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Au cœur de la rafle

Il est un peu plus de dix-sept heures. Les habitants de mon quartier de Bujumbura n’ont pas pu trouver la solution pour sortir de leurs maisons. Ils ont faim et soif. Moi aussi. Cela fait dix-huit heures que je n’ai pas quitté mon lit.

Des explosions assourdissantes

Depuis le matin, j’ai un roman d’Alain Mabankou dans les mains mais je n’ai pas pu tourner une seule page. Impossible de m’y plonger sous les tirs nourris et des explosions assourdissantes autour de moi.

Tout a débuté à sept heures pile quand on m’empêche d’aller au travail. Un groupe de policiers nous oblige à rebrousser chemin. Quelques minutes plus tard, les tirs commencent. A partir de cet instant, tous les habitants du quartier n’ont d’autre choix que de se réfugier sous les lits.

Au premier répit, lorsque le calme semble revenir, nous pensons tous à une chose : chercher une boutique ouverte pour s’y introduire telles des mouches affamées. Avec l’idée de faire un stock de beignets, d’arachides ou encore de bonbons.

La fin des illusions et du bon temps

Mais ce calme est éphémère. J’entends des cris juste devant notre maison -j’apprendrai le lendemain qu’il s’agit de quatre jeunes étudiants enlevés-. Les hommes armés poursuivent leur chemin vers une autre maison. Une veuve les supplie : « Pardonnez mes enfants, moi je n’ai pas de mari. Est-ce que je serai capable de tirer même si je suis en possession d’un fusil ? » Ils acceptent de quitter les lieux mais avec un « vuga nume », un bakchich de 10 000 FBU.

Les cris s’intensifient à nouveau. Je perçois une voix qui ordonne aux autres de se mettre tous ventre à terre. « Vous nous avez tiré dessus et vous rentrez, espèce de Tutsis », dit-elle. « Position Twubahane !», (ventre à terrre), lance violemment une autre. Ils prennent le poignet de victimes. Ils les attachent violemment avec des bouts de leurs habits déchirés. Et vont dans un autre foyer…

« Ouvrez vite ! Si je vous trouve là, je rase. Vous avez tiré toute la journée et vous vous cachez. Ouvrez vite ! » Mon cœur bat la chamade. Mais je n’ai  rien à me reprocher ! Non, tout le monde doit avoir peur de ces gens ces derniers jours. Ils font des victimes innocentes. C’est donc le tour de mon quartier ! Merde. On n’ouvre pas. Ils forcent la porte eux-mêmes et s’introduisent dans notre ménage pourtant fermé depuis le matin. Arrivés à l’intérieur, ils se mettent à tirer. Ils nous obligent à ouvrir. Faute de quoi : ils vont tout exploser avec des roquettes. Ils embarquent huit de mes voisins et arrivent finalement chez moi.

La peur d’être enlevé

Je ne tarde pas à ouvrir. Je tiens mon roman dans la main gauche. « Oh ! Vous voyez, il apprend les tactiques pour faire exploser des bombes ! Ce cas est très grave ! », se moque un policier, déjà dans ma chambre. « Es-tu marié ? Viens avec ces terroristes ! » Ils m’empoignent. Mais à la sortie, des coups de feu s’intensifient. Les policiers fuient, apeurés. Qui tire ? Sur qui ? Le policier qui me tient par le bras me relâche et se sauve. Tous rebroussent chemin. Moi, je retourne immédiatement sous mes draps. Ma seule ambassade.

V.L.L. (Vive la liberté), pseudo pour l’auteur de cet article qui a souhaité garder l’anonymat.

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