Dans la province de Bubanza, le concubinage est toujours une réalité. Au moment où les femmes abandonnées crient au secours, les concubins s’expliquent et se défendent par tous les moyens. Pour certains administratifs, la révision du code des familles serait l’une des solutions pour éradiquer le concubinage. Reportage.
Dans cette région de la plaine de l’Imbo, le climat est ensoleillé. Les femmes sont partout. Certaines entretiennent leurs champs d’autres tiennent de petites échoppes. Elles arborent de larges sourires. Ces braves dames semblent dégager une joie de vivre à rendre jalouses les citadines. Nous sommes sur la colline Gahazwa I de la commune Mpanda.
Cependant, la réalité est toute autre. Une vingtaine de femmes délaissées par leurs maris y vivent le calvaire. Les plaies sont toujours béantes. Certaines sont encore sous le choc. Elles n’arrivent pas à parler facilement des violences qu’elles ont subies.
L’abandon et l’angoisse
Jacqueline Nduwimana porte encore les séquelles de sa mésaventure. Un vieux morceau de tissu sur la tête, elle peine à raconter sa misère. La voix nouée, elle tente de réprimer ses larmes, en vain. Elle sanglote. Le silence s’installe. D’autres femmes délaissées autour d’elles compatissent, les yeux embués de larmes. « J’ai subi tous les malheurs. Mon mari m’a abandonnée avec mes quatre enfants », souffle cette femme frêle en larmes.
Jusqu’à cette heure, elle ne sait pas pourquoi son époux l’a quittée. « Nous ne nous sommes jamais bagarrés. Mes voisins sont témoins. Nous sommes chrétiens. À l’époque, nous étions tous les deux dans la chorale. », renchérit Jacqueline Nduwimana. Pour le moment, son mari vit avec une autre femme. Cette dernière serait la quatrième.
Déçue, Jacqueline se dit fâchée contre l’administration et la justice qui ne punit pas son mari. Récemment, sa rivale aurait bénéficié des semences de riz en son nom. Le tribunal de Gihanga y serait pour quelque chose. Il aurait octroyé son lopin de terre à la femme illégitime. « Je n’ai jamais comparu devant ce tribunal. », déplore Jacqueline.
L’administration est pointée du doigt
Antoinette Ndayitegeyamashi, autre victime de concubinage ne mâche pas ses mots. « L’administration à la base n’est pas vraiment impliquée dans ce combat. Nous dénonçons des hommes qui prennent une deuxième femme, après quelques jours, ils sont relâchés. »
Esseulées dans leur lutte, ces femmes se retrouvent au sein de la coopérative « Nihegaciro » pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Ladite coopérative est composée de 20 femmes abandonnées par les époux. Ces victimes s’entraident et grâce aux témoignages, certaines sont passées du désespoir à la résilience.
Analisa Ndamuhawenimana, l’une des responsables des femmes médiatrices de la paix en province Bubanza brosse un bilan positif dans le combat contre le concubinage même si le chemin est toujours long. Selon elle, il y a un hic. Certains administratifs à la base entretiennent eux-mêmes plus d’une femme malgré la loi qui l’interdit. Pour éradiquer ce comportement, propose Analisa Ndamuhawenimana, « il faut punir ceux qui n’observent pas la loi d’une manière exemplaire et sensibiliser surtout les femmes sur les conséquences du concubinage ».
Et les hommes dans tout ça ?
Ce ne sont pas les femmes seulement qui souffrent des conséquences du concubinage. En commune Gihanga, les hommes délaissés par leurs épouses sont également touchés.
J.N, fonctionnaire abandonné par sa femme est dans le désarroi. « Nous nous sommes mariés légalement en 2014. Elle a eu une liaison avec un autre homme peu après la naissance de notre fils aîné », raconte cet homme d’une trentaine d’années.
Après quelques jours, J.N. a remarqué que sa femme était enceinte. Elle s’est réfugiée chez sa mère. Pour le moment, sa femme vit avec son amant. Elle est enceinte d’un deuxième enfant.
Un concubin s’explique
Pourquoi épouser la deuxième femme ? Domitien Gaparata, originaire de Gihanga n’y va pas par quatre chemins. « J’ai décidé de me marier avec une autre femme parce que la première m’a refusé ses faveurs », explique-t-il
Tout a commencé lorsque sa femme a mis au monde le quatrième enfant. Pour la première fois, elle a refusé de faire l’amour avec son mari, Gaparata. « Elle a avait son horaire, et en dehors de son calendrier, elle refusait tout acte sexuel. »
En 2020, le pauvre Gaparata a voulu se libérer. Il avait deux choix. Soit coucher avec des prostitués ou épouser une seconde femme. Le premier choix coûte cher et risquait de ruiner son business. « J’ai décidé d’épouser une autre femme », reconnaît-il.
Gaparata n’a pas saisi la justice pour demander le divorce. « Les procédures sont longs. Mais, je vais m’y mettre bientôt»
« La révision de la loi serait l’une des solutions »
L’administration communale se félicite. « Les cas de concubinage ont diminué de 80%. Même s’il s’observe des époux qui abandonnent leurs partenaires », indique Léopold Ndayisenga, l’administrateur de la commune Gihanga. Cet administratif plaide pour la révision du code des Personnes et de la Famille. « Lorsque les époux optent pour la séparation, cela demande beaucoup de procédures. Souvent, le processus de divorce dure longtemps. Ce qui pourrait entraîner des conflits et des crimes ».
Alexis Rukundo, substitut du procureur en province de Bubanza fait savoir que la loi est claire. Pourtant, elle n’est pas assez contraignante. « Un concubin ou une concubine est condamné à une amende de 50 mille à 100 mille francs burundais. La poursuite ou la condamnation ne peuvent avoir lieu que sur plainte de l’époux qui se prétend offensé ».
D’après ce juriste, réviser cette loi afin d’alourdir la peine des concubins pourrait réduire le cas de concubinage.