Être réfugié, c’est vivre dans l’incertitude et la précarité constante. Mais c’est aussi faire preuve de courage et de résilience face aux préjugés et aux stéréotypes. Un jeune homme qui a fui la guerre en République démocratique du Congo pour chercher l’asile au Burundi raconte son expérience, entre souffrance et espoir.
Je me suis présenté à l’Office National de Protection des Réfugiés et Apatrides (ONPRA) un certain dimanche 11 décembre 2011. C’était la veille de la proclamation du scrutin présidentiel en RDC. C’était la première fois que je posais les pieds sur le sol burundais, et ce n’était ni pour une visite ni pour des vacances.
Le processus d’asile varie selon les pays. J’ai obtenu l’asile le 5 janvier suivant. Pendant tout ce mois, j’ai dormi dehors sur des graviers, avec un petit sac pour seule couverture. Il m’arrivait de courir sous la pluie en plein milieu de la nuit, à la recherche d’un abri. Certaines familles, pour avoir de quoi manger, envoyaient leurs enfants dans la rue pour mendier. D’autres se rendaient au marché chez Sioni ou allaient ramasser des poissons jetés par les commerçants sur le marché de Ruvumera. Cette vie-là, je ne la souhaite à personne, même pas à mon pire ennemis.
Heureusement, les Burundais sont très généreux, et un homme que les enfants appelaient « Babu » (grand-père) venait deux fois par semaine à l’ONPRA avec sa voiture Mercedes noire remplie de sacs de riz ou de farine de maïs qu’il distribuait à toutes les familles. À Noël 2011, il nous a ramenés des vivres et des vêtements. J’ai essayé de savoir qui était cet homme, mais jusqu’à présent, je n’ai jamais su. Quoi qu’il en soit, c’était un grand homme, il m’a appris ce que signifie l’ubuntu (humanisme).
Un sentiment de honte qui ne vous quitte plus…
En kirundi, on dit « ivyagusa bitera ubwenge buke ». Le statut de réfugié vous met dans un état de dépendance et de vulnérabilité sans précédent. Lorsque l’on est obligé d’attendre la fin du mois pour savoir si l’on aura de quoi manger, que l’on passe toute sa vie à espérer l’aide des autres, cela ne fait pas la fierté d’un homme. D’ailleurs, d’après le logo du HCR, un réfugié est quelqu’un qui n’a pas de pieds ni de mains, ce qui est vrai d’une certaine manière, mais en réalité, un réfugié est quelqu’un comme toi et moi. Il pense et travaille s’il en a la possibilité.
Enfermé dans cette boîte de honte, j’ai eu beaucoup de mal à reconnaître que j’étais un réfugié. Je ne savais même pas comment me définir : suis-je Congolais ou Burundais ? Quand quelqu’un prononçait le mot « réfugié » devant moi, je m’emmurais dans un silence coupable. Comme si c’était un crime. À l’université, je cachais à tous mes camarades mon passé de réfugié par peur d’être critiqué.
J’ai grandi avec plusieurs amis qui sont nés dans des camps de réfugiés, et aujourd’hui, plus de 20 ans plus tard, ils ont encore du mal à trouver leur place dans ce monde.
Au bout du tunnel, l’espoir
Aujourd’hui, après 11 ans de refuge au Burundi, je commence à prendre conscience et à assumer qui je suis. Je sais que je n’ai pas choisi d’être refugié. J’ai vécu des expériences traumatisantes qui m’ont obligé à quitter mon pays d’origine. Nous avons été témoins et certains victimes de violences, de persécutions, de guerres, ou encore de catastrophes naturelles. Notre fuite était motivée par la recherche de sécurité, de liberté, tout simplement d’une vie meilleure.
Après avoir obtenu mon diplôme d’État, j’ai obtenu une bourse d’études octroyée par le gouvernement allemand, dans le cadre de leur programme de bourses DAFI. J’ai suivi des cours en communication audiovisuelle. Dieu merci, j’ai un peu de talent, grâce à cela, je travaille actuellement comme scénariste et réalisateur. Qui aurait pu croire qu’un jour, quelqu’un qui vient d’un camp de réfugié pourrait aussi faire cela ? Parfois, je n’arrive pas à y croire. Les Anglais disent « the sky is the limit » (le ciel est la limite), mais pour moi, après tout ce que j’ai vécu, « the sky is not the limit ».
Keep shinning Biregeyi. Aucune limite
Les défis ne définissent pas qui tu es, mais ils révèlent ta force intérieure et ta détermination. N’oublie jamais que tu as des qualités uniques et des talents exceptionnels. Ta persévérance et ta détermination t’ont déjà mené si loin, et je suis convaincu que tu peux aller encore plus loin.