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Six putschs pour une élection

Damien Glez, dessinateur régulier pour Waza et directeur de publication du journal satirique Le Journal du Jeudi à Ouagadougou, livre son analyse sur le Burkina Faso. Un pays qui, par la force de son peuple, met fin aux décennies d’une vie politique militarisée.

Le Burkina Faso, littéralement le pays des Hommes intègres, n’a pas de culture de violence politique, interethnique ou interreligieuse. Mais ce pays aux habitants affables a bien d’autres préoccupations puisqu’il considéré par le Programme des Nations unies pour le développement (le PNUD) comme l’un des 5 pays les plus pauvres du monde.

Sixième putsch

Les Burkinabè ne brandissent pas de machettes face à leurs compatriotes d’autres ethnies. Ils ne bastonnent pas les militants des partis politiques adverses. Ils ne provoquent pas leurs voisins sous prétexte qu’ils choisissent d’autres confessions religieuses.

Pourtant, le coup de force tenté, le 16 juillet dernier, par le général Gilbert Diendéré, est le sixième putsch militaire depuis l’indépendance de la Haute-Volta, en 1960. Une Haute-Volta qui, même devenue république à plusieurs reprises, n’a jamais connu d’alternance démocratique.

Voilà la source des malheurs politiques burkinabè : la politisation perpétuelle des forces armées et donc la militarisation de la sphère politique.

Une histoire politique militaire

En 1966, au seul président civil voltaïque, Maurice Yaméogo, succède, après renversement, un général qui sera renversé par un colonel qui sera renversé par un commandant qui sera renversé par des capitaines qui se renverseront entre eux, avant que l’un d’eux, Blaise Compaoré, après 27 ans de pouvoir, soit chassé par des foules aux mains nues, en octobre dernier.

Sans doute le sommet de l’État, toujours en période dite de « transition », n’avait-il pas été suffisamment purgé, dans sa dimension sécuritaire, de toutes les forces de nuisance de ce régime déchu. Les autorités transitoires n’avaient pas pu se résoudre à dissoudre la garde prétorienne de Compaoré, le régiment de sécurité présidentielle (RSP).

Depuis un an, alors que le pays s’acheminait vers des élections devant se tenir le 11 octobre, le spectacle des rivalités de treillis continuait. D’un côté du ring se tenait le Premier ministre lieutenant-colonel Isaac Zida, ancien numéro 2 du RSP mais émancipé de ce corps. De l’autre côté, on trouvait le RSP et, tapis dans l’ombre, son ancien patron, le général Gilbert Diendéré. Le reste de l’armée, lui, était composé de soldats frustrés par la carence de moyens et le manque de respect de la garde prétorienne.

Insurrection parachevée

Gilbert Diendéré, cité directement dans des affaires d’assassinats comme celui du président Thomas Sankara en 1987, aura donc tenté le énième putsch burkinabè, pour assurer ses arrières, en complicité supposée avec des pontes politiciens de l’ancien régime. Mais il se sera cassé les dents.

Le peuple burkinabè, avec la pression dissuasive des militaires loyalistes, aura enfin parachevé son insurrection populaire d’octobre 2014. Une insurrection aux airs de printemps arabe et sans équivalent en Afrique noire.

Tout porte à croire que ce peuple trouvera, sous son sapin de Noël, son premier président issu des urnes.

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