À l’instar de #MeToo en Occident, un hashtag appelant les Burundaises à témoigner des abus sexuels dont elles ont été victimes est apparu depuis quelques jours sur les réseaux sociaux. Les histoires qu’on y lit font froid dans le dos. Au blogueur Yves Irakoze, révolté, de se demander quand « la machine à fabriquer des hommes dignes au Burundi a fourché ».
Le hashtag pour dénoncer le mal semble venu d’ailleurs. En effet, #Burunditoo cache mal sa similitude avec #Metoo qui a défrayé la chronique il y a peu dans l’industrie du cinéma américain. Mais dans le cas actuel, les histoires rapportées sont bel et bien les nôtres. Comme cette jeune fille violée à deux ans par le mari de sa tante. Ou cette autre violée dans son enfance par un voisin, « reviolée » et engrossée par un oncle à 17 ans.
Dès lors, notre responsabilité en tant que nation est engagée. Et ce n’est pas à coups de hashtags que les lignes vont bouger dans un pays où juste un peu plus de 1 % avait accès à l’internet en 2011. Mais ces mots-clés nous rappellent que même au Burundi, de petites filles se font encore abuser par des proches – pères, frères, oncles, voisins- derrière portes et fenêtres fermées. Ils nous rappellent que le temps presse et que l’omerta autour des abus faits aux femmes doit cesser.
Un long et périlleux travail de pédagogie (ou de moralisation, c’est selon) doit être mené. Le viol doit être défini ailleurs que dans les seuls tribunaux. Mais également dans les écoles, dans les églises, sur les collines. Les jeunes garçons du Burundi doivent grandir en ayant à l’esprit le sens du mot « consentement ». Il faut également que les victimes puissent trouver des endroits sûrs, à proximité de chez elles, où elles puissent raconter leur calvaire et dénoncer les bourreaux.
La prochaine fois, épargnez-moi les images de célébrations de la journée internationale de la femme. Si en 2018, les victimes en sont réduites à libérer la parole en message privé sur les réseaux sociaux, c’est que le système a vrillé et ce depuis longtemps. Il doit être repensé.
#MenAreTrash : il y a des crétins qui ont déchiré le contrat
Mais comme tout le monde, je voudrais d’abord comprendre. Prendre une sorte de billet retour à la source du mal. Je voudrais remonter toute la chaîne de production de prédateurs sexuels. Qui achète les silences ? Qui embauche des fils d’autrui pour en faire des courtiers de l’indicible ? À quel moment la machine à fabriquer des hommes dignes a-t-elle fourché ? Et puis, c’est quoi l’adresse de la filiale burundaise de cette multinationale de la honte ? Je veux rencontrer le patron.
Mais je ne suis pas journaliste d’investigation. Je vais donc puiser ailleurs. Tiens, dans mon enfance par exemple. Et cette phrase de mon père en marge d’une rossée bien méritée : « Umviriza. Burya sindagukubita kuko ndakwanka. Nipfuza gusa ko uvamwo umugabo » (Ecoute. Je ne te frappe pas parce que je te déteste. Je veux juste que tu deviennes un homme, ndlr). C’était la première fois qu’il s’expliquait sur l’intention derrière la fessée. Et vu l’entrain qu’il y mettait, j’ai vite compris que devenir un homme était quelque chose. Pourtant, certains semblent s’en contrebalancer.
Hier soir, pendant que je parcourais les histoires de mes sœurs victimes d’abus sexuels, j’ai été soufflé. La honte a changé de camp : #MenAretrash. L’homme pour qui mon père n’a pas lésiné sur les claques et les avertissements s’est senti révolté. À un moment j’ai eu envie de le retrouver pour lui montrer les tweets et lui dire : « Regarde, vieux. Il y a des crétins qui ont déchiré le contrat ».
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