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Retrouver la chaleur du foyer après la mort du conjoint : le chemin de croix des veuves

Au Burundi, une certaine culpabilité pèse sur une veuve lorsqu’elle souhaite aimer à nouveau. Un jugement sévère que la communauté ne lui épargne pas. Pourtant, les hommes veufs, eux, se remarient sans difficulté, ‘’kugira baronke uwubasha kurera abana’’ alors que les femmes, elles, se heurtent à des préjugés et à une profonde solitude. Il serait peut-être temps de remettre en question ces normes injustes, et de reconnaître que le droit à l’amour et au bonheur est universel, quelles que soient les circonstances.

La souffrance d’une veuve devrait être accueillie avec empathie. Pourtant, la société lui inflige souvent une peine supplémentaire : le jugement. Les femmes qui ont perdu leur mari sont fréquemment perçues comme des parias, contraintes de vivre dans l’ombre d’un passé révolu. À l’inverse, les hommes veufs se remarient sans que cela ne soulève la moindre critique. Cette double norme met en lumière une injustice criante, où l’amour et le bonheur des femmes sont perçus comme des fautes. Pourquoi la société choisit-elle de blesser davantage celles qui portent déjà une douleur si lourde ?

Un deuil, puis une condamnation sociale

Lorsque la mort frappe un foyer, le chagrin devrait suffire. Mais pour les veuves burundaises, la douleur ne s’arrête pas là. Elles doivent se reconstruire, assumer à nouveau leurs responsabilités familiales, souvent dans un isolement accru. Dans de nombreuses régions du pays, une veuve reste perçue comme « la femme de quelqu’un », même si cet homme n’est plus. Se remarier est alors considéré comme un acte de trahison, une honte pour la famille du défunt, voire pour la communauté tout entière.

Les regards deviennent pesants, les murmures blessants :

« Elle n’a pas attendu. »

« Elle oublie trop vite. »

« Elle salit la mémoire de son mari. »

Noëlla*, 32 ans, veuve depuis quatre ans, témoigne :« Après l’enterrement de mon mari, j’ai compris que ma vie ne m’appartenait plus vraiment. Ma belle-famille m’a dit que je devais rester fidèle à sa mémoire. Quand j’ai essayé de refaire ma vie, on m’a traitée de femme sans honneur. Ils m’ont même menacé de me retirer mes enfants si je me remariais. »

Cette pression sociale pèse lourdement sur les épaules des veuves, les enfermant dans un cycle de souffrance et de silence.

Le veuf, lui, a tous les droits

Dans la tradition burundaise, il est courant qu’un homme veuf se remarie rapidement, parfois avec une parente de sa femme décédée ou une autre jeune femme de la famille. Ce geste est perçu comme naturel, nécessaire, presque attendu pour le bien-être des enfants et la continuité du foyer. Le veuf n’a ni à se justifier, ni à redouter le regard des autres.

Le contraste est saisissant. Éric*, 42 ans, veuf depuis deux ans, confie :« Juste après l’enterrement, on m’a conseillé de me remarier rapidement, pour que mes enfants aient une mère. On m’a même proposé la petite sœur de ma défunte épouse. Personne ne m’a jugé. Au contraire, on m’a félicité d’avoir su tourner la page. »

Mais si une veuve choisit de refaire sa vie, ses enfants n’ont-ils pas, eux aussi, besoin d’un autre père ?

D’où vient cette injustice ?

Cette inégalité trouve ses racines dans le patriarcat et des traditions ancestrales. Une femme mariée est souvent considérée comme la propriété de la famille de son mari. Même veuve, elle reste sous l’autorité morale de sa belle-famille. Refaire sa vie selon ses choix signifie souvent risquer de perdre ses enfants, ses biens, voire d’être rejetée par sa communauté.

Cette stigmatisation n’est pas sans conséquence. Le rejet, la culpabilisation, le silence rongent leur dignité et leur espoir. Et pourtant, la société ferme les yeux sur ces souffrances, préférant perpétuer des normes devenues obsolètes dans un monde en pleine évolution.

Changer les mentalités…

Rappelons-le : pour une veuve aussi, aimer à nouveau, se reconstruire, rechercher le bonheur ne sont pas des crimes. Elle a le droit de rêver à une nouvelle vie, de faire des choix, de retrouver la joie.

Il est temps que la société burundaise regarde ses veuves autrement : non comme des coupables, mais comme des femmes fortes, dignes de respect et de soutien. Les associations de défense des droits des femmes, les leaders religieux et communautaires, les médias, ont un rôle crucial à jouer pour sensibiliser, éduquer et accompagner ce changement de regard. Brisons les chaînes des traditions injustes. Aimons, respectons, soutenons nos mères, nos sœurs, nos filles, pour qu’elles puissent, elles aussi, aimer à nouveau sans honte ni peur du jugement.

 

 

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