article comment count is: 4

« Umugore w’ubu », talon d’Achille de Niki Dave ?

Umugore w’ubu, cette chanson culte signée par une légende de la musique burundaise n’est pas exempte de tares. Ses paroles font grincer des dents de la gent féminine. Et pour cause, derrière la mélodie entraînante, un discours rétrograde : la femme moderne décrite comme paresseuse, ingrate, matérialiste et incapable de construire un foyer. Une fresque misogyne qui, pourtant, continue de faire danser, chanter et même sourire celles qu’elle insulte. Ironie ? Nostalgie aveugle ? Cette blogueuse s’en offusque. 

Il suffit parfois d’un tweet pour réveiller la curiosité. C’est ce qui m’est arrivé en tombant sur un post de X évoquant la chanson Umugore w’ubu ni temba ntereke de Nikiza David . Intriguée, j’ai décidé d’aller écouter cette œuvre signée par cette légende de la musique burundaise. 

Et je vous prie de m’excuser d’avance pour l’audace d’oser critiquer l’œuvre de ce monument du patrimoine musical national. Néanmoins, en tant que femme, comment ne pas être outrée ? Umugore w’ubu est un florilège de clichés jetée à la figure de la femme moderne, une compilation d’insultes déguisées en mélodie. Une fresque d’une misogynie assumée.

Un hymne à la nostalgie patriarcale

Vous sentez cette odeur de soupe réchauffée ? C’est celle des plaintes d’un temps où les femmes ne répondaient pas, où elles supportaient tout en silence. Nick Dave, artiste respecté et admiré, nous livre avec Umugore w’ubu un portrait au vitriol (mais surtout sans nuance) de la femme moderne : frivole, ingrate et matérialiste. Le tout sur une mélodie envoutante, histoire d’adoucir l’amertume avec un peu de sucre.

Dès les premières paroles, le ton est donné :

“Agahengera ugiye agatamba, imigere igahinda !”

(Elle attend que tu partes pour danser.)

Ah, cette vieille rengaine du mari sérieux et travailleur, pendant que sa femme se la coule douce ! Parce que, bien sûr, dans cette vision étriquée du monde, la femme est forcément une paresseuse aux mœurs légères. Et pour appuyer l’accusation, Nikiza David insiste à plusieurs reprises sur sa supposée errance. Pauvre mari !

Et le pire :

“Ukamusigira abana, ukagenda ku mirimo, agafata inzira, agahinguka abonye igihenda baja.”

(Tu la laisses avec les enfants quand tu pars travailler, mais elle s’éclipse et ne revient qu’à la tombée de la nuit.)

Ah bon ? Donc en plus de devoir porter et accoucher les enfants, elle doit les élever seule… pendant que Monsieur part au travail en chef de famille accompli. Mais visiblement, cela ne suffit pas : Madame est une ingrate, une irresponsable, une femme qui ne sait pas où est sa place.

Et puis, l’accusation classique :

« Ukamuha imodoka, agasimba akayanka :’’Oya, data, je nishakira indege.’’ »

(Tu lui offres une voiture, elle la refuse en exigeant un avion.)

Bien sûr, parce qu’une femme d’aujourd’hui ne rêve que de l’extravagance. Peut-être que si on lui offrait la lune, elle exigerait le soleil ! Et, en plus d’être matérialiste, elle doit être stupide et ingrate pour refuser tout ce qu’on lui donne…

Puis vient l’apothéose 

“Umugore nya mugore ntiyishinga ikizungu, atuka umugabo… yogumana umutima wo kubaka.”

(La vraie femme ne se laisse pas corrompre par la modernité, elle garde en elle le cœur de construire son foyer.)

Construire un foyer ? Traduction : une femme doit savoir endurer. Peut-être qu’à une époque bénie, elles posaient elles-mêmes les briques du mariage, tout en chantant des louanges à leur cher époux ? Ou bien est-ce une façon de dire qu’aujourd’hui, les femmes n’acceptent plus de tout supporter en silence ? Le message est clair : une « vraie » femme, une « bonne » épouse, ce n’est pas celle d’aujourd’hui, mais celle d’hier.

«Umugore w’ubu…» (La femme d’aujourd’hui…)

Nous voilà donc dans un monde terrifiant où les femmes ne connaissent plus la retenue, où elles osent dire non, où elles refusent d’être des objets décoratifs. Quel drame, n’est-ce pas ?

Eh bien non, cher Nikiza David. La femme d’aujourd’hui n’a plus envie de subir. Elle ne veut plus être cantonnée à la cuisine ou aux tâches ménagères. Elle refuse d’être jugée selon des critères poussiéreux dictés par un patriarcat nostalgique.

