Le lieutenant-général Adolphe Nshimirimana a été assassiné ce dimanche. Ce drame risque d’envenimer une situation sécuritaire déjà tendue. Le blogueur Armel Gilbert Bukeyeneza tire la sonnette d’alarme sur les implications du crime.
C’est peut-être la plus grande tragédie du pouvoir de Bujumbura durant ses dix ans de règne. Adolphe Nshimirimana, ancien patron des services de renseignements et véritable éminence grise du système Cndd-Fdd, a été assassiné la matinée de ce dimanche 2 août. Cette date risque de devenir historique dans la crise que le Burundi traverse depuis quelques mois autour du troisième mandat controversé de Pierre Nkurunziza.
Il est trop tôt pour élucider les contours du crime. « Les enquêtes ont commencé », nous a-t-on promis. Ce qui n’empêche pas pour autant les Burundais de jouer leur carte favorite de la spéculation. Des dizaines de versions défient déjà celle, officielle, d’un assaillant qui a tiré à la roquette sur le véhicule du Général. Soit. Le mal est fait. La suite semble beaucoup plus inquiétante.
Faut-il ethniciser le drame ?
On l’a vu, entendu et lu. Certaines âmes qui pleurent la mort d’Adolphe Nshimirimana voient derrière le crime un Général victime de la haine ethnique. Sauf que, dès le début de cette impasse politique, les tentatives de jouer avec la fibre ethnique ont été innombrables, mais ont toujours été niées par le terrain. Ce ne sont pas uniquement les quartiers de Ngagara, Musaga et Nyakabiga, réputés pour être majoritairement tutsi, qui étaient dans les rues pour contester le troisième mandat de Pierre Nkurunziza.
De surcroît, au-delà du combat pour le respect des principes démocratiques, il a été démontré que cette crise trouverait ses racines profondes dans les réalités économiques du pays. Cette thèse balaie d’un revers de la main toute ethnicisation du conflit et ses corollaires.
Faut-il se réjouir ?
Non, je ne crois pas. Toute vie est sacrée. Personne ne mérite la mort. Pourtant, cela n’a pas empêché certains de crier victoire. L’on se demande où était passée la valeur sacrée des Burundais : le « respect des morts ».
Quel message propager alors ? Il ne faut pas le taire non plus : le nom du défunt a été célèbre durant ces dix dernières années, trempé dans beaucoup de dossiers de violation des droits humains. Aucune lumière n’a été faite sur ces affaires. Il n’a jamais été interpellé, ne fût-ce que pour les enquêtes.
Pouvons-nous dire que cette joie, ces rires de certains Burundais, serait l’expression d’une soif non assouvie de justice indépendante au Burundi ? Plausible.