Archipel, ce vieux barza, récemment transformé en un lieu chic, est devenu le favori des jeunes comme des plus âgés. Mais l’Archipel n’est pas que riche de ses noctambules, ce serait également à cet endroit où se trouve la tombe de Maconco.
Dès que le week-end pointe le bout de son nez, Buja tout entier s’anime d’une énergie contagieuse. Chacun se laisse emporter par une irrésistible envie de festoyer, de boire un coup, afin d’oublier les soucis de la semaine. Pour tout Bujumburois discipliné (sans vouloir vous froisser, vous qui savourez chaque jour comme un jour du week-end), les jeudis marquent le coup d’envoi officiel du week-end. Moi non plus, je ne suis pas en reste quand il faut noyer son stress dans une bock bien fraîche, et laisser mes tourments sur la piste de danse.
Nous sommes un jeudi soir, il est 22h20, en plein mois de février, et ce tourbillon m’a transporté jusqu’aux portes de l’Arche des Cigales (ancien Archipel), l’une des meilleures discothèques de Buja.
Avant même que je ne franchisse le seuil, je découvre le nouveau décor (l’endroit ayant été rénové, il y a 2 mois). Il se dévoile à travers une entrée spectaculaire ornée d’une sorte de petit mur très élégant, avec une entrée de chaque côté. Ce muret est délicatement éclairé par des lumières douces, délimitant ainsi le grand portail de la place animée où les gens se divertissent.
Dès mon entrée, mes yeux sont captivés par une foule qui vibe (lire vaïbe), les uns chantent, d’autres discutent avec leurs amis tout en sirotant leurs bières. Ça sent la joie, le mood chill règne en maître. En scrutant autour de moi, je suis immédiatement séduite par un grand comptoir, à ma gauche. Celui-ci est construit autour d’un grand arbre majestueux (on dit également que sous cet arbre se trouve la tombe de Maconco, un personnage historique du pays). Des lumières élégantes tamisées éclairent tout l’espace, le plafond en panier me laisse sans voix, les murs décorés en nattes… un vrai décor vintage ! Partout où je regarde, mes yeux tombent sur des tables comptoirs, tandis qu’en face de moi, un téléviseur qui diffuse les paroles des chansons, me rappelle que ce soir, il y a un open mic, pour les amateurs de karaoké.
Ze place to be…
Minuit 30. J’en suis à ma 3ème bière. L’ambiance monte d’un cran. Je chante à tue-tête et mon corps tout entier bouge au rythme de la musique. La foule est également à fond dans l’ambiance. Toutes les personnes qui se présentent à l’open mic ont des voix exceptionnelles, au point que j’ai la trouille de demander le micro.
La bière coule à flots, les serveurs font des allers-retours pour désaltérer les assoiffés, tandis que des hommes avec des corps de rêve, portant des t-shirts moulants noir sur lesquels on peut lire “security” se sont dispersés dans la foule et se tiennent comme des statues. Des tubes comme “Fata taxi ndariha” de Étoile du centre, “Stay” de Rihanna, “Leave me alone” de Fizzo, et bien d’autres, résonnent dans la salle, chantés à pleins poumons.
01h30. Me voilà bourrée et fauchée. Il est grand temps de rentrer.
La demeure de Maconco
Je n’ai pas oublié de demander si la tombe de Maconco se trouvait vraiment là. J’ai peur que ce ne soit qu’un mythe véhiculé par notre société. L’un des plus anciens employés me confirme que la « dépouille de Maconco repose effectivement sous l’arbre comptoir ». Il me révèle également que « certains membres du clan de Maconco, lorsqu’ils viennent s’amuser, accomplissent un rituel en versant de la bière à l’arbre pour lui rendre hommage ».
Un fait étonnant : « Cet arbre devient vert et humide pendant la saison sèche et redevient sec pendant celle des pluies. », raconte-t-il, un brin amusé. Sur ce, je fais le signe de la croix, sait-on jamais que Maconco exauce l’un ou l’autre de mes voeux. Blague à part, vous êtes-vous déjà demandé d’où vient cette ambiance envoûtante que l’on retrouve à Archipel ? Peut-être que Maconco lui-même vient danser avec nous sur la piste.
Mythe ou réalité ?
Selon l’historien Jimmy Elvis Vyizigiro, dans un cours intitulé « Histoire du Burundi », il est enseigné que « Maconco a été capturé à Busimba près de Bukeye à Muramvya puis conduit à Usumbura aux bureaux de l’administration coloniale de l’époque, situés actuellement aux bureaux de la Regideso. Maconco aurait tenté de s’échapper le 15 août 1905, en saisissant le pistolet appartenant au capitaine Von Grawert, un militaire allemand, et a couru vers l’actuel Archipel. Von Grawert a pris un autre fusil et lui a tiré dans les épaules, entraînant sa mort. Maconco fut enterré près de l’Ecobank, entouré d’arbres alignés formant un bosquet. Lors de la construction de l’Archipel, les arbres n’ont pas été détruits et se trouvent actuellement dans le parking de l’Archipel ».
Pour finir, quelques questions me taraudent l’esprit : à quand remonte l’ouverture de cette discothèque ? Cet endroit aurait-il été un jour un lieu touristique ? Pourquoi a-t-on choisi de mettre un lieu de divertissement autour d’une tombe ?