Ce qui est fascinant dans cette chanson, c’est qu’elle reflète une vision idéalisée et sélective du passé. Parce que non, les femmes d’autrefois n’étaient pas toutes des saintes au foyer, et non, celles d’aujourd’hui ne sont pas toutes des dévergondées ingrates. Mais qu’importe la réalité, tant que la mélodie est entraînante et que le message passe bien…

Un classique oui, mais pas intouchable !

Bien sûr, Umugore w’ubu reste un classique de la musique burundaise. Une chanson qui a bercé des générations, qui a fait danser, chanter, rire. Mais il est aussi sain de la questionner, de la mettre en perspective. Parce qu’être une légende musicale ne signifie pas être au-dessus de la critique, et qu’en tant que femmes, nous avons bien le droit de lever un sourcil (ou les deux) face à des paroles qui nous peignent comme des caricatures.

Et le plus tragique dans tout cela ? Voir certaines femmes chanter cette chanson en karaoké, se trémousser sur sa mélodie sans même prendre le temps d’en écouter réellement les paroles. Parce qu’au fond, une mélodie entraînante peut tout faire oublier… même l’insulte qu’elle véhicule.

Alors, merci pour la musique…, quant au message, on va gentiment (pour le respect, parce qu’au moins, c’est ce qui nous reste) laisser couler. 

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (4)

  1. Bonjour Sun Kirei, je me permets de réagir par rapport à votre texte. C’est bien de rappeler aux lecteurs de votre site que NIKI Dave fut une virtuose mais vous lui faites un mauvais procès, j’espère que vous ne le faites pas avec de mauvaises intentions. Ci-dessous ce que vous devriez garder à l’esprit.
    Pour mener une analyse rigoureuse, il est indispensable de tenir compte du contexte dans lequel l’objet d’étude a été créé. Faute de quoi, on risque de s’écarter du sujet. Comment prétendre saisir toutes les nuances d’une chanson écrite il y a plus de 30 ans, bien avant que les idées féministes importées d’Occident ne commencent à influencer la gouvernance mondiale ? Ces concepts, que de nombreuses militantes féministes burundaises, selon moi, ne semblent pas pleinement appréhender dans leurs enjeux, leur origine ou leurs nuances, constituent néanmoins le socle de votre réflexion.
    Niki Dave n’était pas seulement un chanteur et un compositeur. C’était un artiste d’exception, un véritable virtuose qui mérite le respect. Attention, je ne dis pas qu’il est interdit de critiquer ses œuvres. Toute création, même celle d’un grand artiste, est sujette à la critique. Mais encore faut-il que celui qui s’en charge en ait les compétences nécessaires. À mon sens, votre réflexion montre que ce n’est pas votre cas.
    J’espère ne pas vous heurter dans votre fierté.
    Dan !

    1. Bonjour Madame, Bonjour Monsieur,
      Madame a sorti la chanson de son contexte et du temps de la sortie de la chanson. Nick dave a raconté son histoire propre et elle ne peut pas etre mise en cause maintenant. Ceci rend le commentaire de la bloggeuse hors propos.
      Chaque femme est unique: travailleuses, sages et responsables il y en a. Frivoles, presseuses et matérialistes, c’est plein aussi.
      Le féminisme est un courant dangereux si on n’est pas réaliste.

    2. Bonjour M. Dan Ndihokubwayo. Merci pour votre commentaire qui témoigne de votre intérêt pour le sujet traité concernant la chanson  »Umugore w’ubu » du regretté David Nikiza. Justement Yaga est un espace d’échange d’idées. A ce titre, il donne souvent l’opportunité à ses lecteurs de publier leurs opinions qu’il juge pertinentes. Nous serions ravis de publier votre réaction par rapport au texte qui a été publié. Si vous êtes intéressé, pourriez-vous élaborer votre commentaire et nous l’envoyer à l’adresse : [email protected]

  2. Sincèrement ndakubwire ? Iyo butaba ubuzima bwagoranye, ma femme ne travaillerait akazi kamufata umwanya nk’uwo akanje kantwara. Yokoze akazi où elle est libre de mouvements. Connexion hagati y’abana n’umu maman ntaho isa isaniye n’iy’abo n’umu papa. La maman est très spéciale dans l’éducation des enfants. Sinshigikiye vyose ivyo Nick yariko aravuga vyose mais je prend certains aspects nko kurera. Ego le papa doit être là mais la maman doit être plus présente gusumba. Quand c’est l’inverse si sawa cane.