Comme tous les vendredis, à 9h heures tapantes, les gratteurs de papier de Yaga se sont réunis pour échanger à bâtons rompus sur ce qui a fait l’actualité du pays de lait et de miel. Pour une fois, nous étions tous d’accord sur un fait : le basket burundais a subi un coup dur dont il mettra du temps à se remettre.
Au cours des deux dernières semaines, le basket burundais et ceux qui le suivent ont perdu quelque chose d’important : l’espoir. L’espoir en ce jeu qui rassemblait des milliers de personnes, l’espoir de voir de jeunes talents burundais briller.
En faisant un tour sur la toile, on peut être traversé par diverses émotions face à ce qui s’est passé, de la colère à la rancœur, mais dirigées contre qui ? Ce sont les premières phrases qui me sont venues à l’esprit après avoir répondu à la question : « Alors, quelles sont les nouvelles ? », posée par un confrère qui, face à un silence pesant, s’est improvisé modérateur.
Nous nous sommes retrouvés à nous poser des questions. Est-ce vraiment la peine d’en parler ? Et si nous décidons de le faire, sommes-nous les mieux placés, savons-nous réellement ce qui s’est passé, en dehors de ce qui a été dit sur les réseaux sociaux ? Ne serait-ce pas remuer le couteau dans la plaie ? Les concernés, sont-ils prêts à en parler, à en discuter, à trouver des solutions ? N’est-ce pas trop tard ?
La réunion s’est terminée sans qu’une de nos questions n’obtienne de réponse. Nous nous sommes entendus pour mener des recherches et trouver ensuite un moyen d’en parler…tout en prenant des pincettes, bien sûr.
La saga ne fait que commencer
Ce que nous ne savions pas, c’est que deux jours après le retour des joueurs de Dynamo, le premier « plot twist » de la saga allait se produire. Le joueur nigérian Otobo Israël Peter, qui avait porté l’équipe tout au long de la dernière saison nationale et avait permis à Dynamo de se classer parmi les 12 meilleures équipes d’Afrique, a annoncé subitement son départ, accéléré par l’élimination de Dynamo.
Les raisons de son départ n’ont pas été révélées, mais selon les bruits du couloir, ce n’est que le prélude de plusieurs départs concernant les joueurs étrangers venus renforcer l’équipe qui représentait le Burundi à la BAL 2024.
Prévoir le pire pour la suite…
Les scénarios catastrophiques n’ont jamais aidé personne, mais avec la FIBA qui ne s’est pas encore prononcée sur les sanctions qui attendent la fédération de basketball du Burundi et Dynamo, ainsi que les investisseurs qui ne savent plus à quoi s’en tenir, il est sage de prévoir le pire.
J’ai donc échangé avec quelques fans de Dynamo, qui ont préféré garder l’anonymat, sur ce qui se passera dans les prochains mois, voire années à venir. Appelons-les Paul et Jean.
Paul, bière à la main, est furieux. Selon lui, nous sommes foutus, et d’autres adjectifs que je préfère taire : « Non seulement, nous avons terni l’image du pays, mais aussi celle de la prestigieuse BAL. Nous avons perdu toute crédibilité aux yeux des investisseurs de la FIBA, nous pouvons dire adieu à la construction d’une ARENA, Dieu sait à quel point nous en avions besoin. Don’t get me started on the money we lost (parce que oui, quand Paul est en colère, il parle anglais). Nous avons déjà 50 000 dollars à payer à cause du scotch placé sur les maillots lors du premier match. Si les sanctions sont sévères, nos joueurs ne pourront plus être transférés dans d’autres équipes à l’étranger, le risque d’être bannis de toute compétition internationale est très élevé, et le basket-ball burundais sera condamné. En réalité, tout ce qu’il nous reste à faire, c’est prier. I rest my case », conclut-il, à bout de souffle.
Quant à Jean, mathématicien improvisé, il pense que l’ensemble FEBABU/Dynamo va perdre beaucoup d’argent, si les règles sont appliquées à la lettre. « Avec l’enquête de la FIBA, s’ils décident d’appliquer les sanctions telles qu’indiquées dans les règles, nous devrons payer une amende de 500 000 dollars et être suspendus pendant 5 ans, voire 10 ans si la somme n’est pas payée. En réalité, nous avons brisé le rêve de chaque joueur qui espérait être repéré par des recruteurs ou bénéficier de cette visibilité que nous avions tant peiné à construire. Rien ne sera plus comme avant », ajoute-t-il d’un ton mélancolique.
Entre les départs des joueurs, les sanctions en suspens et l’incertitude financière, l’avenir de ce sport est aussi imprévisible qu’une passe aveugle dans le brouillard. Prions, et ayons la foi. Ce qui est sûr, ce n’est pas pour bientôt qu’on verra un match « Kuri département ».