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Thanatopracteur : un métier loin d’être anodin

Parmi les métiers les plus curieux du monde, celui de thanatopracteur en fait partie. Dans ce papier, une blogueuse va à la rencontre de ceux qui travaillent à la morgue. En quoi consiste leur travail ? Et surtout, quels sont les défis de ce métier ?

Il est 14 heures. Il n’y a plus beaucoup de monde dans les enceintes de l’hôpital. C’est avec le souffle court et les fesses serrées que je pénètre dans cet endroit singulier qui regorge de corps sans vie : la morgue. Il y fait, c’est le cas de le dire, un froid de mort. En me voyant, deux hommes me disent gentiment d’approcher comme si j’allais prendre la poudre d’escampette à tout moment. Le pas hésitant, j’avance vers les deux hommes qui sont à première vue des thanatopracteurs.

Amisi, le plus jeune, a quelques mois d’expériences dans le métier. Volontiers, il me fait visiter les lieux. Je vois des gros frigos, autrement dit, des cases réfrigérantes dans lesquelles les morts sont conservés à une basse température. Le travailleur ouvre soudainement un des frigos. J’étouffe un cri, des frissons parcourent mon corps en voyant les corps sans vie rangés verticalement, totalement engloutis par des draps ou des pagnes. Un air glacial et une effroyable odeur s’y dégagent. Il me montre également d’autres frigos plus étroits où loge un seul corps. Ma vision s’arrête sur des petits corps, ceux des nouveau-nés qui reposent avec des adultes par manque de place. Il pointe dans un coin, un corps couvert d’un drap sur un petit lit, attendant qu’une place se libère dans le frigo. 

Pour clôturer la visite, il me montre les logements des travailleurs de la morgue, deux chambres près de là où logent les corps. Je sors de cet endroit, totalement bouleversée. 

Thanatopracteur, au plus près des morts

Edmond, le travailleur qui est resté dehors, proche de la cinquantaine, me dresse la façon dont leur travail est organisé. Le personnel soignant qui est basé dans l’hospitalisation, les urgences ou le bloc opératoire les appelle via un code pour signaler un décès. Ensuite, le travailleur de la morgue se munit d’un brancard et va chercher le défunt au lieu indiqué pour l’acheminer à la morgue si les places sont disponibles. En cas de demande de la part de la famille du défunt, il nettoie le corps et l’habille proprement avant de le conserver dans la chambre mortuaire.

S’il n’y a pas assez de places pour conserver le mort, une bataille houleuse peut parfois s’entamer entre la famille du défunt et les travailleurs de la morgue. À ce propos, ajoute Edmond « des fois, les proches du disparu refusent de conduire le défunt dans une autre morgue. Nous cherchons alors un endroit à même le sol où nous abritons le mort en entendant qu’une place se libère. »

Il y a même des défunts qui ne sont pas réclamés par leurs proches : « À titre d’exemple, nous avons un homme qui est décédé, il y a presque deux mois, et personne ne le réclame. Dans ce cas, nous fournissons un rapport. Ensuite, l’hôpital passe un communiqué à la radio à propos du défunt. Si pas de signes de ses proches, l’hôpital s’organise pour enterrer le mort, afin de libérer les places à la morgue ».

Un salaire de misère …

Les deux thanatopracteurs sont formels sur la problématique liée au salaire insuffisant. « Notre salaire de base est de 28 000 Fbu le mois. Avec les gardes de nuit, le salaire peut aller jusqu’à 100 000 Fbu. Tenez, j’ai une famille à nourrir et un logement à louer. Cet argent n’est pas à la hauteur de mes besoins ! », se plaint Edmond.

Ce n’est pas tout. Le métier de thanatopracteur est loin d’être commode. Souvent, ils sont victimes de moquerie. Les gens aux alentours n’hésitent pas à les dénigrer : « Umengo mbonye umuzimu » (On dirait un fantôme, Ndlr) disent certains. Selon eux, peu osent mettre les pieds à la morgue en dehors des funérailles.

Certes, c’est un travail pénible et effrayant, mais fréquenter ce service a eu un impact positif dans leur vie : « Agacupa naciye mpeba ! » (J’ai abandonné la bière, Ndlr), confie Edmond. En effet, l’alcool et leur service ne font pas bon ménage. Ils me relatent un fait anecdotique. « Il y a quelque temps, un ancien travailleur de cette morgue a transporté un corps alors qu’il était ivre. Il a fait tomber le corps par terre. En voyant cet incident, les gens l’ont battu et il a été renvoyé. », raconte Amisi avec un brin d’humour.

En somme, résument les deux thanatopracteurs, le service de la morgue exige de la discipline, de la délicatesse et beaucoup de patience dans des situations de tensions avec les familles éprouvées.

 

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