Le gouvernement vient de décréter la dissolution des institutions qu’il avait mise en place pour lutter contre le fléau de la corruption, à savoir la Cour et la Brigade Spéciale anti-corruption. Doit-on se réjouir ou déplorer cette décision ? Quelques éléments de réponse.
Elles avaient été créé en 2006 pour juguler – que dis-je – pour déraciner ce tare qui tendait à se généraliser surtout depuis que les fonctionnaires de l’Etat avaient reçu pour mot d’ordre « kwiyungunganya » (ce qui veut à peu près dire « se débrouiller »). Cela avait été librement interprété par les concernés à l’époque où le pays vivait des moments difficiles. La suite on la connaît. Certains fonctionnaires, à différents niveaux, ont largement mis en pratique le fameux dicton en vogue actuellement : « kurisha aho uziritse », ce qui signifie « brouter là où on est attaché » comme une bonne chèvre.
Les « brouteurs de la République » ont si bien brouté sous les yeux horrifiés des organismes internationaux que le Burundi s’est retrouvé parmi les très mauvais élèves en matière de perception de la corruption. La pandémie fut telle qu’un jour, (il y a quelques années), un porte-parole du Président de la République répondit sur un ton goguenard aux journalistes qui le harcelaient de questions sur la gestion des deniers publics : « Kirazira kuraba mw’isahani ya serugo » (il est interdit de regarder dans l’assiette du chef de ménage, ndlr).
A titre d’exemple, le Burundi a été classé à la 165ème place de l’indice de perception de la corruption de Transparency International de 2019, et ce malgré l’existence des institutions de lutte anti-corruption. L’ancien Président de la République, feu Pierre Nkurunziza (paix à son âme) a senti le danger que cette hémorragie constituait pour le pays et a promulgué la loi n° 1/36 du 13 décembre 2006 portant création de la Cour Anti-Corruption après celle du 03 août 2006 régissant la Brigade Spéciale Anti-Corruption.
La Cour et la Brigade Spéciales anti-corruption, des « épouvantails »?
« En vue de décentraliser les institutions judiciaires anti-corruption auprès de la population, les attributions de la Cour spéciale anti-corruption sont désormais placées au sein des parquets généraux et les Cours d’appels ». Voilà comment Prosper Ntahorwamiye, porte-parole du gouvernement, explique pourquoi ce dernier a pris cette décision de supprimer ces institution lors du conseil des ministres du 10 décembre 2020. N’en déplaise à Gabiel Rufyiri de l’Olucome qui s’époumonait depuis quelques années que ces institutions n’étaient que des « ibikanganyoni » (des épouvantails). Aujourd’hui, il plaide pour leur réformation au lieu de leur suppression.
Se réjouir ou déplorer la décision du gouvernement ?
Certes la Cour Anti-corruption avait ses tares que les uns et les autres ont pu soulever. Le souci du gouvernement d’une justice de proximité où les justiciables ne doivent pas peiner pour être rétablis dans leur droit est également juste. Mais, de la part de Me Yves Runyagu, avocat et chercheur dans le domaine du droit, il s’agit bel et bien d’un aveu explicite d’échec de la part du gouvernement. D’après lui, il est patent que pendant plus de 14 ans de leur existence, la Cour anti-corruption et la Brigade ont accompli peu de choses au point d’inciter le nouveau gouvernement à tout chambarder.
Cependant, Me Yves établit quand même une nuance : « Probablement qu’au lieu de tout chambarder subitement, on aurait pu proposer des améliorations partant des quelques résultats positifs qui auraient été atteints par ces organes puisqu’il n’en manque pas sûrement ». Peut-on espérer que les choses aillent mieux avec la réforme envisagée ?, voilà la question qui mérite d’être posée, selon notre chercheur.
Ni bayikure Kuko iyo igeze kuri terrain niyo ica irya ibiturire Hama ivyo bariko barakurikirana bikanigirwa mumenshi