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Le « coup d’État » de 1965 : l’impossible lecture commune de l’Histoire du Burundi ?

Si l’année 1965 est riche en événements, il faut dire que c’est la tentative du coup d’État contre le roi Mwambutsa qui signe en quelque sorte la descente aux enfers du Burundi sur le plan ethnique. Une descente aux enfers différemment expliquée selon que l’on est hutu ou tutsi au sein même de l’intelligentsia burundais. Le point. 

Nous sommes à Bujumbura. Dans la nuit du 18 au 19 octobre 1965, un groupe de militaires et de gendarmes fait irruption au Palais royal. Après en avoir maîtrisé la garde, les mutins se rendent à la résidence royale afin de s’emparer du roi. Malheureusement pour eux, ce dernier parvient à s’enfuir. Mais, le coup ne s’arrêtera pas là. 

Après la tentative manquée de « capturer » ou de « tuer », c’est selon, les mutins se seraient rendus, dans le but de s’emparer du pouvoir, à la résidence du Premier ministre de l’époque, Biha Léopold. Ils  lui auraient tiré dessus plusieurs balles de mitraillette avant de le laisser pour mort. Ils se seraient rendus aussi à la caserne de munitions située près de la rivière Muha dont ils n’auraient eu aucune peine à s’emparer. Selon certains, c’est Désiré Manirakiza qui l’écrit, entre 6 heures et 10 heures du matin, les combats opposaient les militaires loyalistes et les mutins dans Bujumbura. Ce n’est que vers 10 heures du matin que les troupes loyalistes seraient venues à bout de l’insurrection.

Ce jour-là donc, ou plutôt cette nuit-là, le roi parvient à avoir la vie sauve. Et le pire évité. Pas pour longtemps toutefois. La suite des événements nous l’aura démontré. Voilà donc, le décor planté, le déroulement des faits. Un déroulement dont les mobiles ne sont pas toutefois vu du même œil par les Burundais, l’intelligentsia y compris. 

Quels auteurs pour quelles raisons ?

1965, c’est l’une des dates sombres de l’Histoire du Burundi loin de faire l’unanimité, même dans le milieu intellectuel.  C’est  en tout cas ce qu’estime le sociologue Désiré Manirakiza pour qui la charge ethnique est tellement forte qu’il est difficile de dégager une ligne claire, encore moins savoir ce qui s’est réellement passé. 

En effet, explique toujours Dr. Manirakiza, les divergences commencent sur la raison même des mutins lorsque ceux-ci s’emparent du Palais royal. Pendant que l’historien Raphael Ntibazonkiza parle de mutins qui se seraient rendus à la résidence royale pour s’emparer de la personne du roi et qui se seraient prosternés devant lui (signe d’obéissance), Marc Manirakiza lui, fait remarquer que ces mutins avaient l’intention de tuer le roi. Seulement, explique-t-il, c’est un Mwambutsa qui  n’aurait eu la vie sauve qu’à la faveur d’une erreur : des mutins qui se seraient tirés dessus car ne se connaissant pas, de quoi donner l’occasion au roi de s’enfuir. 

On le voit donc, ce sont des positions diamétralement opposées à même d’alimenter la polémique sur la question de l’identité ethnique des auteurs du coup d’État manqué ainsi que leurs objectifs. À celles et ceux qui pensent que le coup manqué était l’œuvre des « extrémistes » Hutu, dirigés par des hommes politiques pour s’emparer du pouvoir et exterminer les Tutsi ( à l’instar de Gervais Nyangoma, Paul Mirerekano, Emile Bucumi et Antoine Serukwavu) s’oppose  une autre hypothèse indexant plutôt des Tutsi comme les véritables instigateurs de la tentative de coup d’Etat de 1965. Une hypothèse soutenue par Ntibazonkiza pour qui le coup d’État de 1965 serait le résultat ourdi par les Tutsi « extrémistes », exécuté par une partie de la Gendarmerie et de l’Armée.

Mais au final, c’est le camp d’Antoine Serukwavu qui est incriminé. Et des exécutions auront lieu. Des exécutions qui seront suivies par un autre massacre aux dimensions ethniques. J’ai nommé les massacres de Busangana sur lesquels on est revenu ici.

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Les commentaires récents (5)

  1. « Après une période où tous les Premiers ministres sont tutsis, Mwambutsa nomme en 1963, une première dans l’histoire du Burundi, un Premier ministre hutu, Pierre Ngendandumwe, qui est assassiné en 1965 (il n’était plus Premier ministre) par un Tutsi rwandais. Les élections législatives de 1965 se tiennent dans un atmosphère de fortes tensions ethniques. Les Hutus obtiennent la majorité, mais le roi Mwambutsa révoque le Premier ministre hutu Joseph Bamina, remplacé par un Tutsi, Léopold Biha (en), en octobre 1965.

