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Burundi:«J’ai trouvé ma place!»

Les infos, ce n’était vraiment pas son truc. Encore moins la politique. Sa vie se résumait aux études et à la prière. Une année restait pour qu’elle décroche son diplôme. Elle allait devenir médecin. Docteur avec un grand D. Mais voilà, cette histoire de troisième mandat, dont elle ignore les tenants et les aboutissants, risque de tout gâcher. Son université a fermé les portes. Elle, c’est Diella. Elle nous partage le changement survenu en elle il y a peu.

Tout a commencé dimanche. Diella ne savait même pas qu’il allait y avoir des manifestations. Elle avait à peine entendu quelques bribes d’infos de radio-trottoir dans son quartier. Ce n’était vraiment pas sa préoccupation. Pour elle, le dimanche, c’est un jour sacré. Le sabbat. C’est soit la prière, soit le repos. Ou les deux.

Mais ce dimanche n’a pas été comme les autres. Ce dimanche, elle a reçu l’ordre de ne pas approcher le portail, si possible de rester dans sa chambre. Dur ! « Il faut se mettre à l’abri de ceux qui se battent je ne sais pour quelle raison », lui explique sa tante. Diella obtempère. Elle pense à une affaire de 24 heures. Elle espère retrouver les auditoires le lendemain.

Dans sa chambre, seule, elle prie. Elle implore le Très-Haut d’éteindre ce feu qui enflamme les quartiers de sa ville.

Lundi

Les choses s’empirent. Puis vient mardi, puis mercredi… Diella commence à se poser des questions. Elle veut surtout comprendre ce dossier qui paralyse tout, maintient tout le monde à la maison, l’empêchant surtout de finir ses études. Pour la première fois, elle s’intéresse aux infos. La radio devient sa meilleure amie. Et elle finit par saisir une chose : le chef de l’État veut se représenter aux élections pour un troisième mandat. Les uns disent que c’est en violation à la Constitution et aux accords d’Arusha, d’autres non. Chacun prêche pour sa paroisse.

« Pour la première fois de sa vie, elle découvre les lois fondamentales de son pays. »

Diella est confuse, perdue dans ce tourbillon d’idées et d’argumentaires. La Constitution ? Elle sait que tout pays doit en disposer une. Mais les accords d’Arusha, elle n’y pige presque rien. Elle n’a vraiment plus le choix : il faut qu’elle consulte les deux bouquins.

Pour la première fois de sa vie, elle découvre les lois fondamentales de son pays. La guerre des nerfs, la rhétorique médiatique lui ont permis de cibler les articles de la discorde. Dare-dare, elle lit l’article 96, puis 302 de la Constitution et l’article 7 des accords d’Arusha. Dielle en est désormais sûre : Nkurunziza a tort. Les tergiversations des juges, les explications du pouvoir ne sont que des uppercuts politiques pour brouiller l’opinion nationale.

Agir

Très vite, le doute. La peur s’installe. Elle se demande quoi faire. Elle commence à réfléchir à toutes les alternatives : joindre les manifestants ou s’enfermer dans sa chambre ? Les angoisses du dilemme atteignent leur paroxysme. Une idée, comme tombée du ciel, lui apparaît soudain : joindre l’équipe de secours de la Croix Rouge. « Nous ne sommes pas encore débordés, mademoiselle. Restez prête. En cas de besoin, je garde vos contacts, je vous appellerai », lui répond sagement le responsable.

« Je suis fière d’avoir contribué au combat pour la liberté. »

Le lendemain matin, Diella enfile son joli blue-jeans, son t-shirt et rejoint rapidement les jeunes décidés à en découdre avec le troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Sans attendre, une altercation éclate entre manifestants et forces de l’ordre. Un policier appuie directement sur la gâchette. Un jeune est à terre. La balle vient de briser son tibia. Sauve qui peut ! Les manifestants prennent la poudre d’escampette. Tétanisée par les tirs assourdissants, Diella se jette sur le jeune qui nage dans son sang. Elle lui administre les premiers secours. Cette vie sauvée lui donnant du courage, elle continue sa route, distribuant de l’eau aux manifestants. Ainsi, elle se sent utile. « Je suis fière d’avoir contribué au combat pour la liberté », révèle-t-elle, tâchée de sang.

Prier et agir, ou vice-versa. Diella sait désormais que les deux lui conviennent. Si elle n’est pas au front pour secourir les victimes du troisième mandat, elle est dans sa chambre, à genoux, pour que le Tout-Puissant ne lâche pas le Burundi.

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