Alors que les arrestations, les enlèvements, les assassinats deviennent choses communes ainsi que le déni, le blogueur Moise Bukuru, tente de décrire la vie, le quotidien du Burundi, particulièrement de Bujumbura la capitale.
Qu’a-t-on fait quand le petit Komezamahoro a été tué par un homme en tenue de policier ? Rien, à part convaincre le monde que ce jeune de 15 ans était un insurgé qui ne méritait qu’une balle dans la tête. Quelle a été la suite après que la famille toute entière du journaliste Nkezabahizi ait été décimée ? Rien, à part expliquer qu’elle était au mauvais endroit, dans « le quartier des terroristes», Ngagara. Pire encore : quelle a été la réaction quand les généraux Kararuza, Nshimirirmana et le retraité Bikomagu ont été lâchement assassinés en plein jour dans la capitale ? En profiter pour régler des comptes, par des arrestations et des éliminations sans fin. Récemment, à quoi avons-nous assisté après que la députée de l’EAC Afsa Mossi ait été criblée de balle ? Quelques tweets des #Sindumuja et de la #SilentMajority, comme les deux camps se nomment, pour s’accuser mutuellement. Ce ne sont que des exemples pêchés dans un océan d’histoires d’horreur qui illustrent bien le quotidien des Burundais aujourd’hui.
Comment vit-on à Bujumbura ?
Une grenade explose, des innocents meurent, la police débarque, arrête tout ce qui bouge et jette tout en prison. Ou tout simplement, une attaque surgit dans un bar, l’ambiance bon enfant qui régnait se transforme vite en boucherie où les rescapés nagent dans le sang de leurs camarades dont les têtes sont déjà explosés par les tirs d’inconnus. Sur le champ la police arrive, ramasse les corps, le porte-parole fait des déclarations, tweete, promet des enquêtes, puis rien. Le lendemain, idem ! Le surlendemain, une parenté, un ami, une connaissance se fait enlever par une voiture à vitres teintées. Si son corps n’est pas retrouvé dans une rue quelque part, il faut s’attendre à ce que les habitants d’une commune X, parfois très lointaine, découvrent un corps flottant venu souiller leur fontaine.
Sur les réseaux sociaux, Pacifique Nininahazwe lance l’alarme, s’émeut, Willy Nyamitwe rétorque, étouffe. Le duel se transforme en une course aux retweets, aux likes, sur fond de morts. Mais, jamais, jamais l’on saura ce qui s’est réellement passé. La seule certitude est que des gens meurent, tués au quotidien. Par qui ? « Les enquêtes se poursuivent », d’après la police.
Dans la bouche des autorités : la paix règne, le Burundi est la Suisse de l’Afrique, la situation est maîtrisée… Pourtant, elles-mêmes le savent, Bujumbura est devenue cet endroit où la mort se sent partout. Elles ont d’ailleurs renforcé leur garde, acheté de nouvelles armes. Les citoyens lambda savent très bien que passer d’une journée à l’autre ne se fait que par la grâce du Très Haut. Comme l’insécurité fait désormais partie de leur train-train quotidien, ils continuent à vaquer à leurs activités comme à l’accoutumé, sachant que d’un moment à l’autre une balle, une grenade, un enlèvement peut les surprendre et qu’il n’y aura pas d’enquête.
Ainsi, la mort devient commune, un fait divers qui ne doit pas la rendre acceptable.