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Affaire Ntungumburanye : retour sur un procès symbole du pouvoir de Micombero

Dans la continuité du calvaire qui frappe le Burundi depuis son indépendance, l’année 1971 verra le pays connaître un procès à faire réagir plus d’un. Que faut-il retenir de ce procès qui concernera les hommes de la même ethnie que Micombero ? (Re)découverte.

Si l’on parlait de 1969 dans notre dernier article, il faut aussi noter que l’année 1971 aura été marquée par des tensions dans notre pays, « une ambiance de pré-guerre civile, mais où la question « ethnique » est comme oubliée ».

Concrètement, l’entourage de Micombero le persuade qu’un complot visant à le destituer est en préparation, avec comme instigateurs des Tutsi dits de Muramvya. Aussitôt, le 5 juillet, le ministre de l’Information Jérôme Ntungumburanye et le ministre de l’Economie Libère Ndabakwaje sont appréhendés et emprisonnés. Et ils ne sont pas les seuls à être incriminés. Sont aussi concernés d’autres personnalités. Il s’agit de Lazare Ntawurishira, directeur de l’Ecole normale supérieure à l’époque et ancien ministre des Affaires étrangères, des officiers tels que Bernard Rubeya, Joseph Ryumeko, Emmanuel Nkundwa et Tharcisse Ruhwikira pour ne citer que ceux-là.  

Principal témoin à charge, mais jamais nommé, le chef d’État major, Thomas Ndabemeye. C’est lui qui aurait été effectivement informé des projets de changement politique envisagés par plusieurs dirigeants civils ou militaires mais qui aurait préféré dénoncer le coup en le dévoilant au président.

Le poids du contexte

On le voit donc, contrairement à 1969, l’affaire qui verra son procès en octobre comprend des Tutsis. L’occasion de constater qu’« aux antagonismes tribaux sont venues depuis quelques mois se superposer des rivalités régionales ». Des rivalités entre « gens du sud » et ceux de Muramvya (et de Jenda).

Ce sont donc ces élites de Muramvya (et de Jenda) qualifiés de banyaruguru, qui dénonceront le népotisme de ces « gens du Sud ». Qui plus est, ce sont aussi des magistrats qui ne manqueront pas de s’inquiéter de la main mise du ministre de l’Intérieur sur le portefeuille de la justice. C’est d’ailleurs dans ce contexte que plusieurs d’entre eux, en l’occurrence un certain Gabriel Mpozagara, procureur général et professeur à l’université de Bujumbura, ont démissionné. 

Toujours dans ce contexte de rivalités et d’instabilité grandissante, des étudiants, hutu et tutsi dénonceront le régionalisme qui continuait à avoir pignon sur rue. Ne seront pas aussi en reste les évêques du Burundi, qui, à l’occasion de la fête de l’Uprona, le 18 septembre, effectueront une démarche auprès du chef de l’Etat pour attirer son attention sur la dégradation de la situation politique. 

Quid du procès ?

Pour la tenue du procès, à la suite de la démission du procureur général de la République Gabriel Mpozagara, un certain Léonard Nduwayo est nommé pour le remplacer. Le même Léonard Nduwayo qui, lors de ce procès, plaidera pour la relaxe des accusés. Il considérera que l’accusation ne tient pas débout en l’absence des preuves. Il incitera les juges à la clémence, non sans applaudissements de l’auditoire. 

De quoi déplaire aux instigateurs du procès. En réaction, un tribunal militaire sera constitué et condamnera certains des comploteurs présumés à la peine capitale. 

Pour être plus précis, le verdict tombe le 27 janvier 1972 au terme du quel neuf condamnations à mort, sept à la réclusion perpétuelle, trois condamnations à 20 ans de prison, une condamnation à 5 ans. De tous les inculpés, seuls six seront acquittés. Nommément, sont condamnés à mort Jérôme Ntungumburanye, symbole même de cette affaire qui prendra son nom, Emmanuel Nkundwa, Fidèle Bararufise, Ernest Basita, Bernard Rubeya, Marc Manirakiza, François Rukeba, Charles Baranyanka, Libère Ndabakwaje. Pour la  perpétuité, il s’agit de Paul Rusiga, Lazare Ntawurishira, Adrien Ntiroranya, Joseph Ryumeko, Athanase Nyarusage, Gaspard Wakana, Didace Nzohabonayo.

En tout donc, une dizaine de personnalités accusées de vouloir renverser le régime Micombero. Mais, si l’un d’eux reconnaîtra les faits, il faut dire que quelques jours plus tard, des suites des pressions tous azimuts, Micombero décidera d’user de son droit de grâce pour gracier les condamnés.  Et ce ne sera pas sans irriter certains milieux de l’autre ethnie qui dénonceront le deux poids deux mesures, ayant en mémoire les exécutions des condamnés de 1969.

 

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Les commentaires récents (10)

  1. L,article est un peu superficiel: il ne dit rien des plaidoiries, du réquisitoire du ministère public et son impact sur le jeune procureur gnrl de la Republic ni comment les avocats de la défense se sont retrouvés condamnés….condamnés

    1. Ce que vous demandez là est un travail d’historiens dont le rôle est d’aller fouiller dans les archives pour chercher et rendre compte de ces informations. Pour autant bien sûr que l’Etat leur en donne accès et surtout si les documents existent encore.

