Dans des situations où le pronostic vital du patient est engagé, le moindre des actes est de rendre disponible tout le matériel pour lui sauver la vie. Si le système de gestion des urgences est désorganisé, toute une myriade de conséquences peut s’en suivre.
Par la force des choses, je me retrouve dans le poste de transfusion d’un hôpital sis dans la ville de Bujumbura dont je tairais le nom. Ernest (pseudonyme), le chef de poste, est énervé car la centrifugeuse n’est plus fonctionnelle. Elle consiste en la séparation de mélanges liquides, basée sur leur différence de densité. C’est un casse-tête pour lui, il doit congédier tous ceux qui en ont besoin pour des bilans dans un autre service. Je tiens à signaler que cet autre service, ce n’est pas la porte d’à côté. L’air frais qui s’incruste à travers les lamelles n’adoucit en rien l’humeur tendue d’Ernest. D’autant plus que ça fait plus de trois jours que cette satanée machine est en panne !
Vite, y a urgence !
Un médecin stagiaire accourt dans les locaux. Le temps presse, car un de ses patients qu’on achemine au bloc opératoire est en train de saigner abondamment. Il vient chercher une poche de sang pour le transfuser. L’infirmière de ce service l’aide du mieux qu’elle peut. Avec l’échantillon de sang du patient, elle doit faire un test de compatibilité avec le sang du donneur. Sauf qu’il y a un hic ! La centrifugeuse ne marche pas. Le médecin doit aller centrifuger l’échantillon du receveur dans un autre service, plus loin.
Son visage s’assombrit, il a peur que l’état de son patient se détériore pendant ce temps. Après avoir lâché quelques plaintes, il court vers cet autre service où la machine est disponible. En attendant, le chef de poste donne des instructions formelles à l’infirmière : « Que tout soit prêt lorsque ce médecin apportera l’échantillon centrifugé. »
Une bonne demi-heure passe avant que le médecin n’apporte l’échantillon, les nerfs tendus. L’infirmière se hâte de reprendre l’échantillon pour poursuivre le test de compatibilité. Elle sépare le sang du receveur et celui du donneur. Ce procédé a deux buts : vérifier si le groupe sanguin est le même et si leur sang est compatible.
« Le travail dans cet hôpital n’est vraiment pas sérieux. Je ne devrais pas traîner dans des circuits pareils si c’était réellement une urgence. Regarde ça fait plus de 45 minutes que j’ai quitté le bloc à la recherche d’une poche de sang. C’est totalement ridicule. », s’emporte-t-il.
Son agacement est légitime d’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’il se retrouve dans une telle situation. J’esquisse un petit sourire compatissant à son égard et je jette un coup d’œil à l’infirmière. Au bout d’une dizaine de minutes, cette dernière termine la mise au point du test, enregistre le médecin dans un registre bleu et lui fournit la poche de sang ainsi que le kit de transfusion.
« Normalement, les hôpitaux de l’étranger disposent de tout un système pour la gestion des urgences pour éviter des futilités pareilles ! », s’énerve-t-il, en prenant tout le matériel. Sur ce, il prend ses jambes à son cou tout en espérant éviter le pire.
Et ailleurs ?
Cet incident me laisse perplexe et impuissante. Je ne comprends pas pourquoi certains hôpitaux ne mettent pas en place un accès facile et rapide du matériel indispensable dans des situations d’urgence. Cela éviterait que le personnel soignant zigzague dans tout l’hôpital pour gérer une urgence. Je remets même en question le sens du mot Urgence.
Une question me taraude l’esprit. L’herbe est-elle plus verte ailleurs ? Solange (pseudonyme), une infirmière de 27 ans travaillant à l’Hôpital Saint Pierre de Bruxelles, m’oriente sur leur gestion des urgences : « Ici, il y a un système de triage pour les patients admis aux urgences. Dans le cas d’une urgence vitale, il y a un service de laboratoire tout près du bloc pour rendre accessibles tous les bilans en urgences. »
Ce n’est pas tout ! Selon elle, pour les opérations à risque de saignement, 2 ou 3 poches de sang sont déjà disponibles avant l’opération. « Il y a un infirmier circulant dans le bloc équipé d’un téléphone de service à l’instar de tout le personnel du bloc. Aussi, un interphone facilite les échanges pour que si besoin d’une aide extérieure, l’intervention soit rapide. », ajoute-t-elle.
Je me rends compte que leur système de gestion des urgences est ordonné de façon à secourir les patients le plus rapidement possible. Le système de santé du Burundi devrait s’inspirer de ce qui se passe ailleurs pour ne pas mettre en danger la vie des patients.