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Mwaro-Muramvya : des violeurs qui se la coulent douce

Bien que les auteurs de viol sont dénoncés et punis sévèrement, il y en a beaucoup qui ne purgent pas la totalité de la peine, et reviennent traumatiser les victimes. Reportage.

Il est presque midi au bureau de Cafob à Mwaro. Nous avons prévu d’y rencontrer les victimes. Tout comme le climat, l’atmosphère est morose. L’amertume se lit sur les visages des victimes venues se confier à Cafob. 

Diella*(nom d’emprunt) est venue avec sa maman depuis la commune Nyabihanga. Elle n’a que 12 ans. Plus d’une fois, elle a été violée par des hommes de l’âge de son père. La première fois, c’était en 2018. Profitant de l’absence de sa maman, son oncle, vivant dans les environs, viole Diella qui n’a alors que 8 ans. Une voisine ayant vu la petite sortir de la maison de l’oncle en pleurant, avertit la maman de Diella qui l’amène de suite à l’hôpital. Le violeur sera sanctionné d’une peine de prison à perpétuité, mais après 4 ans, il est actuellement libre : « Ça fait une semaine que je le vois circuler librement. Je suis traumatisée. Il peut recommencer », confie la maman. 

Comme si cela ne suffisait pas, un autre soir, le 13 mars 2023, Diella vient à peine d’avoir 12 ans. En allant puiser de l’eau vers 17h, un adolescent de 18 ans la suit et la viole. Quand les gens arrivent à son secours, Diella a perdu connaissance et git dans une mare de sang. Elle sera l’hospitalisée pendant trois longues semaines. Sa maman qui n’a plus les moyens de poursuivre le malfaiteur en justice, se confie à Cafob qui prend l’affaire en main. En mai 2023, le dossier est ouvert et au mois d’aout 2023, le violeur est sanctionné d’une incarcération de 10 ans et d’une indemnité de 1000.000 Fbu qu’il paiera après avoir purgé la totalité de la peine. 

Aujourd’hui, la maman de Diella est inquiète pour leur avenir, car elle a hypothéqué son petit lopin de terre pour pouvoir payer ces procès. Quant à Diella, elle n’arrive plus à se concentrer sur ses études : « J’ai été la dernière de classe, et je ne sais même pas combien de points, j’ai eu », confie-t-elle, avant d’éclater en sanglots. 

Des vies brisées

Christa*(nom d’emprunt) est une fille de 17 ans, venant d’une famille d’agriculteurs modestes, à Mbuye. Elle était allée chercher du fumier pour ses champs, lorsque deux hommes la violent. C’était le 3 septembre 2023. Après leur sale besogne, les violeurs se sont enfuis, mais ils ont été attrapés par les voisins qui sont venus au secours. Christa fut transportée à l’hôpital et ces agresseurs dénoncés. 

Cependant, quand les parents sont allés s’enquérir de l’évolution du dossier, inquiets de voir les violeurs toujours en circulation, il n’y avait plus de plainte au tribunal, et le dossier avait disparu. La famille de l’un des violeurs a tenté l’arrangement à l’amiable, sans succès. La victime a été menacée pour qu’elle abandonne le procès, mais heureusement pour elle, une copie était restée au Cafob qui a ensuite repris l’affaire. Le 13 décembre 2023, les agresseurs ont écopé de 15 ans de prison ferme et une indemnité de 500.000 Fbu.

Maeva* (nom d’emprunt) est une autre victime de viol. Elle n’avait que six ans. Elle vivait paisiblement avec sa famille. Un jour, alors qu’elle joue avec deux autres petites filles âgées respectivement de 4 et 7 ans, un homme de 47 ans les amène chez lui et les viole toutes. 

Dans un procès de fragrance, il sera condamné à la prison à perpétuité, mais encore aujourd’hui, le dossier est toujours pendant, et n’est toujours donc pas exécuté.

Des procédures longues et coûteuses

Les cas de viols étant délicats, il faut comprendre qu’il y a une chaîne pénale en rapport avec les VBG qui doit être respectée. Quand le viol est commis, ce sont les élus locaux qui sont mis au courant en premier, et qui informent l’officier de police judiciaire. Celui-ci enquête et une fois les témoins et les preuves réunis, il ouvre le dossier qu’il envoie au parquet. Celui-ci envoie, ensuite, la plainte au tribunal qui va analyser le dossier et rendre le jugement. Ces étapes peuvent prendre beaucoup de temps, et pendant ce temps, le prévenu est libre. 

En outre, une expertise médicale est toujours demandée pour prouver si réellement la plaignante est victime, souligne Delphine Ndayizamba, juriste du Cafob à Mwaro : « On les aide à comprendre la qualification du mal qui leur a été fait. Les sanctions sont fixées selon l’âge de la victime et la gravité des circonstances. Mais les familles préfèrent faire l’arrangement à l’amiable, à cause de la pauvreté et les procès coûteux ».

Toutefois, Maitre Michaëla Niyonizigiye, avocate de l’association des femmes juristes de Gitega, estime qu’ « il y a une évolution remarquable dans la sensibilité et la rapidité de traitement des cas de viols, depuis qu’il existe une loi spécifique sur les VBG. La loi numéro 1/13 du 22 septembre 2016 portant prévention et protection des victimes de VBG »

Elle explique également que l’instauration des cellules spécialisées dans les tribunaux facilite la tâche parce que les juges qui s’occupent des cas de viols ont reçu une formation spécialisée, surtout dans la manière d’interroger les victimes. « Cela aide parce que la culture burundaise est si pudique qu’il devient un  fardeau pour les victimes de devoir en parler. » 

Par ailleurs, apprécie cette professionnelle du droit, il existe aujourd’hui, beaucoup d’associations qui militent contre les VBG. Mais il faudrait que l’Etat multiplie les renforcements de capacité et sensibilisations, et continue de punir sévèrement les délits pareils pour que soit éradiqué ce fléau. 

Selon Christophe Nemeyimana, chef du cabinet du gouverneur de Muramvya, même si le chemin est encore long, il y a une évolution dans le traitement des cas de viol. « Les dossiers sont classifiés dans des fardes de couleurs oranges pour qu’ils soient reconnus et priorisés. Chaque lundi, nous réunissons les représentants des différentes associations et secteurs de la vie de notre communauté pour être certain que la situation est maitrisée. Enfin, l’administration et certaines associations appuient financièrement les victimes ». 

 

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