La route nationale 16 passant par cette localité est en phase d’être bitumée. Depuis le début des travaux, la face de Mahwa change, la localité devient cosmopolite. Ce nouveau melting-pot a son lot de changement, sans oublier du coté des mœurs.
Vers 16 heures, le lieu communément appelé « ku Masanganzira ya Mahwa » devient de plus en plus animé. Les motards roulent en vitesse de rodéos. L’endroit est une plaque tournante entre les régions de Mugamba, Bututsi et Kirimiro. « Nous sommes ici, explique John, un motard en pointant le centre d’une croix qu’il a sommairement schématisée dans la paume de sa main gauche. Nous déplaçons des gens qui vont vers différents endroits qui ne sont pas desservis par les transports en commun ».
Masanganzira porte effectivement son nom, le carrefour. Rien d’étonnant que le coin devienne une référence. « Vous n’avez encore rien vu, lance un autre motard, la veste couverte de poussière. Quand la route sera terminée, ce sera un vrai centre », ajoute-t-il, convaincu. « Et un vrai lupanar aussi », renchérit-il, taquin.
Cette boutade lance un débat. Les uns soutiennent que ce développement sera une épine pour les bonnes mœurs, d’autres relativisent. Pour corroborer leurs propos, les plus pessimistes semblent ne pas manquer de cas de jurisprudence. Sur le box des accusés, les retombées issues de la macadamisation de la route nationale numéro 17.
« Conséquence logique du développement »
Dans les parages de « Ku Masanganira », il y a une vaste plantation de canne à sucre. Derrière la cannaie, des entrepôts et des monticules de graviers qui serviront à la macadamisation. Y sont également garés plusieurs camions.
C’est cet endroit qui fait tellement jaser sur le chapitre des mœurs. « Les chauffeurs touchent de grosses sommes d’argent et ils en profitent pour entrainer nos filles dans des affaires louches », affirme un tenancier d’une échoppe. Il manie bien la légendaire réserve mâtinée d’un certain sens de la litote des gens de Mugamba.
Divine, une élève rencontrée à l’ITAB Mahwa où elle se préparait pour l’examen d’Etat se montre plutôt directe. « Des filles se font entretenir par ces chauffeurs. Et cela est normal », assène-t-elle. A la question de savoir en quoi cela est normal, elle hésite un peu et finit par répondre : « Les besoins matériels, souvent ».
Une pile de cahiers dans la main, un camarade de Divine qui affirme être à Mahwa depuis quatre années, dit avoir vu « les mœurs des jeunes élèves évoluer au fil des années ». Philosophe, il se fait sa petite idée. Pour lui, « c’est une conséquence logique du développement et l’on y peut rien ».
Un proxénétisme qui ne dit pas son nom
Les hommes indexés sont plutôt discrets. Difficile de les voir se balader à longueur de journées dans le coin. « Ils sont au taquet toute la journée. On les voit de temps en temps faire les cent pas mais même quand ils veulent se reposer, ils vont à Matana », indique, Patrice, un travailleur de l’ISABU.
Pour approcher une fille, les travailleurs des compagnies de constructions font recours aux entremetteurs. « Par souci de discrétion », fait savoir un motard de Ku Masanganzira. Ce dernier avoue d’ailleurs avoir reçu quelques commissions de la part des travailleurs des compagnies de construction. « Ils négocient avec les filles en amont mais la jeune fille peut être réticente à l’idée de se rendre à Matana. Moi par exemple, j’ai essayé de la convaincre mais j’étais beaucoup plus à la recherche d’une cliente qu’autre chose ».
Mais ces jeunes filles ne sont pas que de simples clientes avec lesquelles le ticket peut facilement doubler. « Des gens en ont fait une petite affaire et jouent les entremetteurs. La commission varie selon celui qui a commandé. Il y a des ouvriers qui volent bas et des chauffeurs qui perçoivent leur paye toutes les deux semaines et qui sont de bons clients », nous révèle un jeune homme rencontré à Masanganzira.
Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de la route nationale 17, c’est plutôt la route nationale numéro 16 (RN16).