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#SilentMajority, dites-vous ?

Au Burundi, l’expression « Silent Majority » est en vogue depuis l’an dernier et le début du mandat controversé de Pierre Nkurunziza. Cette expression est très connue dans la rhétorique politique depuis le 19e siècle. Dans notre rubrique dédiée à la terminologie développée autour du troisième mandat, le blogueur Jean-Marie Ntahimpera nous en fait une analyse.

Depuis la crise d’Avril 2015, l’expression “Silent Majority” est la plus populaire chez les supporteurs de Pierre Nkurunziza. Pourquoi a-t-elle été aussi populaire ?

Par définition, la majorité silencieuse signifie qu’il y aurait une partie de la population qui ne s’exprimerait pas publiquement. Or, depuis le Président Pierre Nkurunziza a entamé sa course vers le troisième mandat, dont il vient de fêter le premier anniversaire, les partis d’opposition, la société civile, une partie de l’armée et de la communauté internationale se sont exprimés, chacun à sa façon, contre ce troisième mandat considéré comme anticonstitutionnel.

L’opposition et la société civile ont organisé des manifestations, qui ont été réprimées dans le sang. Des éléments de l’armée ont tenté un coup d’Etat, le 13 mai 2015, qui a échoué. En réponse aux violations massives et systématiques des droits de l’homme, une partie importante de la communauté internationale a arrêté les aides allouées au gouvernement. Malgré tous ces groupes qui dénoncent le pouvoir, les partisans de Nkurunziza considèrent qu’il y a une majorité de la population, silencieuse, et celle-là, disent-ils, soutient le pouvoir de Nkurunziza et son troisième mandat. C’est là que les partisans du pouvoir se trompent ou manipulent l’opinion.

La réalité sur terrain

En effet, il y a une majorité de la population qui ne s’exprime pas sur le mandat ou les violations des droits de l’homme qui l’accompagnent. Mais personne ne peut savoir si cette majorité est pour ou contre le mandat. La meilleure façon de le savoir serait d’organiser des élections libres et transparentes.

Car malheureusement, depuis 2010, les élections n’ont jamais été organisées dans un environnement qui permet au peuple de s’exprimer librement. En 2010, beaucoup de partis ont quitté le processus électoral parce qu’ils considéraient que les élections avaient été truquées. S’il n’a pas été possible de vérifier leurs allégations, le fait même que ces partis ont quitté le processus est un signe que l’opposition n’avait pas confiance dans le processus électoral. Des militants de l’opposition, surtout du FNL, mais aussi du parti au pouvoir, ont été tués à l’époque.

En 2015, presque tous les partis d’opposition ont quitté le processus électoral. Les élections se sont passées alors que la police était en train de tirer sur des manifestants et que des centaines de milliers de Burundais étaient en train de fuir le pays. Il n’y a pas eu d’élections dignes de ce nom.

J’en conclus qu’on n’a pas donné à la « majorité silencieuse » l’occasion de s’exprimer. Elle s’exprimera quand les partis, la société civile, les médias et toutes les composantes de la société seront libres. Pour le moment, cette majorité reste effectivement silencieuse, ou alors elle applaudit le pouvoir pour éviter des représailles.

Mais d’où vient cette expression ?

L’expression a été popularisée par le président américain Richard Nixon qui l’a utilisée lors d’un discours prononcé le 3 novembre 1969, en pleine guerre du Vietnam, alors que des milliers de manifestants demandaient le retrait des soldats américains qui étaient en train de mourir dans ce pays d’Asie. Nixon demandait au peuple américain : « Et ce soir, vous, la grande majorité silencieuse de mes compatriotes américains, je demande votre soutien ».

La différence avec le régime de Nkurunziza d’aujourd’hui, c’est que notre président prétend sans aucune preuve que cette grande majorité le soutient. L’histoire a pourtant montré à plusieurs reprises que les régimes autoritaires entretiennent l’illusion d’être soutenus par la majorité de la population. Mais l’histoire démontre également que ce peuple censé les soutenir, est aussi le premier à les maudire quand les despotes ont fait leur temps.

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