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La RN 3 et ses amazones du commerce ambulant

Le commerce ambulant auprès des passagers à bord des voitures en voyage semble être la chasse gardée des hommes. Cependant, sur la RN 3, la réalité est tout autre. Ce sont les femmes qui mènent la danse pour ce commerce dynamique et risqué. Ce blogueur, empruntant régulièrement cette route, partage son admiration pour ces dames courageuses.

Pour des raisons professionnelles, je suis devenu un voyageur fréquent sur l’axe routier Bujumbura-Rumonge (RN 3). Pour moi, l’excitation de ces voyages réside dans le fait d’être attendu à l’autre bout par ma famille, mes amis et mes collègues. Pour honorer leur attente, je m’impose certaines exigences. A l’image d’un chasseur rentrant avec un gibier, je dois rapporter quelque chose.

D’ailleurs, en rentrant sur Bujumbura, je ne manque jamais de rappels pour ramener au moins des oranges, des mandarines ou de la patte de manioc battue (uburobe), surtout que ces produits sont bon marché dans la région. C’est précisément de l’achat de ces denrées dont je souhaite parler ici.

Nous faisons ces emplettes auprès des commerçants ambulants proposants leurs produits directement à bord ou depuis les fenêtres des véhicules. Voici ce qui m’a subjugué avec ce commerce qui, ailleurs, semble être la chasse gardée des hommes : la prédominance de la gent féminine.

A l’aise avec ce business

En observant de plus près ce petit commerce, on remarque facilement qu’il existe une sorte de convention tacite entre les chauffeurs, les passagers et ces commerçants. Sur cette route, des points incontournables pour s’approvisionner sont connus. Quand on s’approche des localités de Gitaza, Magara, Kagongo ou de Minago, j’entends fréquemment ce rappel du convoyeur invitant les passagers à préparer leur argent pour ne pas perdre du temps : « Mushire amafaranga avunje hafi dukoreshe umwanya !» (Soyez près avec votre argent pour ne pas perdre du temps)

Prenons l’exemple du centre de Magara où le bus ne peut pas passer sans s’arrêter. Dès que le véhicule ralentit, une ruée de commerçantes se précipite. C’est une véritable compétition pour arriver en premier aux fenêtres. Elles proposent diverses denrées soigneusement posées en équilibre stable sur les plateaux qu’elles portent sur la tête ou à hauteur des épaules.

Le marchandage se fait en un clin d’œil. Nous sommes tous conscients que nous n’avons pas beaucoup de temps pour faire les achats. C’est là que j’admire la façon de faire de ces dames. Leur pouvoir de persuasion est exceptionnel. Les unes vous regardent droit dans les yeux, vous expliquent d’une voix insistante que ses fruits sont les plus sucrées, que la patte est de la meilleure qualité. A la moindre réticence du client, les autres se précipitent pour supplanter les premières. La compétition est féroce. Lorsque le véhicule  redémarre, celles qui n’ont pas encore terminé leurs transactions suivent la voiture en courant pour récupérer l’argent ou reprendre leurs produits.

Un jour, émerveillé, j’ai fait à haute voix une remarque sur la bravoure de ces commerçantes, m’adressant à l’une d’entre elles à travers la fenêtre du bus. Elle m’a répondu sans sourciller : « Nta mugore aba hampande ya Tanganyika atokerebuka !» (Une femme qui vit près du lac Tanganyika doit savoir se débrouiller).

 

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