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« Père inconnu », et toute une vie perturbée

Il est difficile de trouver une raison valable à ces géniteurs qui disparaissent sans laisser de traces, délaissant les mamans et leurs enfants. À travers ces lignes se dressent les mésaventures d’Anita* (nom d’emprunt) dont le paternel s’est volatilisé depuis sa naissance.

Anita est une fille unique. Petite, elle remarque qu’il manque une figure paternelle dans sa vie. Elle s’en rend compte en rendant visite à ses amis de Kiremba dans la province de Ngozi. Sa mère travaille beaucoup, elle n’est pas souvent à la maison. Un jour, en l’accompagnant aux champs après maintes hésitations, elle lui pose la question fatidique : « Data wanje arihe ? » (Où est mon père?) Une question à laquelle elle répond, braquée, qu’il est parti travailler à l’étranger. « Quand va-t-il revenir ?», insiste Anita. La petite fille déjà mature comprend que c’est la question de trop car sa mère ne pipe mot. Elle n’ose pas lui demander pourquoi il n’est jamais rentré. Depuis, elle a élaboré plusieurs hypothèses qui pourraient justifier la raison de son départ. Une vaine torture…

Un malheur ne vient jamais seul…

À l’âge de 10 ans, une maladie emporte sa mère. Elle meurt en recommandant à sa fille unique d’aller vivre chez son oncle, à Gitega. Anita grandit en essayant d’esquiver les questions de ses camarades sur son père. Dans les décombres de son enfance, elle ne se souvient même pas de sa présence.

Très vite, vers l’adolescence, une terrible rumeur se répand autour d’elle. La rumeur dit qu’elle est le fruit d’un inceste. Son père ne serait nul autre que le frère de sa mère, son oncle maternel qui l’héberge.

Ebranlée par la nouvelle, Anita reste clouée dans sa chambre pendant des jours. Ses larmes n’en finissent plus de couler. Elle est déprimée et se sent “sale” du fait des circonstances de sa conception. Au bout d’une semaine, elle se décide d’affronter son oncle qui nie tout en bloc. Fâché, il lui dit que c’est un blasphème et qu’elle devrait avoir honte de croire à un affront pareil. 

Tiraillée entre le doute et le chagrin, elle quittera la maison de son oncle pour chercher du travail à Bujumbura. Une connaissance à elle la recrutera comme agent Lumicash. Puis un dimanche matin, son téléphone sonne. Numéro inconnu. Quand elle décroche, c’est la voix d’une femme qui se présente comme étant une amie de longue date de sa mère. Elle lui promet de lui dire toute la vérité sur ses origines.

De la lumière enfin sur ses origines

Dans un bar situé au centre ville, la jeune fille de 19 ans espère trouver les réponses à ses questions qu’elle rumine depuis des années. Jeanne semble émue en voyant Anita qui possède les mêmes traits que son amie. « Que savez-vous sur mes parents ?», anticipe Anita afin d’étancher sa soif d’informations. Elle lui raconte qu’elle a grandi avec Mireille, sa maman avant de venir vivre à Bujumbura. « Quand j’ai quitté Ngozi, tu avais trois ans mais regarde la belle femme que tu es devenue.», débute Jeanne, émotive. Elle lui apprend que sa mère avait rencontré très jeune un homme tout droit venu de l’Ouganda. Chauffeur de profession, il était à Ngozi pour le travail. Les deux tourtereaux ont vécu un amour passionnel qui s’est soldé par la naissance d’Anita quand sa mère avait 15 ans. 

Sa mission terminée à Ngozi, son amoureux lui avait promis de revenir mais il n’est jamais revenu. Mireille, la jeune mère de 15 ans était désespérée. Elle avait dû affronter seule les insultes de ses parents et le regard réprobateur de la société. Hormis l’oncle maternel d’Anita qui vivait à Gitega, tous les autres condamnaient sa mère. Celle-ci s’était promise d’enterrer à tout jamais cet épisode dans les abysses de son âme. « Quand j’ai vu pour la dernière fois ta maman qui était hospitalisée à Bujumbura sur le lit de sa mort, elle m’a confié ce secret qu’elle n’a pas osé me dire à l’époque. Elle m’a ensuite fait promettre de tout te révéler quand tu grandiras.»

Depuis ce jour, Anita ne sait quel sentiment éprouvé sinon un vide dans son cœur pour ce père qu’elle n’a pas connu et qu’elle ne connaîtra peut-être jamais. Tandis qu’elle ressent un sentiment de gratitude pour son oncle si dévoué. Honteuse, elle regrette aujourd’hui de l’avoir accusé à tort.

Une nouvelle réforme qui ne satisfait pas

Cependant, les cas de pères inconnus sont assez fréquents. Le décret-loi Nº 1/024 du 28 avril 1993 portant réforme du code des personnes et de la famille (CPF) énonce, dans son  l’article 38, que l’obligation de déclarer la naissance incombe au père de l’enfant, à défaut du père, à la mère, à défaut du père et de la mère, à toute personne ayant assisté à l’accouchement. Ce texte prévoit même la procédure en cas de refus de reconnaissance de paternité par le père. 

Bien d’articles encadrent en détails l’enregistrement de l’enfant né à l’état-civil. De quoi faire dire à certains que certaines dispositions du CPF ont été remises en cause par ministre de l’intérieur, Martin Niteretse, qui a déclaré le 14 Juin 2023 à Kayanza qu’aucun enfant ne sera désormais enregistré à l’état civil sur un père inconnu sans la présence du chef de colline qui a fait l’enquête. Une annonce à prendre avec des pincettes d’autant plus que certains géniteurs prennent la poudre d’escampette, comme pour le cas d’Anita, sans reconnaître leur enfant. En plus de cela, il arrive, et ce n’est plus un tabou de l’évoquer, que des femmes à partenaires multiples ne sachent pas le père de l’enfant qu’elles portent ou qui est né pour des raisons qui sont évidentes. Est-ce aux enfants d’en pâtir, monsieur le ministre?

 

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Les commentaires récents (1)

  1. Yaga,j’ai une question ; pourquoi vous donnez l’information en langue maternelle (kirundi) sur Facebook alors qu’ici est en français ? C’est pas tout le monde que nous sommes capable de comprendre cette langue mes chers journalistes (français).