Le musée de Gitega renferme de nombreux vestiges de l’histoire du pays. Cette fresque historique à l’architecture coloniale, située à l’entrée de la ville, raconte un pan de l’histoire du Burundi traditionnel. Un de nos blogueurs a visité les lieux en compagnie de M. Jean Bosco Niyonzima, le conservateur du musée. Reportage.
Depuis la route macadamisée, une inscription bien lisible au fronton du bâtiment : « Musée national de Gitega ». L’édifice est sobre, sans attrait particulier, ni grandeur. Le petit jardin devant l’entrée principale est en verdure, entretenue tant bien que mal. Avant de pouvoir pénétrer à l’intérieur du musée, il faut d’abord franchir un portail en grillage, puis traverser une petite cour dallée de pierres. Un affichage à l’entrée indique les droits d’entrée : 5 000 BIF pour un adulte national, 1 000 BIF pour un enfant national, 20 000 BIF pour un adulte étranger, 5 000 BIF pour un enfant étranger et 2 000 BIF pour un étudiant national. Dans le vestibule, une citation d’Ernest Renan, suspendue au mur, illustre déjà toute la valeur du musée : « Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont comme point de départ un respect profond pour leur passé ». Au moment de commencer notre petite exploration, le conservateur du musée nous accueille ; nous discutons du prix de la visite et, marché conclu, il nous plonge d’abord dans l’histoire de la naissance de ce centre culturel et traditionnel.
Une œuvre des colons belges
Le musée national de Gitega, raconte le conservateur Jean Bosco Niyonzima, a été construit sous la tutelle belge, exactement en 1955. Mais la date officielle de son inauguration est moins connue. Les colons ont par la suite confié le musée au roi Mwambutsa IV Bangiricenge. Ils voulaient y exposer les vestiges ethnographiques et archéologiques pour conserver l’histoire du Burundi. Ces objets devaient servir de pont entre la tradition et la modernité. Le lieu devait être un centre d’éducation culturelle. Aussitôt voulu, aussitôt fait. L’ethnographie du musée regroupe dès lors tout ce qui a trait à la vie quotidienne des Burundais anciens, surtout la vie à la Cour royale : des outils, des instruments de musique, le jeu d’ikibubuguzo, des lances pour la chasse, des habits en écorce de fucus et en peau, des gris-gris et des amulettes pour l’autoprotection, des pots de plusieurs sortes, etc. L’archéologie rassemble à son tour des objets qui ont été découverts pendant les fouilles archéologiques. Ces objets fournissent des informations sur les mœurs et usages des Burundais qui ont vécu à des époques très reculées. Après ce bref voyage dans le temps, notre guide nous introduit au cœur du musée.
Comme dans un flash-back dans le Burundi ancien
Il y a un seul hall d’exposition. Le vestibule qui y donne accès offre déjà un avant-goût de ce que sera la visite dans ces lieux : une première statuette d’un guerrier armé d’une lance orne l’entrée. « Ça, c’était le ministère de la Défense », annonce le conservateur du musée avec humour. Ce guerrier livrait les batailles au nom de la nation et « quand il rentrait triomphant de la guerre, on l’appelait « Intore », dans le cas contraire, on ne l’appelait pas du tout », poursuit le conservateur. Dans la salle d’exposition, la toute première représentation est celle de la Cour royale. Une sculpture représente le roi assis devant son palais, alors que ses eunuques viennent le servir. À côté de ce palais est exposé le travail du fer. « C’était notre METALUSA traditionnel », renchérit encore notre guide, qui continue de nous montrer différentes sortes d’outils, jadis produits localement. La brasserie traditionnelle (d’usage encore de nos jours) est aussi présente. Vient ensuite l’institution juridique du Burundi ancien. Dans un coin, un Mushingantahe (notable) porte son accoutrement traditionnel. Le musée offre aussi une vue sur la chambre du roi, composée d’un lit ikirwa, couvert d’une natte. C’est là que se conserve un instrument terrible : ingangura (la guillotine). Des objets d’usage quotidien comme ivyansi, inkongoro, umuhîmbabweze, etc., sont conservés dans le salon du roi ku ruhimbi avec beaucoup de soin. Des tableaux représentant les pratiques et croyances traditionnelles sont exposés dans les petits compartiments qui suivent. Les pratiques de kubandwa, gupfumura et guterekera sont également illustrées. La prise du tabac à l’ancienne n’a pas été oubliée non plus.
Au centre du hall est situé le brancard amaceri sur lequel on transportait le roi, « c’était son V8 », lance le guide sur un ton taquin. À l’intérieur des vitrines, différentes monnaies utilisées depuis l’époque coloniale, ainsi que d’autres objets issus des fouilles archéologiques, sont exposés. Enfin, la représentation en miniature du portrait d’un tambourinaire. Le musée est un petit condensé de la culture et de la tradition burundaises. Un constat : malgré la richesse du patrimoine culturel qu’il conserve, le musée de Gitega est mal entretenu.
Un patrimoine voué à disparaître ?
Jean Bosco Niyonzima répertorie les défis auxquels fait face ce centre d’exposition culturelle : « Les nationaux ne sont pas nombreux à visiter le musée. Le blanc, lui, vient pour découvrir toute l’histoire du pays. Nous n’avons pas cette culture d’invention et de créativité. Par exemple, si le Burundais avait continué à fabriquer et à améliorer les habits en écorce de bois, à l’heure qu’il est, peut-être que le pays aurait une industrie textile florissante ». Le musée de Gitega fait aussi face à d’autres difficultés. D’après le conservateur, il n’y a ni budget alloué à son entretien, ni autonomie de gestion. Le peu d’argent qu’il récolte va directement à la BRB. Selon le conservateur, les pouvoirs publics ne se préoccupent pas du sort du musée de Gitega. « Cela n’est pas urgent » est la seule réponse qu’on donne au conservateur s’il fait une doléance. Même pour donner un coup de peinture, ce sont des partenaires fidèles qui se portent volontaires.
Le conservateur pense que le musée devrait disposer d’un espace assez vaste, d’une bibliothèque et d’une salle informatique pouvant accueillir ceux qui veulent faire des recherches. En dépit de toutes ces difficultés, il ne baisse pas les bras. Pour booster la visibilité, il compte organiser des conférences de presse bientôt pour attirer l’attention de l’opinion. Néanmoins, si les pouvoirs publics ne lui prêtent pas main forte, que deviendra cette perle dans 10 ans ?