Umuruturutu, potion magique sortie tout droit de l’univers imaginaire d’Astérix et ses compères, pour revigorer la libido des hommes ? Il a le vent en poupe. Umuruturutu est en train de se faire une place au soleil, de quoi détrôner les éternels produits Brarudi ? N’allons pas si vite en besogne, mais ce breuvage aurait certaines vertus que les néophytes n’oseraient même pas imaginer. De quoi titiller la curiosité de ce blogueur qui a décidé d’aller voir de quoi il en retourne. Quoi de plus instructif qu’une bonne dégustation ?
« Akica umuntu s’akamujamwo, yicwa n’akamuvamwo ». C’est fort de cette conviction ancestrale que je me suis lancé sur les traces d’Umuruturutu. Normalement, un produit Brarudi nommé tendrement Beshu suffit pour étancher ma soif. Mais là, un responsable a insisté pour que j’aille visiter les endroits où on consomme ce breuvage qui fait des émules à Bujumbura (mais pas seulement). « When in Roma, do as Romans do », ai-je rétorqué au chef pour lui soutirer les frais de consommation. Ce serait une arnaque que de parler d’une boisson qu’on n’a jamais consommée.Chose dite, chose faite.
C’est avec mon petit sac en bandoulière et une petite liasse de billets que je débarque à Bwiza à la sixième avenue. “Clinic center Herbal chez Dr Sule” ! Et moi qui pensais que j’allais dans un bar d’Umuruturutu ! L’endroit n’est pas vraiment difficile à trouver. Une petite porte entrouverte, je m’engouffre dedans avant de découvrir une pièce entièrement peinte en vert. Je m’installe sur une petite table où se trouve une carte-menu. Je consulte, quelques secondes, une femme bien en chair se trouve déjà à ma hauteur et me demande ce que je prends. « Umuruturutu », ai-je répondu d’une voix hésitante.
Qui a bu boira
J’observe la petite salle. Des hommes, exclusivement des hommes, boivent des liquides de différentes couleurs. Certains sont clairs, avec une légère coloration brune ou chocolatée. D’autres hommes dégustent de grands verres d’un breuvage de couleur vert-claire surmonté par une mousse encore plus claire. Quelques instants, la dame revient avec deux gobelets, un grand plein d’un liquide très noir et un petit où il y a une petite quantité de ce même liquide. Elle s’en va sans m’adresser la parole. J’observe ma commande est une petite crainte commence à naître en moi. Je patiente quelques minutes, la carte-menu à la main, je cherche Umuruturutu pour essayer d’en connaître la composition. Je lis :
« Umuruturutu (Dawa).
Ifasha : -Isukari mu mubiri, kwikwashagura
-Kuribwa munda,-umugongo, ibinure mu mubiri,… »
Tout cela ne me dit rien qui vaille, mais je décide de tenter le coup. Je prends un petit gobelet et je verse le liquide dans la bouche, trois secondes plus tard, mes yeux manquent de sortir de leur orbite. C’est amer de toute l’amertume de l’univers. J’allais tout cracher discrètement lorsque je remarque du coin de l’œil le regard du voisin de table posé sur moi. Dans un effort surhumain, j’avale d’un trait, mais un rictus d’amertume déforme instantanément ma bouche. J’ai presque le souffle coupé ! J’attends dire mon voisin : « Ni iryambere wewe ? ». Je fais oui de la tête, aucun son ne pouvait encore sortir de ma bouche, le choc a été terrible. Je pose doucement le gobelet, mais je sais déjà que je ne vais plus y toucher. « Twese mu ntango kwari uko, uzomenyera », ajoute le voisin avant de verser dans sa bouche une grande gorgée.
L’Alkasius pour descendre tout ça
Une autre dame, celle-là moins âgée, qui observait la scène s’approche de moi, après le départ du monsieur : « Ça va ? ». « Non, vous n’avez pas quelque chose de plus doux ? ». Elle s’en va et revient avec un autre petit gobelet plein d’un autre liquide, blanchâtre celui-là. « C’est quoi ? ». « Alkasius ». « Et c’est bon ? ». « Oui, je peux ajouter un peu de miel si tu veux ». Aussitôt dit, aussitôt fait. Je porte sur la bouche le breuvage avec beaucoup de circonspections. Heureusement, elle n’a pas menti, c’est doux et c’est légèrement sucré, mais avec un arrière-goût bizarre. J’en consomme quand même la moitié. Elle repasse à côté de moi et j’en profite pour lui demander : « En quoi ça va m’aider l’Alkasius ». « C’est comme Umuruturutu sans amertume, ça aide au lit ». Célibataire endurci que je suis (n’amadominika menshi maze), j’ai repoussé discrètement le gobelet, très inquiet à propos de ma libido.
