De 2005 à 2020, Pierre Nkurunziza a présidé aux destinées du Burundi. Durant ses quinze ans de pouvoir, sa province natale de Ngozi connaît un développement rapide. Après son décès, survenu le 8 juin 2020 des suites d’une crise cardiaque, Ngozi n’est plus la même. Originaire de la même province que le président Nkurunziza, ce blogueur se rappelle de ce qu’il appelle l’âge d’Or de Ngozi.
Ma première rencontre avec Pierre Nkurunziza remonte à 2006. C’est un après-midi. Une foule immense est entassée le long de la RN1 qui traverse Ngozi vers le Rwanda. Ce jour-là, Nkurunziza se rend (si mes souvenirs sont bons) dans l’une des localités de Ngozi. Ce qui rend cette rencontre si spéciale pour moi, c’est que le président se déplace à vélo. Un président de la République se déplaçant à vélo ? C’était du jamais vu au Burundi.
Comme le reste de la foule, j’attends son passage avec impatience. Une vingtaine de minutes à attendre, son cortège passe – deux ou trois véhicules. Même pas une minute après, j’aperçois de loin un homme sur un vélo portant une combinaison de cycliste. Casque vert (je m’en rappelle très bien), un haut en noir et blanc et le bas entièrement en noir. C’est un spectacle inhabituel. Il passe doucement devant nous : la foule réplique par des salutations, lui aussi fait la même chose. Puis, il s’éloigne doucement.
Nous ne le savions pas encore, mais Ngozi allait changer de visage.
L’impact
Ma deuxième rencontre avec Nkurunziza remonte à 2012. Cette fois-ci, c’est dans un stade Urukundo flambant neuf, à Buye, son lieu natal, que je vois Nkurunziza de près. Je suis dans la tribune. Après un match de football, le président prend congé et il passe à quelques dizaines de mètres, toujours les mains en l’air, affichant son sourire habituel, saluant la population.
Cette rencontre se déroule dans un contexte particulier pour les natifs de Ngozi : vers les années 2010, cette province connaît un essor économique important. De nouveaux quartiers voient le jour, ici je pense à la fameuse Kinyami II. Je me rappelle quand nous quittions l’école, on passait dans ce quartier, autrefois cimetière, émerveillé de voir les immenses villas qui sortaient de terre.
De nombreux commerçants de Ngozi ont fait fortune durant les années Nkurunziza. Avec une population dynamique et commerçante (souvent composée de Burundais venus des provinces avoisinantes : Kayanza, Kirundo, Muyinga, etc.), Ngozi va profiter du passage de Nkurunziza d’autant plus que ce dernier ne cessait d’appeler les autorités à investir chez eux avec sa fameuse expression : « Uwukize akiza iwabo » (« celui qui devient riche développe sa région natale »).
De nouveaux hôtels, bâtiments administratifs, routes (Ngozi deviendra l’une des premières provinces du Burundi à se doter de routes pavées), etc.
La dernière fois que j’ai rencontré Nkurunziza, le pays vivait un moment important de son histoire.
Et 2015 vint…
Au mois de mai, le 13 exactement, on entend qu’il y a eu un coup d’État contre Pierre Nkurunziza. Pendant quelques heures, nous qui vivions à des centaines de kilomètres de Bujumbura, assistions aux événements sans réellement comprendre tout ce qui se passe.
Comme beaucoup de Burundais, nous avions peur que quelque chose de plus dangereux puisse arriver. Le Burundi est imprévisible.
Cependant, vers le soir, nous recevons des informations ici et là, que le coup d’État a avorté.
Le matin, le 14 mai, des rumeurs circulent que le Président serait de retour et qu’il allait passer par Ngozi en se rendant à Bujumbura. Et la nouvelle s’avère vraie. Feu Nkurunziza est accueilli en liesse. Les femmes dressent des pagnes sur sa route, les enfants crient, on joue de la musique qui célèbre l’homme politique. C’est la dernière fois que je vois de mes propres yeux, et de près, Pierre Nkurunziza. Quelques années, exactement le 8 juin 2020, nous apprenons son décès.
Faire comme Nkurunziza, mais en mieux
Pierre Nkurunziza a marqué l’histoire du pays en général et de Ngozi en particulier. Un sentiment de fierté circulait même entre nous, les natifs de cette province. Et c’est normal. Nous avions vu un homme construire des écoles, danser lors des nombreuses croisades qu’il organisait, jouer au football avec la population, etc.
Malheureusement, après son passage, il y a une impression que Ngozi marque le pas. L’activité économique semble avoir ralenti même si la 3ème ville du pays reste un centre de négoce très important. Son développement est la preuve qu’avec de la volonté, un homme ou une femme peut apporter tant là où il est né.
La plupart de nos dirigeants et hommes d’affaires ne viennent pas de Bujumbura. Construire une route pour les riches nichés dans les quartiers huppés de la capitale économique, c’est bien, mais il y a moyen de faire mieux. Une bibliothèque, une école, un centre de santé sur sa colline natale, c’est encore plus intéressant ?
Si Pierre Nkurunziza l’a fait, d’autres peuvent le faire. Certes, il était le Président, mais il n’est pas le seul. Son successeur lui emboîte le pas, car Kw’Ibubu et Kibimba ont le vent en poupe. Il ne reste qu’à la population de prendre soin de ce que ces hommes de pouvoir ont construit. Feu Nkurunziza reste la preuve vivante que sous l’impulsion d’un homme, la population peut se surpasser et rêver d’un avenir prometteur.