Dans l’ombre du Covid-19, les maladies tropicales négligées, souvent ignorées, mal documentées et silencieuses, ont un impact tant sur la qualité de la vie que sur le développement économique. Les anéantir n’est pas simplement un devoir moral, c’est aussi question de justice sociale.
Si certaines maladies retiennent l’attention du monde entier, il y en a d’autres qui passent inaperçues : les « maladies tropicales négligées » (MTN). L’OMS qualifie de « maladies tropicales négligées » les maladies principalement infectieuses qui sévissent dans les milieux déshérités aux climats tropicaux. On peut citer par exemple : l’ascaridiose, l’ankylostomose, la maladie du sommeil, la lèpre, la filariose lymphatique, l’onchocercose, la bilharziose, le trachome, la trichocéphalose, etc.
Ces maladies sont souvent oubliées dans les programmes et les budgets de santé. Elles ne provoquent pas de flambées explosives ni de propagation au niveau international pour attirer l’attention du public et des médias. Pourtant, même si évitables et curables, elles affectent 1,5 milliards de personnes, dont 40 % vivent en Afrique. Leurs cycles de transmission sont liés aux piètres conditions de vie. Ces maladies sont qualifiées des « plus injustes » car elles frappent des personnes démunies et les font sombrer davantage dans le cercle vicieux de la pauvreté. Et l’opprobre social vient par-dessus le marché.
Où en est le Burundi dans la lutte contre les MTN ?
Depuis 2010, le Burundi s’est engagé dans le combat des MTN à travers la « Politique nationale de lutte contre les maladies tropicales négligées et la cécité ». Pour affermir cette vision, il a été élaboré le « Plan directeur de lutte contre les maladies tropicales négligées (2016-2020) ». Sans devoir dérouler toute la liste des MTN qui sévissent au Burundi, ces quelques maladies prouvent que ce combat nécessite encore plus d’effort.
Cinq maladies (éléphantiasis, trachome, vers intestinaux, bilharziose, cécité des rivières) font objet de suivi de Uniting to combat NTDs. Selon son rapport de 2017 sur ces maladies, le taux de couverture relatif au traitement de masse est 17%. Le Burundi se retrouve ainsi dans les pays africains en retard dans la couverture par traitement de masse (indice inférieur à 25%). Il est classé 31ème dans 49 pays africains endémiques pour au moins une de ces 5 maladies.
Selon l’enquête Tropical Data-2018 de l’OMS, la prévalence du trachome au Burundi est de 7%. Cette maladie a été largement enregistrée dans le district sanitaire de Gashoho (d’après les estimations de l’Alliance pour l’élimination mondiale du trachome, cette maladie est à l’origine d’une perte de productivité annuelle au niveau mondial pouvant atteindre huit milliards contre un milliard de dollars américains, coût de son élimination). Quant à la lèpre, malgré les avancées dans sa lutte, au Burundi, elle reste présente avec près de 400 cas enregistrés chaque année.
Les maladies parasitaires transmises par le sol (vers intestinaux) sont endémiques dans tout le pays. Elles s’amalgament à la malnutrition chronique avec des répercussions sur le développement intégral de la personne. L’onchocercose ou cécité des rivières est endémique dans 11 districts sanitaires, avec 2.000.000 personnes exposées au risque. La bilharziose est endémique le long du lac Tanganyika et de la plaine de Rusizi.
Vers l’éradication des MTN
Pour éradiquer les maladies tropicales négligées au Burundi, il faut d’abord bien structurer un plan de mobilisation des ressources. Un plan rapprochant les différents partenariats à l’accroissement du budget national spécifique à ces maladies. Sans oublier que l’assainissement du milieu de vie des populations à risque est le seul gage de réussir ce pari.
Le manque de statistiques fiables est à corriger par des stratégies de surveillance régulière, de recherche pour une mise à jour des profils épidémiologiques de ces maladies.
Quant à la population, elle doit être bien informée sur ces maladies. Souvent, des consultations tardives sont dues à l’ignorance. Au pire, certaines maladies comme la lèpre sont souvent mises sur le compte de sorcellerie. « Si nous voulons vraiment concrétiser la Couverture santé universelle, nous devons intensifier nos efforts de lutte contre les MTN », soutient Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. Ainsi, un « Burundi libéré de MTN » sera confortablement sur les rails de la couverture santé universelle.