Quelques minutes plus tard, la jeune femme repasse encore une fois : « Na Alkasius yakunaniye ? ». « Oui, vous n’avez pas autre chose qui aide ailleurs qu’au lit ? ». Elle s’en va pour revenir avec le liquide vert, dont je vous ai déjà parlé, dans un grand verre. « C’est de l’Aloès verra, il nettoie l’appareil digestif, plus de constipation avec ça. Il faut boire d’un trait ». Je bois sous son regard. C’est amer, mais pas au niveau d’Umuruturutu. Quand elle est part, je commence à observer les murs verts. Je constate que le menu est aussi peint aux murs. A côté d’Alkasius est dessiné un pénis en érection. Décidément, ils ne font pas les choses à moitié ! Je paie et je pars. A voir le va et viens qui y règne, ils doivent se faire de l’argent. Ils ont trouvé le bon filon, les veinards !
Boire Umuruturutu,… jusqu’à la lie
Je quitte Bwiza pour Rohero, je mets le cap sur un bar nommé Ku mashuha. « Umuruturutu ? Oui, il y en a. Tu le veux dilué ou concentré ? ». Dilué, dis-je. Et le voilà qui rapplique avec une bouteille de 1,5 litre d’Umuruturutu de couleur nettement moins foncée. Ici, ce ne sont pas des gobelets qu’on utilise, mais des bols en verre avec une paille. J’ouvre déjà la bouteille qu’une sorte d’arôme envahit mes narines. J’en verse un peu dans le verre et tire sur la paille. Huuum, plutôt doux, aromatisé avec un goût prononcé de vin de banane (que je ne honnis pas, soit dit en passant). Je remplis le bol et je me délecte. Quand le serveur revient, je luis demande à partir de quels ingrédients, ils fabriquent Umuruturutu. « Il y a umubirizi, umuravumba et umukaratusi, mais aussi de la papaye et des oranges pour atténuer le goût ». Votre Umuruturutu est doux, pas comme celui de Bwiza qui réveillerait un mort. Vous êtes sûr qu’il produit de l’effet, lance-je au serveur, sur un ton taquin. Et de me répondre avec un ricanement : « Tu verras quand tu vas aller au lit ». Comme une piqûre de rappel, je ferme ma bouteille désormais à moitié consommée. Si à Bwiza la petite maison d’Umuruturutu ne désemplit pas, Ku mashuha, c’est quasiment bondé ! Des hommes et des femmes descendent bouteille sur bouteille. Parfois, «barawusasira » avec des brochettes de viande. Tout un monde que je viens de découvrir.
« Isubiza umugabo ku buriri »? Du pipeau !
« Pourquoi buvez-vous un truc aussi infecte ? », ai-je demandé à un collègue qui a apparemment fait d’Umuruturutu son ‘’way of life’’. « J’ai essayé le Coca-cola, énergie ou café, tout cela ne m’allait pas bien. Quand j’ai siroté Umuruturutu, je l’ai adopté immédiatement. C’est bon est ça requinque. Je sais qu’il y a dedans menthe, romarin et fruits. Des vertus aphrodisiaques ? Non, c’est du vent ». « Isubiza umugabo ku buriri » ne serait donc que du pipeau, d’après mon collègue.
Parole au médecin : « Je ne sais pas à partir de quels ingrédients Umuruturutu est fabriqué. Il peut s’agir d’un effet placebo. Quand tu prends ça en étant convaincu de ses effets, parfois, il y en a. Mais certaines infusions comme Tangawizi peuvent avoir des effets néfastes sur l’estomac. Effets secondaires ? Je ne saurais le dire tant qu’une étude n’a pas été faite à ce sujet », a répondu un ami médecin à qui j’ai posé la question.
En attendant, comme dirait mon regretté collègue, dans quelques heures, je vais voir si je vais bander comme un taureau ou péter comme un âne.
Quel audace quand même,si c’est vrai ça m’a tellement fait rire,c’est la première fois que j’entends cette 🍹
La suite svp!