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Offre des soins et prière: une drôle de cohabitation.

Au Burundi, la religion s’incruste partout. Même à travers les murs des hôpitaux. Lorsque des patients sont entre la vie et la mort, toutes les bonnes volontés, mêmes miraculeuses, sont les bienvenues. Ils sont nombreux les gens qui viennent  prier pour ces malades sur le lit de l’hôpital. Si leur (omni) présence peut engendrer quelques inconvénients, peut-on concilier médecine et prière en milieu hospitalier ?

 Stagiaire dans un hôpital de Bujumbura, je m’habitue au fil des mois aux pas sereins du prêtre vêtu de sa longue soutane blanche et mauve et de ses sandales qui renferment des pieds couverts de chaussettes noires. Quand je le vois son calme ne m’amadoue pas, je flaire déjà l’odeur de la mort ou d’un mourant.

Ils sont nombreux ces patients guettant l’arrivée d’un coreligionnaire pour leur lire la bonne nouvelle et leur redonner ce qu’ils ont tendance à perdre: l’espoir.

Pas que des avantages

Ces envoyés du seigneur viennent parfois en groupe. Divine*, la vingtaine, membre d’un groupe de prière œuvrant dans les hôpitaux confie : « Une fois par mois, nous nous rendons dans les hôpitaux afin de prier pour les malades et nous leur apportons également des vivres. Ils sont réceptifs aux messages que nous leur transmettons. Beaucoup retrouvent la foi lors de nos prières et deviennent paisibles et sereins malgré le stade avancé de leur maladie. »

Les groupes de prière ne sont pas acclamés par tous. Jean*, un patient alité depuis deux mois dans des salles communes appelées « box » se méfie : « Chaque fois que je les vois approcher en groupe, je mets rapidement mon téléphone et d’autres biens de valeurs de côté. Il y a déjà eu des cas de vols par ces soi-disant diseurs de bonne nouvelle. Tous ne viennent pas avec une noble intention. » 

En tant que stagiaire, j’ai déjà assisté à des cas de lassitude. Comme cette fois, au moment d’une visite médicale et en compagnie d’un professeur et d’un groupe de médecins, nous avons trouvé la chambre bondée de monde qui priait de vive voix, les corps agités par l’exaltation. Le professeur, impatient, a ordonné à de les faire sortir et de leur répéter cette phrase : « Il y a un temps pour tout. »

Une telle anecdote est loin d’être un cas isolé.

Une influence bien au-delà de la prière

Pendant mes stages, il m’est arrivé de m’interroger sur l’impact de ces groupes sur les malades. Je m’explique. Lors d’une visite médicale, nous échangeons avec un patient âgé dont le pronostic est sombre. Ce malade nous renseigne qu’il souffre beaucoup et le médecin lui prescrit des antidouleurs mieux adaptés. A notre grand étonnement, l’homme refuse de changer le traitement qu’il suivait. La raison ? Les gens de son église lui ont certifié qu’il va bientôt guérir. Le médecin, impuissant, sera obligé de passer par son épouse pour le ramener à la raison.

Quant à elle, Gretta, une jeune catholique de 25 ans pense qu’il faut allier prière et médecine : « Les patients ont besoin de maintenir une relation avec Dieu pour traverser sereinement leur épreuve, d’où la nécessité d’un prêtre ou d’un groupe de prière. Il est vrai que les patients reçoivent un traitement adapté à leur maladie, mais ils ont tendance à désespérer, à avoir des idées noires, d’où l’intérêt d’une aide spirituelle. »

Certes, l’accompagnement spirituel des malades présente ses avantages mais elle ne devrait pas interférer avec l’offre des soins. Le respect des traitements administrés, des heures des visites médicales et le silence devraient être de rigueur en milieu hospitalier.

 

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Les commentaires récents (2)

  1. Et pourtant il y a quelqu’un qui a dit ceci : « Savez vous pourquoi à l’hôpital il y a moins de miracles de guérison qu’à l’église ? Réponse : parce qu’à l’hôpital il y a moins de comédie «