Qui l’aurait cru ! Les rues de la capitale économique se peignent encore en rouge, le rouge du sang des innocents. Les évènements du soir de ce 20 Septembre 2021 viennent de nous rappeler brutalement que rien n’est acquis. Ils ont aussi fait descendre Jeanine de son petit nuage de paix et de tranquillité. Ce blogueur raconte comment il a vécu les événements d’hier. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il en a ras-le-bol.
La fraicheur vespérale souffle sur Buja la belle. Le boucan habituel du centre-ville bat son plein. Rien d’anormal, c’est une journée comme les autres, se dit Jeanine, 19 ans, étudiante de son état. Le gong de 18h rappelle aux citadins que la journée est morte de sa belle mort.
Sur la file quotidienne des bus de transport en commun, ligne Gihosha, écouteurs aux oreilles, Jeanine essaie de ne pas s’ennuyer. Quelques scrolls sur twitter pour s’enquérir de ce que les #Abatwip ont écrit de beau qu’il est déjà 19h. L’heure du drame a sonné. Jeanine ne peut pas échapper à son destin. Boooom ! Hiroshima et Nagasaki ?
Et le Sauve-qui-peut…
La détonation plonge le petit monde au parking en horreur. C’est le sauve-qui-peut. En un déclic, Jeanine revit 2015 et son enfance gaspillée dans un camp de réfugiés, fuyant les attaques des rebelles. Cette fois, elle est adulte et ses 19 ans ne lui permettent pas de se voiler la face. La voilà, jambes à son cou ne sachant pas vers où se diriger. La police rameutée envahira les lieux mais non, ça ne suffira pas à la rassurer. S’engouffrer dans l’un des magasins de Bata dont les portes se ferment une à une. Se retrouver tremblante de peur et confinée avec 10 personnes collées les unes contre les autres n’était pas tout à fait la façon dont elle comptait clôturer sa journée.
« Tugende nje kuraba umuryango » (Rentrons que j’aille voir ma famille) murmurera le proprio des lieux 2h après. En entrouvrant la porte, un policier leur fera signe de sortir vivement et de disparaître de sa vue.
Les rues désertées donnent à Buja l’air d’une ville-fantôme des films de zombies. Taxis, Bus, tout ce qui est transport en commun a foutu le camp du Centre-Ville. La seule option : la marche à pieds ou gratter la route comme aiment le dire ces farceurs de « Bujumburois ». A chaque barrage, la carte d’identité est requise et malheur à celui qui l’aurait oubliée sur sa table de nuit. Jamais elle n’a été si heureuse de revoir sa chambre.
Y en a marre !
Ceux qui ont vécu difficilement les événements d’hier, ils sont nombreux qui tentaient de rejoindre leur domicile après une dure journée. Les Burundais ont marre de revivre mille et une fois la brutalité infernale de la violence. A croire que chaque peuple a ses propres talibans qui ne croient en rien sauf en la violence. Le peuple burundais est fatigué. Etre contre un régime ou avoir des différends politiques ne doit pas rimer à attaquer à l’aveugle, jeter des grenades dans le tas ou encore mitrailler des gens totalement innocents. On en a assez !
Ces pères de famille qui promettent à leurs enfants de passer leurs dire bonne nuit mais qui ne rentrent jamais, ces jeunes dont l’enfance est marquée par cette violence inouïe, c’est traumatisant, c’est tragique ! Oui la faucheuse est incontournable. Oui, on mourra tous certes, mais avant de mourir on veut vivre et ne plus avoir à côtoyer le danger à chaque coin de rue. Par pitié, laissez-nous vivre !