Il a écumé la plaine de l’Imbo. Il avait transformé le nord-ouest du Burundi en far west où circuler revenait à jouer à cache-cache avec la mort. Il a semé la terreur chez lui à Nyamitanga où son seul nom suscitait une grande crainte. Il a connu la prison et a été liquidé un jour de 2017 dans des circonstances non encore élucidées. Nous avons retrouvé sa femme. Retour sur la vie et la disparition de ce personnage controversé.
Bitaryumunyu, Eugène Sinzumunsi de son vrai nom, était né le 16 juin 1972 à Nyamitanga, tout près de la rivière Rusizi. Il était d’un tempérament calme et ne buvait pas au départ. Mais, il paraît que ses combattants avaient fini par le convaincre de partager une Primus de temps en temps avec eux. Toutefois, il n’en prenait pas plus de trois, d’après sa veuve. Cette dernière, nous sommes allés la chercher à Buseruko, un coin tranquille de la commune Mugina (province Cibitoke). Elle a gentiment accepté de nous parler.
Elle a partagé la vie de Bitaryumunyu pendant plusieurs années. Elle n’a pas partagé sa vie seulement, mais son combat aussi. Oui, Jeanne Butoyi a vécu et a combattu avec Bitaryumunyu dans la savane de la Rukoko et ailleurs. De cette union est né un garçon qui est aujourd’hui sur le point de terminer l’école secondaire. Elle, elle ne considère pas Bitaryumunyu comme un brigand qui dépouillait les passants et les assassinait (et pas forcément dans cet ordre). « Il avait 900 soldats à nourrir et tous les rebelles utilisaient ce moyen pour s’approvisionner », rappelle avec véhémence sa femme qui approche la cinquantaine. Pour elle, Bitaryaryumunyu n’a pas fait pire que les autres combattants durant la guerre civile.
Le commencement de la fin
Bitaryumunyu qui avait accepté de déposer les armes et aurait discrètement entamé des négociations avec les autorités sera arrêté à Mutanga chez un certain Neftali qui était à l’époque député. Il aurait été un transfuge du FNL d’Agathon Rwasa quand cet ancien groupe rebelle était encore dans le maquis. Le CNDD de Nyangoma aussi avait fait savoir que Bitaryumunyu était un de ses combattants, tellement sa réputation était sulfureuse. Tout ça est corroboré par sa femme, qui ajoute que Bitaryumunyu avait finalement décidé de voler de ses propres ailes et de fonder sa propre armée.
Il passera 5 longues années en prison, après quoi il sera libéré. Les conditions de sa libération, sa veuve n’en sait rien. Mais, elle lui a conseillé de quitter le pays le temps que les choses se tassent, conseil que Bitaryumunyu a balayé du revers de la main. Elle ne sait pas exactement ce que Bitaryumunyu faisait après sa libération. Mais, il faisait la navette entre Bujumbura, le village de paix de Kagwema (Bubanza) et Rumonge où il avait une seconde épouse de nationalité congolaise qui s’est, depuis, déjà remariée.
La fin de Bitaryumunyu
On le disait immensément riche. Les ragots disent que Bitaryumunyu, n’ayant aucune confiance dans les banques, préférait enterrer l’argent (des dollars et des francs burundais) qu’il volait. Il paraît qu’après sa libération, on l’aurait vu à Rukoko, avec un groupe de militaires, en train de retourner la terre pour essayer de récupérer le magot. Selon toujours les on-dit, durant les 5 ans qu’il a passés en prison, la nature aurait effacé les repères des endroits où il avait enfoui l’argent dans de gros bidons en plastique qu’on appelle « Bagage » à Cibitoke. S’il était riche, il n’a laissé à sa famille aucun sou, affirme Jeanne, sa veuve qui se demande comment elle va faire pour envoyer son fils à l’université, maintenant qu’il est sur le point de terminer l’école secondaire. Toujours est-il que Bitaryumunyu fauché, aurait décidé de reprendre du service et ce serait cela qui lui a coûté la vie. Avec cette décision, il aurait énervé les personnes qu’il ne fallait pas. Mal lui en prit, car il sera arrêté près de la Rusizi où il venait de dépouiller certains voyageurs de leurs biens. Il a ensuite été ligoté avant d’être tué aux environs de la 2ème transversale de Ndava. Sa famille n’a jamais retrouvé son corps. Pire, ils n’ont pas pu faire le deuil parce qu’ils avaient peur de subir les conséquences dans la fraicheur des événements.
La veuve de Bitaryumunyu et sa vie de galère
Dame Jeanne boîte légèrement, parce qu’elle a une balle dans son genou qui ne lui a jamais été retirée. Elle a reçu cette balle alors qu’elle avait un bébé de deux mois dans la savane de la Rukoko. Elle ne se rappelle ni de la date, ni de l’année de cet évènement. Bitaryumunyu l’a envoyée à Rumonge pour se faire soigner. A Rumonge, son compagnon y avait une deuxième épouse qui lui a fait deux autres enfants.
Son mari disparu, Jeanne a dû se battre pour survivre. Mais, elle a subi quelques injustices à cause de la mauvaise réputation de son défunt mari. Un jour, des malfaiteurs ont assassiné sa voisine, une vieille dame qu’ils accusaient de pratiquer la sorcellerie. Avec un autre voisin, elle a accouru pour essayer de sauver la vieille dame gravement blessée qui a fini par succomber à ses blessures. Quelques jours après, l’affaire s’est retournée contre elle. Des gens sont allés raconter à la police que c’est elle qui a tué la vieille femme. Et voilà qu’elle est jetée au cachot et y passe deux longs mois avant qu’un OPJ impartial la libère pour manque de preuves. Son autre fils (qu’elle a eu d’une autre relation) a été utilisé pour essayer de l’inculper mais on a vite découvert qu’il était manipulé. Elle a totalement été disculpée et est retournée à Buseruko où elle vit aujourd’hui.