Cette période de récolte de certains produits dans plusieurs provinces du pays ne semble plaire ni aux producteurs ni aux consommateurs. Les producteurs, interdits de vendre leurs productions pour savourer les fruits de leur dur labeur (au moins pendant un laps de temps) sont dans le désarroi. Les cas de fraude qui peuvent s’inviter dans la partie pourraient aussi occasionner des manques à gagner dans la collecte des taxes.
Depuis le 08 juin 2023, seul l’achat de petites quantités de consommation ménagère est autorisé. L’octroi des autorisations par les gouverneurs des provinces aux commerçants de collecter certains vivres a été suspendu par le ministère de l’intérieur jusqu’au 20 juin 2023. Cette mesure concerne le haricot, le riz, les grains de maïs, le sorgho, les arachides et les petits pois.
Prise consécutivement après la décision de la Banque Centrale de retirer de la circulation des billets de 10 mille FBu et 5 mille Fbu jusqu’au 17 juin, cette mesure impacte négativement aussi bien les consommateurs (flambée des prix sur le marché) que les producteurs. Manquant de marchés d’écoulement pour leurs productions, ils ne parviennent pas à couvrir leurs besoins. Pire, ils se font avoir par des commerçants qui se cachent derrière cette mesure pour acheter clandestinement les produits et réduire les prix à leur gré.
Stocker les récoltes malgré les besoins
Marie Nduwimana, quinquagénaire est rizicultrice dans la plaine de l’Imbo, précisément à Gihanga, explique qu’elle est contrainte de conserver sa production de riz malgré d’innombrables besoins. « J’ai décidé de stocker ma récolte et de ne pas la mettre sur le marché par manque de clients potentiels ». Ceux qui se présentent en cachète nous proposent des prix dérisoires arguant qu’ils n’ont pas où vendre, révèle-t-elle.
En même temps, cette quinquagénaire éprouve des difficultés à payer les travailleurs journaliers « qui n’ont pas besoin d’entendre que tu n’as pas d’argent ou encore que tu n’as pas mis au marché la production ». Elle attend désespérément le 20 juin et espère le déblocage de la situation.
La situation est la même pour les producteurs de la province Kayanza. « Pour cette saison culturale C où l’exploitation des marais bat son plein, on recourait à la vente des haricots pour se procurer de l’argent pouvant servir à payer l’avance de l’engrais FOMI et des travailleurs journaliers », avance E. N, cultivateur de la commune de Matongo. Il admet ne pas parvenir à se procurer d’autres produits de première nécessité comme l’huile de palme.
Les consommateurs, de leur côté, déplorent le fait que les prix des produits vivriers se sont envolés sur le marché ces derniers jours. « Les commerçants se cachent derrière la mesure du ministère de l’intérieur pour spéculer. Ils se dédouanent qu’ils ne s’approvisionnent plus », déplore M. B, un habitant de Kayanza.
La fraude s’invite-t-elle déjà dans la partie ?
La mesure de la suspension de collecte de la récolte pourrait profiter aux fraudeurs qui peuvent s’engouffrer dans la brèche. Et de cela, une éventuelle diminution des recettes dans les caisses communales de certaines provinces est à prévoir. C’est déjà le cas des provinces du Nord du Burundi. Comme le rapporte Jimbere Magazine, 584 kg de haricots frauduleux en direction du Rwanda ont été saisis du 09 au 10 juin 2023 en commune Ntega de la province Kirundo. 13 personnes ont été arrêtées. L’administration communale de Ntega affirme que ce genre de fraude n’avait pas été signalé depuis un certain temps.
Ce qui est sûr c’est que cette vente illégale de ces produits va occasionner des pertes dans les caisses communales. Les producteurs, eux, ont besoin de vendre leur production pour pouvoir répondre à leurs besoins. Eux aussi vont se retrouver en difficulté. Finalement, à qui profitera la mesure de restriction de circulation des produits vivriers ?