    Le coup d’État et ses conséquences
    L’arrivée au pouvoir de Biha en tant que Premier ministre provoque des dissensions entre les Hutus et la monarchie burundaise, à tel point que des officiers de l’armée fomentent un coup d’État contre le gouvernement tutsi les 18 et 19 octobre 1965.. ».
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Coup_d'%C3%89tat_de_1965_au_Burundi

  2. Il est totalement faux d’affirmer que les massacres de Bugendana, Bukeye , Teza ont commencé après les exécutions. Les massacres ont commencé le mercredi 20 octobre et aucune exécution n’avait encore eu lieu, même les arrestations de certains politiciens comme Mirerekano n’avaient pas encore eu lieu. L’attaque contre le palais royal a été fait par une dizaine de gendarmes(surtout des officiers)et un peloton commando. Le chef du peloton a menti aux soldats en leur disant que des rebelles avaient pris le contrôle du palais et qu’ils allaient les chasser. Sur place, ils se sont rendus compte qu’on les avaient trompés et ils ont arrêté le lieutenant qui leur avait menti et l’ont livré au chef d’Etat-Major Verwayen installé au camp Beaudoin(Muha). Deux gardes Mwami avaient été tués et un troisième blessé. Le Roi s’était défendu en faisant le coup de feu. Un autre peloton loyaliste est intervenu sous les ordres du lieutenant Congera accompagné par Busigo et Micombero. Ce dernier muni d’un mégaphone s’est adressé aux soldats qui attaquaient le palais leur disant de se rallier à lui et qu’on les avaient trompé. Une dizaine de gendarmes putschistes ont été arrêtés près du palais. Le roi sauvé de justesse a lors été évacué vers Kiliba escorté par des coopérants militaires belges. Ila par la suite pris l’avion à Bujumbura pour la Swisse en passant par Nairobi et n’est jamais rentré. Entre temps un groupe de gendarmes a tenté d’assassiner le premier Ministre Biha laissé pour mort. La même nuit, le capitaine Ndabahagamye chef du service des transports à l’Etat-major a pris le contrôle du camp base(ou camp Athénée). Il a tué son adjointèa l’Etat major le sous -lieutenant Alexis Kandeke qui avait été appelé au camp et donné l’ordre aux militaires hutu de tuer les militaires tutsi du camp. Il a executé ceux qui ont refusé de le faire . L’adjudant Mundanikure a préferé fuir plutôt que participer au massacre. Quelques militaires tutsi ont été sauvés par un sergent hutu . Le camp Base avant de déménager en face de Mpimba se trouvait alors à l’endroit ou se trouve le mess des officiers. Ila été encerclé au petit matin ce jour là par les élèves de l’école des gradés (déployés sur le Boulevard Mwambutsa IV nommé plus tard 28 novembre)et la première compagnie des fusiliers commandée par Mandi(dans la rivière Muha et sur la route qui va à Musaga). L’assaut final a été fait par les commandos(de Rusiga) depuis Gatoke vers 10 heures du matin en passant par l’Athénée. Les coups de feu sporadiques ont recommencé vers 8 heures du matin(après ceux des exécutions de la nuit) et lors de l’assaut ils ont été très intenses mais brefs.. Les élèves de l’Athénée avaient été évacués le matin vers le collège du St Esprit. Pendant l’assaut ,des balles perdues sont tombées sur le marché provoquant la panique et la fuite de tout le marché vers le nord de la ville dans des cris et une scène terribles.
    Il y a eu une tentative de putsch certes mais il y aussi eu des massacres de paysans et de militaires qui n’avaient rien d’un coup d’Etat.

  3. C’est faux de dire que Mwambutsa a révoqué Bamina alors que c’est lui qui a refusé de rester Premier Ministre comme le lui proposait Mwambutsa préférant le poste de Président du Sénat.
    C’est faux de dire que Ngendandumwe n’était plus Premier Ministre quand il a été assassiné. Il venait de présenter à la radio son gouvernement. C’était la troisième fois qu’il était nommé Premier Ministre. Il avait refusé la deuxième fois et c’est Nyamoya qui avait été nommé à sa place. C’est faux de dire que tous les Premiers Ministres étaient tusti avant 1963. Cimpaye, Rwagasore et Muhirwa seraient desTutsi? Qu’est ce qui permet de dire que le gouvernement de Biha était tutsi. Est -ce que les Tutsi le soutenaient. Il y en avait combien dans ce gouvernement? Aux élections de 1965 c’est l’Uprona qui a gagné les élections et il ne se présentait pas comme un parti hutu. Le parti qui s’en réclamait était le PP et il a perdu les élections.
    Attention à la réécriture de l’histoire.

  4. Durant ces événements, la plupart de militaires loyalistes étaient des hutu. Les commandants des camps militaires de Bujumbura étaient tous belges ainsi que le chef-d’État Major de l’armée le Colonnel Verwayen . Ce dernier était en même temps commandant en chef de l’armée , un titre au dessus de celui de chef d’état -major dans le système militaire belge. Verwayen a joué un grand rôle dans ces événements. C’est lui qui a organisé la riposte contre les putschistes. A cette époque , il n y avait aucun tutsi dans le bureau du parlement(assemblée) et celui du sénat. Tous ces faits sont faciles à vérifier.