Le démarrage des travaux était fixé à la mi-novembre 2012 pour une durée de 34 mois. Mais, il s’est vu propulsé en 2017, avec un retard de 5 ans. Une nouvelle fin des travaux avait été projetée au 31 mars 2023. Hélas, une année plus tard, la fin se fait toujours attendre. Le ministre Ibrahim Uwizeye, en charge de l’hydraulique, énergie et mines, a répondu à nos questions. Interview.
M. le Ministre, quelles sont, selon vous, les raisons de cette lenteur préjudiciable et qui va coûter cher au contribuable burundais ?
Pour le projet de construction de la centrale Kabu 16, un premier avenant avait été négocié et signé, suite au non-respect des délais pour la réalisation des études. La phase des travaux qui devait commencer le 25 juillet 2014, après 16 mois d’études, a commencé le 2 mai 2017, donc la période de grâce de 5 ans accordée au gouvernement burundais a expiré juste après le début des travaux de la deuxième phase ; d’où la signature du premier avenant qui a porté ou allongé la période de grâce de 5 ans à 9 ans.
Au cours de l’exécution des travaux, l’Entreprise Angelique International Limited (AIL) a fait face aux mauvaises conditions géologiques pour les travaux souterrains, elles n’ont pas permis le bon avancement des travaux, avant que la pandémie du Covid 19 ne vienne en rajouter.
Le non-paiement des factures de l’Entreprise depuis janvier 2023 par la banque indienne, Exim Bank, suite aux arriérés non payés par le gouvernement burundais, a provoqué l’arrêt des travaux depuis juin 2023 jusqu’au début du mois de novembre 2023. Toutes ces raisons ont contribué au retard des travaux.
Est-ce qu’au départ les études ont été bien faites afin que les travaux démarrent avec une vitesse rassurante ?
A un moment donné, il y avait des études, mais AIL nous a dit qu’il fallait faire encore d’autres études parce qu’il y avait un problème au niveau géologique ; cela a pris un moment. En plus, cela nous a poussés à signer le premier avenant des frais additionnels sur le crédit initial.
Donc il a fallu faire d’autres études parce que les études initiales n’étaient pas bien faites ?
Justement, pour voir la portance, la capacité d’un sol à supporter une charge, la morphologie du terrain, ils ont fait les études approfondies. Ces analyses ont effectivement pris du temps et cela fait partie des raisons qui sont à la base du démarrage tardif des travaux. Sinon, d’habitude nous faisons cela en 5 ans, mais malheureusement, cela a pris beaucoup de temps.
Il n’y a pas de lenteurs inexpliquées de la part de la société Angelique International Limited ?
Nous ne pouvons pas aussi nier que cette entreprise a une certaine responsabilité dans le retard des travaux du projet Kabu 16, car il s’est manifesté au cours de l’exécution du projet, un retard dans la mobilisation des engins, le recrutement et la mobilisation du personnel et l’envoie des équipements sur le site.
D’une part, nous pouvons accuser cette entreprise parce que si nous analysons la période où la pandémie du Covid 19 faisait des ravages, nous recevions des gens, tout était fait pour les isoler. En outre, ils nous ont dit carrément que chez eux en 2019, il n’y avait pas d’usines qui fonctionnaient alors que tous les équipements à utiliser devaient être fabriqués en Inde.
Vous savez très bien que le Covid 19 a été catastrophique en Inde, ils ont dû carrément fermer. Là, c’était un cas de force majeure, nous avons dû attendre.
C’est vrai, il y a eu certes des problèmes, des manquements, je ne peux pas situer exactement ce qui a causé cela, mais ce qui importe pour nous, c’est juste de faire tourner la machine pour que cette centrale hydroélectrique ne connaisse pas le même sort que le barrage de Mpanda.
Angelique international a des procès en cours notamment au Tribunal du Travail contre certains employés. Ce n’est pas un autre facteur de retard ?
Cela dépend de leur organisation, si un employé est engagé pour des travaux de soubassement, ou pour d’autres tâches, à un moment donné, si le travail à faire se termine, le contrat s’arrête et d’autres sont engagés pour d’autres travaux. Au fur et à mesure que les travaux avancent, la compression du personnel s’impose.
