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Burundi : ces mignons transportés comme des poissons

Ils sourient comme des anges, se portant mutuellement, car ils en ont l’habitude. Autant s’asseoir les uns sur les autres quand on doit entrer à plus de trente-six dans un véhicule de dix-huit places. Mais qui sont ces enfants ? Bienvenue à l’école « Les Mignons » de Bujumbura, au Burundi.

Il s’agit d’une belle école, visiblement convoitée, située dans la commune urbaine de Kinindo. L’école a deux sections : maternelle et primaire. Je m’y rends un lundi pour constater de visu ce que l’on m’avait soufflé : le surnombre d’enfants dans les bus du transport en commun.

Ils sont déjà habitués
Pour une bonne partie de ceux de la maternelle qui quittent l’école à 11 h 30, les parents viennent avec des véhicules pour les récupérer. Ou ce sont des bonnes qui les prennent quand ils habitent tout près. Hélas ! Il y en a certains qui doivent attendre jusqu’à 12 h 30 que leurs aînés du primaire viennent les chercher. Ils partiront soit dans les véhicules des parents, soit par le transport en commun. Et c’est ce dernier qui m’intéresse, moi.

Dans un minibus privé de dix-huit places, je vois de petits enfants qui entrent, souriant comme des anges, se portant mutuellement sans aucune gêne. Ils sont déjà habitués. Ça saute aux yeux. Je ne parviens pas à compter le nombre. Cependant, huit enfants sont visibles sur un banc de quatre places.

« Quand on  paie à plusieurs, les coûts diminuent »
Près de trente minutes avant, j’avais appris cette situation de la part des responsables de l’école. « Dans un véhicule de dix-huit places, ils sont à trente-six, voire plus, jusqu’à quarante ». La représentante légale ajoute encore : « Nous le voyons ainsi. Mais comme l’école n’a pas de véhicules pour assurer leur transport, nous déclinons toute responsabilité. »

Mais alors, qu’en pensent les parents ? Willy-Ange Muzakeye est une mère de trois fillettes étudiant à cette même école. Une en première année primaire, et deux autres en troisième et première maternelle. Elle paie cinquante mille francs burundais par mois : trente mille pour les deux encore à la maternelle, et vingt mille francs pour celle du primaire, qui y retourne dans l’après midi pour des cours de renforcement. Une source m’avait révélé un peu avant : « Quand on  paie à plusieurs, les coûts diminuent. »

Excès de vitesse
Toutefois, Willy-Ange, elle, dit ne pas savoir si réellement, ces enfants sont ainsi mal transportés. Et de préciser néanmoins que ce qu’elle fait, elle le fait par contrainte. « Le bus, c’est le moyen le plus facile car je ne suis pas disponible pour les transporter moi-même. » Willy-Ange ne manque pas pourtant d’inquiétude pour ces anges, que ce surnombre risque de causer des accidents routiers.

C’est également le même point de vue de Nixon Habonimana, président d’une organisation de la société civile dénommée Observatoire de la sécurité routière. « C’est inadmissible que des enfants soient transportés comme des poissons. » Il renchérit : « Ce genre de transport ne serait qu’une spécialité chez nous, où la loi sur la circulation routière est violée au grand jour. » Par ailleurs, Nixon Habonimana craint pour l’excès de vitesse observé chez pas mal de chauffeurs à Bujumbura. « Que nos anges innocents recouvrent leur droit dans le transport », souhaite-t-il.

La conscience des chauffeurs
Au sein de l’association des assureurs du Burundi (ASSUR), l’on fait savoir qu’une personne est une personne, simplement une personne. « Elle l’est à part entière, indépendamment de son âge. » Philémon Itangicigomba, président de l’Assur, insiste : « Un petit enfant a même besoin de plus de sécurité qu’un adulte. »

Cet homme, qui est en même temps directeur général de la société de gestion des assurances et de réassurances (SOGEAR) affirme également que pour tous véhicules de transport, le nombre de personnes à assurer est connu. Pour le cas d’espèce, « nous n’assurons que les dix-huit places, donc dix-huit personnes, et pas plus. » M. Itangicigomba appelle à la conscience des chauffeurs ou des propriétaires de bus, qui doivent assumer la responsabilité pour l’excédent, en cas d’accident.

Malheureusement, d’une part, les chauffeurs ne rêvent que d’avoir de l’argent, et d’autre part, certains parents se sentent un peu soulagés quand ils payent moins.

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