Avec le décret N°100/012 du 18 janvier 2021, la gestion de la production agricole, animale et halieutique commercialisable est désormais dans les mains de l’Etat burundais via l’Agence Nationale de Gestion du Stock de Sécurité Alimentaire « ANAGESSA ». Apportera-t-elle une plus-value ?
Le décret vient comme une sonnette d’alarme pour les coopératives et commerçants privés. Si l’agriculture ne ramène pas du Fbu dans les poches des agriculteurs, et s’il y a insécurité alimentaire et spéculation des prix sur le marché, la faute revient aux commerçants. Ce décret vient inverser la tendance afin que la production agricole, animale et halieutique remplisse sa fonction de promotion de la sécurité alimentaire et d’amélioration des revenus des producteurs et de l’Etat. Dorénavant, les coopératives et les privés potentiels devront traiter avec l’ANAGESSA. C’est elle qui déterminera le prix et les types de produits destinés à la commercialisation, tout en garantissant le marché d’écoulement. Et d’ailleurs, la roue est déjà en marche avec le maïs.
Cependant, pour les commerçants et les jeunes entrepreneurs qui se sont lancés dans l’agropastorale, c’est le désarroi. « Alors que les agriculteurs et coopératives agricoles jouissaient du choix de vendre au plus offrant, nul doute que ce monopole, et le fait de fixer un même prix pour un produit X, va être favorable aux coopératives comme Sangwe et Vaso qui sont subventionnés et qui ont bénéficié gratuitement de milliers d’hectares à exploiter, au grand dam de nous autres coopératives et simples cultivateurs travaillant avec nos propres moyens », confie Jean, un agriculteur de Gitega.
La poutre
Quant à Adolphe Ndizeye, un Ingénieur agronome, « si aux yeux de l’Etat la paille est dans les yeux des commerçants, l’ANAGESSA devra aussi surmonter plusieurs défis pour être de l’or en barre ». Selon lui, avec la collecte des récoltes nationales, des magasins d’entreposage avec de bonnes conditions de conservation s’imposent. L’ANAGESSA a jusqu’ici combien d’entrepôts de stockages ? Comment éviter la pourriture de la production sans chambres froides et sac hermétiques ? Comment faire fonctionner ces frigos avec le déficit énergétique que vit le pays ?
Avec la commercialisation, nos maïs hybrides vont-ils faire concurrence sur le marché international qui encourage aujourd’hui la commercialisation des produits bio ? Par ailleurs, vont-ils vendre des produits non certifiés vu les disfonctionnements des agences de certification burundaises ? En plus, compte tenu de la mauvaise gestion des agences étatiques dans le passé, l’ANAGESSA faire-t-elle exception ? Ces contrats de production entre l’agence et les privés, où la recherche du marché extérieur, ne seront-ils pas des brèches à la gangrène de corruption et fraude ? Que gagnerait le pays dans ce cas-là ?
La philosophie derrière l’ANAGESSA, qui fait que les opérations bien conçues après récolte, et des systèmes de commercialisation performants améliorent les revenus des producteurs et de l’Etat, est une bonne chose. Pour y arriver, la réalité est que l’ANAGESSA a encore du pain sur la planche.