La flambée des prix des produits de première nécessité au Burundi atteint des niveaux alarmants, affectant durement les ménages et les fonctionnaires. Face à cette situation, certains expliquent que la pression fiscale en est la cause principale. Néanmoins, la dépréciation du BIF est un catalyseur important. Analyse
Les mauvaises nouvelles continuent de hanter notre quotidien : la hausse des prix du carburant, des tickets de transport, du sucre, du ciment, de la bière… La flambée des prix des produits de première nécessité prend une tournure de plus en plus alarmante. Un tel niveau n’a jamais été atteint auparavant. Même les produits alimentaires ne sont pas à l’abri de cette hausse vertigineuse.
Les temps sont durs, les dépenses augmentent de manière exponentielle. La hausse des prix étrangle les ménages. C’est un fardeau pour les fonctionnaires dont les dépenses ne cessent d’augmenter.
Quand les prix grimpent et le revenu s’effrite
Pour les plus démunis qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, c’est une véritable bataille. Le citoyen lambda qui sort remplir chaque jour son panier, plutôt son sac en plastique, se rend compte que la valse des étiquettes est toujours au rendez-vous. La farine, les haricots, les cahiers, les vêtements, la viande, les fruits, les légumes, les médicaments, etc. Les prix croissent et le revenu s’effrite.
Nous y sommes : inflation, records historiques de la hausse des devises, et augmentation des impôts et taxes. Pendant ce temps, le salaire d’un fonctionnaire reste inchangé ! N’est-ce pas merveilleux ?
Heureusement, le « système D », une vertu, a toujours défini les Burundais. Avec le coût de la vie élevé et la faiblesse du pouvoir d’achat, cet art de la débrouille s’est transformé en véritable métier. En effet, certains Burundais se retrouvent face à des faits accomplis : « On s’adapte ou on crève ». D’autres n’y vont pas par quatre chemins : « Les discours des officiels brouillent les signaux. Ils ne contrôlent les prix qu’à la télévision, à la radio et dans les journaux. Au marché, les prix continuent de grimper. »
La dépréciation, une cause ignorée
Face à cette situation, les experts et les médias tentent de trouver les causes de l’inflation. Certains estiment que la hausse des prix est une conséquence de l’augmentation des impôts et taxes dans la récente loi des finances promulguée.
D’un côté, ils ont raison. Les dépenses de l’État ont augmenté de 65,23 % par rapport au budget de l’année dernière. De plus, une grande partie de ces recettes provient des impôts et taxes internes. Selon les spécialistes, le citoyen lambda doit désormais payer plus de 50 nouvelles taxes. D’autre part, le fardeau fiscal n’est pas la raison de la hausse des prix. La dépréciation du BIF ou la dévaluation y est pour quelque chose.
Pour comprendre cette cause souvent ignorée, il faut remonter au mois d’avril 2023. À la fin de ce mois, la chute du BIF à un taux de 1 dollar pour 2817,6 BIF a plongé le système financier dans une vague de panique conjuguée à une frénésie spéculative : en l’espace de deux jours, du 3 mai au 5 mai 2023, le BIF a perdu plus de 35 % de sa valeur pour atteindre son taux le plus bas de l’histoire, soit 1 dollar pour 2084,1 BIF.
La dépréciation du BIF : solution magique
Selon le Représentant du FMI au Burundi, c’est plutôt l’unification des marchés de change officiel et parallèle qui est en jeu. L’une des conditions exigée par cette institution financière pour décaisser un prêt de 271 millions de dollars américains, une facilité de crédit élargie.
Ainsi, la dépréciation du BIF a été la seule alternative pour mettre en place un contrepoids au déficit budgétaire et au recul de l’activité économique.
Néanmoins, si le FMI a évoqué l’unification des taux sur les deux marchés, c’est parce qu’il considère que la monnaie burundaise ne correspond pas à sa valeur réelle sur le marché des changes. Celle-ci devrait refléter l’état des échanges extérieurs du pays. Autrement dit, le FMI confirme ce que le marché parallèle a longtemps expliqué en silence : le prix du BIF, malgré la détérioration continue, est toujours élevé par rapport à sa valeur réelle.
D’après le programme du FMI, l’unification des taux de change ou la dépréciation serait un moyen rétablir l’équilibre entre la valeur en devises des exportations et des importations. Cependant, cela s’avère être un défi difficile.
Les prix des importations s’invitent dans la danse
En théorie, cette stratégie vise à réduire les importations. En conséquence, la dépréciation de la monnaie a déjà entraîné une hausse des prix des importations. Cela se manifeste notamment par la récente révision du prix du carburant.
Depuis le début du mois de mai 2023, la monnaie burundaise a connu une dépréciation. Le taux de référence est passé de 2 089 BIF à 2 875 BIF pour un dollar américain, ce qui équivaut à une dépréciation de 37,6 % du BIF.
Depuis lors, la structure des prix du carburant n’a pas été mise à jour. Le taux de change utilisé dans le calcul du prix des produits pétroliers n’a pas été modifié. Dans la structure des prix du carburant publiée en avril 2023, le dollar s’échangeait à 2 095,6 BIF. Dans la structure actuelle, le dollar s’échange à plus de 2 884 BIF, soit une différence de plus de 788 BIF.
Le prix du carburant a baissé sur le marché international
Selon ce tarif, le prix d’un litre de carburant n’a pas augmenté sur le marché international. Au contraire, le prix d’un litre de carburant du port de Dar-es-Salaam jusqu’au port de Bujumbura a légèrement diminué.
Par exemple, le prix d’un litre d’essence s’élève à 0,963 $, alors qu’en avril 2023, un litre d’essence arrivait à l’entrepôt du port de Bujumbura à 1,016 $.
Par ailleurs, dans ce nouveau tarif, la TVA perçue sur chaque litre d’essence a également contribué à l’augmentation du prix. Elle s’élève à 565,9 BIF. Depuis avril 2023, le fisc percevait une TVA de 450,9 BIF. L’État prévoit des recettes de plus de 99,4 milliards BIF provenant de la taxe sur la consommation d’essence. Ce nouveau tarif du carburant reflète également une légère augmentation des coûts liés à l’assurance, à l’entreposage et aux frais bancaires.
L’espoir d’un équilibre illusoire
En effet, la dépréciation du BIF devrait entraîner une augmentation des prix des biens importés, ce qui pourrait inciter les consommateurs à se tourner vers des produits locaux de substitution. Cependant, une question pertinente se pose : est-ce que de tels produits locaux de substitution sont disponibles ?
Parallèlement, la dépréciation du BIF devrait également entraîner une baisse des prix des biens exportés, ce qui rendrait les produits locaux plus compétitifs sur le marché international. Ces deux effets combinés sont supposés améliorer l’équilibre de la balance commerciale et stimuler l’activité économique. Cependant, en pratique, ce pari est utopique.
Pour le moment, nous consommons à crédit, car notre production nationale ne couvre même pas nos besoins. Nos importations dépassent de très loin ce que nous créons comme richesse. La spirale de l’endettement public et privé est devenue tel un serpent des mers difficilement contrôlable. Dès lors, comment se sortir d’une telle situation inextricable ?