima Uburundi bwose ?», a-t-il déclaré après s’être interrogé sur ce que possédait Bunyoni pour pouvoir déstabiliser l’économie du pays.
La fuite des cerveaux ne serait pas toujours un problème
Le problème des enseignants de l’université qui partent travailler ailleurs a été aussi évoqué. Pour Révérien, qui a rappelé aussi le cas de l’exode des médecins, cela ne devrait pas toujours être considéré comme un problème. Si les Burundais partent travailler ailleurs, c’est parce leurs compétences sont reconnues (bapanze neza) et c’est bien. Maintenant, il faut en former davantage pour qu’il y ait ceux qui partent et ceux qui restent. Et moi je dis : si seulement cela était possible ! Maintenant que la qualité de l’enseignement est très décriée, demain, il n’y en aura peut-être plus ceux qui partiront grâce à leurs compétences.
L’autre grand moment du show de Makamba que j’ai retenu est la réponse que Révérien Ndikuriyo a donnée au journaliste qui lui a demandé s’il va concourir à un autre mandat à la tête de son parti, puisque l’actuelle mandature prendra fin en janvier 2026. « Oui, un congrès aura lieu pour mettre en place les responsables du parti, il faut retenir que « Muri Cndd-Fdd birapanze. Turi ngaha tuba turiko dutegura abazodusubirira » », a ainsi résumé le concerné. Y aurait-il meilleure façon d’envoyer bouler quelqu’un ?
Des points sur lesquels je suis resté septique
J’ai écouté attentivement toute l’émission et forcément, je n’ai pas été d’accord sur certaines réponses qui ont été fournies. Mais encore, il y en a d’autres qui ont suscité en moi un vif scepticisme pour ne pas dire plus. Gervais Rufyikiri qui vient de rentrer au pays, une occasion peut-être pour inciter les autres Bagumyabanga réfugiés de rejoindre la mère-patrie ? Réverien Ndikuriyo dit ne pas connaître des Bamyabanga refugiés. Aux dernières nouvelles, Pie Ntavyohanyuma, Onésime Nduwimana, ne sont pas partis de leur plein gré, et il était de notoriété publique qu’ils étaient des Bagumyabanga.
Sur les récentes accusations du Rwanda selon lesquelles l’armée burundaise serait de connivence avec les FDRL ayant commis le génocide en 1994, Ndikuriyo trouve étrange que c’est au moment où le Burundi vient en aide au voisin RDC que ces accusations sont proférées. Encore plus étrange pour lui est le fait que le Rwanda se bat en RDC depuis 1996 mais qu’il n’est pas parvenu à éradiquer ce groupe. C’est de bonne guerre, diront certains, sauf que nous sommes dans une région poudrière où les choses peuvent basculer d’un moment à l’autre et que ce genre d’accusations ne sont jamais à prendre à la légère.
In quoda veninum, le chef des Bagumyabanga sais qu’il y a pénurie des produits Brarudi. Néanmoins, pour lui c’est bien, parce que maintenant les Burundais ont de l’argent et ne manquent que de la bière. Celui qui n’en trouve pas aujourd’hui garde son argent pour en acheter demain. A se demander si ce sont mes compatriotes qui ont subitement plus d’argent alors que la production de la Brarudi est restée constante ? On penserait à un raccourci, parce que la Brarudi elle-même a, à un certain moment, avoué avoir quelques difficultés à s’approvisionner en matières premières. Si on devait étendre le raisonnement du SG aux autres pénuries, est-ce que c’est parce que les Burundais ont actuellement plus d’argent qu’il n’y a plus du sucre de la Sosumo pour tout le monde ? Ont-ils acheté trop de véhicules qu’on passe plus de deux ans avec une pénurie continue de carburant ?
Oui, ses réponses m’ont laissé assoiffé (cette fois-ci, non pas de la sainte mousse, si vous voyez ce que je veux dire).