C’est avec une liesse populaire, réelle ou mise en scène, que le président burundais a été accueilli lors de son récent retour de la 36è session ordinaire de l’Union Africaine le 20 février dernier où il a été élu par ses pairs comme troisième vice-président de l’organisation. Et comme souvent, les effets d’annonce accaparent le devant de la scène au détriment de certains sujets qui, au quotidien, forment et déforment l’avenir du continent. Voici donc un florilège des chantiers qui attendent l’Union Africaine et son désormais probable prochain président à l’horizon 2026.
Juillet 2018, Kigali. Lors de l’ouverture du 27è sommet ordinaire de l’Union Africaine, les présidents Paul Kagame du Rwanda et Idriss Deby du Tchad sont les premiers à recevoir leurs passeports africains. A l’époque, l’image est présentée comme historique. Historique, mais aussi symbolique. L’idée d’une libre circulation des personnes au sein du continent est l’un des principes chers aux fondateurs de l’organisation panafricaine. Du haut des cieux, les Kwame Nkrumah, Sekou Touré et autres Mwambutsa Bangiricenge ont dû échanger un sourire complice face à l’image de Kigali. Et pour couronner le tout, le sommet de Kigali prévoit un protocole sur la libre-circulation des personnes, le droit de résidence et le droit d’établissement. Il sera adopté une année plus tard.
Historique et symbolique donc. Mais pas que. Ce marathon enclenché par l’Union Africaine ressemble plus à une session de rattrapage tant les experts sont unanimes sur le retard du continent en matière d’échanges intra régional. Le commerce intra-africain représente un peu plus de 10% des échanges contre 22% en Amérique latine et 50% en Asie de l’Est.
Environ cinq ans plus tard, la ratification du protocole sur la libre-circulation des personnes par les Etats membres de l’UA traine en longueur et le passeport africain tant attendu se fait attendre. La promesse du crépuscule de la décennie passée n’est toujours pas tenue.
Dis-moi où vont tes investissements, je te dirai qui tu es
Dans un monde incertain où les cartes sont sans cesse redistribuées, quelle sera la part de l’Afrique ? Quarante ans avant l’horizon 2063, dans quels secteurs le moindre dollar américain investi rassure sur un retour sur investissement à la hauteur ? Un mot revient en boucle : le numérique.
Les pouvoirs publics devront sans doute remorquer une révolution numérique vantée depuis des lustres mais qui tarde à se concrétiser. Face aux grands chantiers que sont la protection des droits de propriété, la simplification et l’automatisation des procédures administratives, l’harmonisation de l’administration fiscale et l’accès aux informations via des plateformes numériques à guichet unique, le continent doit devenir son propre fournisseur et permettre l’éclosion d’une main d’œuvre à la hauteur de l’ouvrage.
Certains pays ont déjà montré la voie. Le Nigéria plus récemment, mais également le Sénégal et la Tunisie beaucoup plus tôt, ces pays se sont dotés d’une loi nationale consolidée sur les “start-ups”. Au cœur de cette législation, des fonds propres et de garanties devraient constituer le garde-fou contre les risques d’investissement.
Ce n’est pas tout. Il y a un tas d’autres domaines tout aussi importants, où le continent doit encore matérialiser son ambition. Et pour chacun des domaines, ce ne sont pas les outils qui manquent à l’Union Africaine. Sur les investissements dans le domaine des infrastructures, par exemple, un groupe d’experts du G20 a émis des recommandations qui ne demandent qu’à être mises en œuvre. Ces dernières concernent entre autres la réforme du fonctionnement des banques afin de s’adapter aux défis du moment.
Sur le terrain de l’alimentation et de la souveraineté alimentaire, la déclaration de Dakar 2 ne tarit pas de recommandations. De surcroît, un travail de plaidoyer de l’Union africaine auprès de ses États membres sur l’élaboration de leurs pactes nationaux de livraison d’aliments et d’agriculture.
Que dire encore du financement climatique ? Chaque année, le continent accuse un déficit de financement de 41 milliards par an pour adaptation à l’urgence climatique. Là aussi, la voix de l’Union africaine est attendue pour convaincre les pays à revenu élevé à tenir leurs promesses de financement. Objectif : réunir 100 milliards de dollars américains chaque année jusqu’en 2025.
60 ans après la naissance de l’organisation de l’Unité africaine et plus de 20 ans de l’Union africaine, voici donc les grands sujets de fond où l’organisation panafricaine est attendue et par ricochet, du président burundais, aujourd’hui membre du bureau de l’UA.