    2. Le Général Major Ndabemeye Thomas nul part n’est mentionné sur l’affaire Ntungumburanye. Il n’est ni originaire de Muramvya ni de Bururi, faites attention de ce que vous publier.

    1. De toutes les façons, feu Lazare Ntawurishira, a témoigné sur les ondes de Radio Isanganiro qu’effectivement un putsch avait été pensé par Jérôme Ntungumburanye et certaines personnes citées dans cet article qui déchaîne des réactions.
      Il est absolument faux d’affirmer qu’il s’agit d’une invention des gens de Bururi dont certains dignitaires de cette époque. Comprenons-nous : penser à faire un coup d’état est une chose, passer à l’acte en est une autre. Je pense que le passage à l’acte n’a pas eu lieu. Mais, d’après certains témoignages recueillis auprès des témoins oculaires (dont moi-même), il y avait des indices compromettants pour les accusés. Mais qui ne pouvaient pas justifier la lourdeur des peines prononcées à l’endroit desdits accusés. Après tout, renverser Micombero et ses alliés au gouvernement ne justifie pas qu’en cas d’échec du putsch, on mérite la peine capitale. Non ! Évidemment, la théorie du coup d’état est connue : vous avez raison quand vous réussissez l’opération, vous avez tort quand la manœuvre militaire échoue ! Ntungumburanye s’est confié à Ndabemeye pour renverser Micombero. Tout part de là ! Voilà l’origine de cette affaire. Les traces du coup d’état ont été découvertes à partir de cet élément. Jamais au grand jamais il ne s’agissait d’une simulation ou invention du groupe Micombero. Marc Manirakiza, dans son livre  » De la révolution au régionalisme  » n’est pas sincère. Il ment honteusement, et sait pertinemment que le coup était encore en conception. Mais non encore mis à exécution. Il était d’ailleurs un fervent défenseur du putsch voire un acteur clé parmi les concepteurs. Moi je le sais, j’étais là à l’époque. Saviez-vous que feu Sylvère Nzohabonayo, colonel défunt, et oncle maternel de Madame Micombero a été approché par Ntungumburanye pour le convaincre d’adhérer à son plan ? Nzohabonayo qui était de Bururi !
      Saviez-vous que la même démarche a été entreprise auprès du major Shibura, ministre de l’intérieur et de la justice en 1971 ? Un autre bururien. C’est dire que Ntungumburanye sentait bien qu’il lui fallait des gens de Bururi pour réussir son coup. Hélas, les mêmes personnes contactées ont vite fait de le dénoncer. Il a en quelque sorte creusé sa propre tombe.

      Distinguo capital entre cette affaire et celle de 1969 : les hutus impliqués en 1969 dans le putsch voulaient faire une récidive du génocide des tutsi orchestré en 1965 par l’élite militaro-civile hutu ! Il s’agissait, entre autres, des officiers Charles Karorero, Mathias Bazayuwundi, Nicodème Katariho, Kanyaruguru (civil et ministre du plan), etc…..
      Les preuves du génocide ont été savamment réunies par Gabriel Mpozagara, procureur général de la République en 1969. Il a mené de main de maître le procès en étalant au grand jour les preuves du génocide, mais non encore consommé. Tout était fin prêt pour déclencher les hostilités, il ne restait que la phase d’exécution. Vouloir c’est pouvoir, les concepteurs de ce coup diabolique n’ont pas été épargnés. Tandis qu’en 1971, il n’y avait absolument pas de génocide programmé. C’était juste un putsch prévu contre Micombero et son entourage. Étaient essentiellement visées les personnes suivantes :
      1) Major Albert Shibura : ministre de la justice et de l’intérieur. Super ministre ! C’est comme ça que l’on appelait !
      2) Arthémon Simbananiye : ministre des affaires étrangères et du plan
      3) André Yanda : ministre de l’information et directeur exécutif du parti uprona.
      4) François Gisamare : ministre de l’éducation nationale.

      On estimait que Micombero venait de  » bururiser » le régime en nommant à des postes clés quatre ressortissants de Matana.

      Mais là encore, ces quatre personnes susmentionnées, fussent-elles puissantes à cette époque, représentent-elles toute la province de Bururi ???? Une  » bagarre  » entre ces quatre personnes et quelques lettrés d’ijenda-muramvya devait-elle devenir une affaire nationale ????? C’était, de mon point de vue, un non sens !

  2. Abanyaruguru ne désigne pas les personnes originaires de Jenda et Muramvya. C’est une mauvaise blague? Ce terme désigne un certain groupe de clans tutsi qu’on trouve partout dans le pays. Le procureur Léonard Nduwayo a vite été remplacé après son réquisitoire qui était plus proche d’une défense que d’une accusation. Charles Baranyaka est bien le fils de l’ancien chef Baranyanka et il est encore en vie.

  3. On finira par connaître la vérité.
    Toute personne, de près ou de loin, fait partie de la conception de la division du Peuple Murundi ou qui soutient ces bassesses divisions éthniques, régionales ou claniques finira par être démasquée. Il ne faut pas se faire ange et acquiser l’autre. Qu’on sache que ces divers massacres ont emporté les filled et fils du pays. On doit cesser de se cacher derrière une justice qui n’a jamais été à l’abri des manipulations politiciennes et du pouvoir. Nous avons pas le droit de justifier des assassinates. Aucune personne ou groupe d’individus n’est maître de l’histoire.