Il est évident que la médecine moderne a fait de grands progrès au Burundi. Mais elle ne fait pas cavalier seul. Ce n’est un secret pour personne, la médecine traditionnelle et la religion sont à l’origine des croyances populaires et des pratiques qui ont encore pignon sur rue.
C’est un avant-midi. Je fais mon stage d’externat dans le département de chirurgie au Centre hospitalo-universitaire de Kamenge. En acolyte au cabinet du médecin, j’apprends par observation l’art de l’examen clinique.
Une dame, venue en consultation pour son avant-bras ayant augmenté de volume, nous renseigne que cette anomalie est là depuis presque un an. Une chose attire mon attention : des cicatrices de scarifications (indasago) sur la partie tuméfiée.
Je m’imagine la confiance qu’elle a eue en celui qui les lui a faites, la poudre qu’on y a appliquée et les incantations qui ont peut-être accompagné sa concoction. « De toute évidence, elle s’adresse au chirurgien in extremis. À la suite de l’échec de pas mal de thérapies», susurre-je in petto.
Ces scarifications ne sont-elles pas la matérialisation de l’idée qu’elle et son entourage se font de sa maladie ? Je garde la question pour moi.
Quid des croyances reliées à la santé ?
L’être humain, scientifique par nature (homo sapiens), cherche toujours à comprendre et à expliquer son univers. Et ce, dans le but de donner un sens aux phénomènes auxquels il est exposé.
S’agissant des phénomènes de santé et des maladies, il en découle que lorsqu’il fait face à un ensemble de symptômes, l’individu sera tenté d’élaborer sa propre théorie pour essayer de mieux comprendre la maladie et anticiper ses retombées.
Je donnerai au passage l’exemple de la Covid-19. A l’heure où des chercheurs s’acharnaient à tester divers traitements, on avait déjà des pistes à nous. Des feuilles d’eucalyptus et du gingembre avaient eu pas mal d’adeptes, sans oublier ceux qui prônaient que la main divine nous protégeait contre la pandémie. Depuis des lustres, la médecine traditionnelle et des pratiques liées à la religion (kubandwa,guterekera,…) ont toujours occupé une grande place dans la société burundaise.
De la médecine traditionnelle ancienne, quelques pratiques séculaires sont restées. Elles sont ancrées dans le cœur des Burundais et sont transmises de génération en génération. N’y-a-t-il pas encore cette croyance selon laquelle il y a des maladies contre lesquelles la médecine moderne ne peut rien, dont le seul traitement est du ressort de ‘’mu kirundi’’, donc médecine traditionnelle (ingwara atari izo kwa muganga) ?
Et la part de la religion ? Souvent, dans les milieux religieux, on attribue à la maladie une origine/nature démoniaque. Cela concerne surtout les maladies mentales mais pas que.
Que faire avec ces croyances ?
Devant une maladie, l’on est obligé d’agir. La décision prise dépend du niveau de vie, de l’éducation, de la culture, l’accessibilité des structures de soins, etc. Les croyances populaires liées à la santé interviennent à ce niveau.
Ici, il me semble adéquat de donner l’exemple de l’inflammation de la luette (ikirimi) et l’épiglottite (ikirato). Il s’agit des affections inflammatoires normalement traitées par des médicaments. Mais la mauvaise et ancienne interprétation de ces maladies aboutit à une prise en charge erronée et dangereuse, avec de lourdes complications.
De vraies perles cachées
Quand bien même notre système sanitaire serait bien organisé, il est primordial de prendre en compte les différents facteurs qui influencent les gens en ce qui est de la santé. Car une fausse interprétation de la maladie peut être fatale pour le malade, dans le cas d’une consultation tardive. Les pratiques et conceptions erronées des maladies sont à tirer au clair. Ici, je fais allusion à la sensibilisation de la population.
« En Afrique, notre conception traditionnelle de l’art de soigner contient de vraies perles cachées par des carapaces de pratiques mystérieuses et obstinées. A nous de briser ces coques pour découvrir les perles et en admirer l’orient. », lit-on dans L’Afrique et son médecin de Theodore d’Almeida, médecin. Ainsi, la médecine traditionnelle doit être bien structurée et suivie pour une collaboration efficiente avec la médecine moderne.