Mais si les salaires n’ont pas été payés, si les cotisations à l’INSS n’ont pas été honorées, les employés ont le droit de porter plainte. Ce qui est inacceptable, c’est de virer quelqu’un en violation du contrat.
Y a-t-il eu un suivi régulier des travaux par une commission de contrôle, des rapports, des visites ?
Le représentant du maître d’ouvrage fait régulièrement des descentes sur terrain et tient des réunions sur site et par vidéo conférence avec cette entreprise et le bureau de surveillance pour discuter avec les représentants de ces deux entreprises se trouvant à leurs sièges.
En plus des réunions sur terrain pour inciter cette entreprise indienne à respecter le timing des travaux, des correspondances ont été justement adressées à cette société afin d’exiger la mobilisation de la main d’œuvre et les équipements nécessaires à temps.
N’eût été la pression du maître d’ouvrage sur l’entreprise Angelique international Limited, les travaux n’auraient pas avancé et atteint le stade actuel.
Du côté de l’équipe burundaise chargée du contrôle, ses membres sont logés avec les travailleurs indiens, cela ne les expose pas au trafic d’influence ou à la corruption ?
Absolument, cela nous a même obligés à virer toute une équipe qui était chargée de la coordination. Nous avons dû mettre en place une nouvelle équipe.
Ce n’est pas tout ! Il y avait quelque chose de biaisé tout au départ parce que, imaginez, quand nous avons contracté le crédit pour la construction de ce barrage, la banque indienne, Exim Bank, qui nous l’a accordé avait ses conditionnalités : elle nous a exigés de travailler avec une société provenant de chez eux pour l’exécution des travaux, AIL. Nous avons dû accepter. Mais, cette banque a aussi exigé que la mission de contrôle provienne aussi de chez eux.
Pour moi, c’est incompatible mais c’était ainsi et nous avons essayé de pousser. Quand l’entreprise demande un avenant ou quand elle traîne, à coup sûr, les missions de contrôle s’y conforment aussi, et il y a prolongation de la durée d’exécution des travaux, alors que c’était le gouvernement burundais qui payait les missions de contrôle.
Si tout au départ nous avons signé les contrats pour les missions de contrôle de 3 000 dollars pendant tous les travaux durant 4 ans et que s’ajoute d’un coup 6 mois de plus pour l’exécution du travail, il faut encore donner de l’argent aux missions de contrôle pour cette période supplémentaire.
Et si ce délai est dépassé, il faut ajouter encore de l’argent pour les missions de contrôle. Au départ, c’était 3 000 dollars mais aujourd’hui, c’est plus de 7 millions de dollars pour toute l’équipe. Il nous a fallu chercher des frais pour payer ces missions de contrôle en provenance de là-bas.
Est-ce que les travaux avancent, qu’est-ce qui reste ?
Jusque-là, le taux d’exécution est au-delà de 94,5 % parce que les composantes sont déjà en place : l’aménagement de la centrale. Et si nous mettons de côté la route menant vers le barrage, nous en sommes à 98 % du taux d’exécution des travaux.
C’est prévu qu’il y ait une route macadamisée à partir de la RN5 menant vers Cibitoke et à partir de cette jonction. C’est un tronçon d’à peu près 20Km. Les travaux avancent normalement, il y a eu un compte-rendu des problèmes cités ci-hauts.
Il faut tout faire pour que les machines tournent. Je suis confiant qu’au début du mois de mai 2024, nous aurons déjà l’électricité en provenance de cette centrale. Toutefois, la construction de la route prendra encore une année, afin de terminer le tronçon menant vers ce barrage. L’urgence est d’avoir l’électricité parce que nous avons déjà commencé à payer les arriérés et les pénalités comme les intérêts.
Et les Burundais chargés du suivi dans tout cela ?
Il y a une équipe burundaise de coordination qui doit pousser l’équipe des missions de contrôle à bien suivre les travaux. Des fois, ils parlaient dans leur langue ; si l’exécutant des missions de contrôle parle en hindi, le Burundais ne peut rien comprendre.
Merci beaucoup pour votre postee je vous remercie