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La Res Publica Vs les motos du « kuzimu »

Est-il prudent pour un politique, qui plus est, est un élu du peuple, d’évoquer ses croyances religieuses pour expliquer ou justifier une décision de l’exécutif ? N’est-ce pas tourner le couteau dans la plaie, quand cette décision a été ‘‘acceptée’’ dans la douleur ?  Ce blogueur s’interroge sur la dernière sortie médiatique du président de l’Assemblée nationale (AN).

Une vidéo du président de l’Assemblée Nationale en pleine séance de moralisation a laissé pantois certains internautes. L’honorable Gélase Ndabirabe a laissé entendre que certains conducteurs de motos viendraient du ‘’kuzimu’’ (des entrailles de la terre ou de l’enfer,  difficile de trouver le bon terme) parce qu’ils osent circuler sans aucun document exigé. Il a enfoncé le clou avec un « témoignage », rapporté par une dame pasteur, d’une commerçante de motos qui est revenue du ‘kuzimu’’. Certaines motos viendraient du ‘’kuzimu’’ et sont donc aussi maléfiques que les motards qui les conduisent, à l’entendre parler. « Si vous brûlez 300 motos aujourd’hui, il y en a 300 autres ou plus qui apparaissent le lendemain », aurait affirmé la commerçante, selon les dires du président de l’Assemblée Nationale.

‘‘L’enfer c’est les autres’’ ?

Je dois dire que j’ai été interloqué par les propos de l’élu du peuple pour deux raisons : le moment ou le timing de cette sortie médiatique et le statut du destinateur du message, en l’occurrence le chef du législatif burundais. D’une part, on le sait, une mesure plutôt sévère cantonnant les taxi-vélos, les motards et les conducteurs de tuk tuk dans les faubourgs de Bujumbura vient d’être prise par le ministère ayant la sécurité publique dans ses compétences. Mais pour autant, faut-il jeter l’opprobre sur ceux qui exerçaient ces métiers qui vont sûrement tomber dans la précarité ? Quand bien même ils ont des zones de circulation qui ont été délimitées, ne vont-ils pas avoir des problèmes parce que les gens des endroits où ils sont obligés de travailler vont les soupçonner d’être des revenants qui ne veulent que leur faire du mal ?  Quel est l’intérêt du chef du Parlement à instiller une certaine dose de mysticisme dans cette affaire ?

D’autre part, le rôle de l’Assemblée Nationale est d’élaborer et/ou voter des lois qui régissent la Res publica (la chose publique). Son autre rôle, et pas les moindres, est de contrôler l’action du gouvernement pour voir si les lois qu’elle vote sont exécutées. En quoi cette prise de parole peut-il contribuer à l’accomplissement de ces tâches ?   L’honorable Gélase Ndabirabe maîtrise sûrement les lois de la république plus que nous parce qu’il est parmi ceux qui les votent. Il sait forcément que le Burundi est une république laïque et respectant, entre autres, la diversité religieuse, parce que  c’est le premier article de la Constitution du Burundi.

La passion et la politique font rarement bon ménage

Il est vrai aussi qu’un Burundais, mandataire politique ou pas, a le droit de choisir son appartenance religieuse, ça aussi c’est la Constitution qui le dit. Mais il ne faut pas oublier que quand on est élu pour un mandat politique, on n’est pas élu par ses coreligionnaires (on a peut-être été élu par les athées, les agnostiques ou abasohoke, c’est-à-dire ceux qui n’ont plus foi dans les religions), mais par tous les Burundais, parce que le mandant d’un parlementaire est national. La religion relève de la sphère du privé, du coup on se demande si c’est bon d’étaler ses croyances religieuses dans des réunions publiques quand on est un mandataire politique.

On dit souvent que la politique fait rarement bon ménage avec la religion. Certains (dont un certain Emile Durkheim ou encore Max Weber) ont des points de vue nuancés sur ce sujet. Les dirigeants des démocraties s’efforcent, autant que faire se peut, de séparer la politique de la religion dans la sphère publique. La religion fait appel à la passion. Mais la passion en politique n’a jamais été bonne. Parce qu’avec la passion, celui avec qui on ne partage pas une vision, une idée ou une croyance devient un apostat, un hérétique ou un renégat bon pour la potence. Comme l’a suggéré l’autre, prions. Prions pour que cela n’arrive pas….ou plus chez nous.

 

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Les commentaires récents (1)

  1. Eh, oui, on ne donne jamais ce que l’on n’a pas (sauf pour le cas des entreprises étrangères dans les mines en Afrique…). Le législatif convaincu de ces croyances dont je ne puis juger la véracité ou l’arnaque, en fera même une ligne politique… Pourquoi pas? Voyez où nous en sommes: dites « n’amaki », on vous répondra « turashima (Yesu) »… Et ceux qui conseillent ce changement sont aussi ceux qui ont répandu l’histoire des gens qui vont quelque part « mu kuzimu »… Irya ntiyize arabahenda… N’ivyo yahawe n’amashetani… Ça devrait nous interpeler depuis longtemps