Dans l’émission publique accordée par les membres du Gouvernement à Gitega, Martin Niteretse le ministre de l’Intérieur a exigé que tous les commerçants ambulants regagnent les marchés afin de se conformer à la loi. Pour notre blogueur, cette problématique ne date pas d’hier et mérite plutôt une attention très particulière. Explications.
Monsieur le Ministre,
A Gitega, vous avez insisté sur le fait que les mamans, vendeuses de rue, doivent respecter la loi et, pour ce, rejoindre les places appropriées au commerce à l’intérieur des différents marchés. Ainsi, elles travailleront dans la tranquillité et pourront s’acquitter des droits fiscaux pour le bien du trésor public, avez-vous ajouté. Ce serait une étape très importante, une fois atteinte.
Cependant, Monsieur le Ministre, tout comme la question des enfants en situation de rue, celle des vendeuses de rue ne date pas d’hier. Ce genre de commerce existait en mairie de Bujumbura, même avant le très triste incendie qui a détruit le marché central, le 27 janvier 2013. Interrogé vers fin 2021 sur une éventuelle solution sur la question des vendeuses ambulantes, l’administrateur de Mukaza de l’époque avait regretté qu’aucune solution y relative n’avait pas jusque-là marché, y compris leur installation dans des marchés.
Monsieur le Ministre,
Vous n’êtes pas sans savoir que ces femmes ne ménagent aucun effort, avec le peu de capital qu’elles ont, pour faire vivre leurs familles. Il serait difficile pour elles de payer le prix que cela demande pour s’installer dans des marchés, surtout que ces places à l’intérieur des marchés ne peuvent leur garantir une rentabilité suffisante par rapport à leurs capitaux.
La solution ne peut être dans la violence
Monsieur le Ministre,
Si nous supportons vivement ces femmes, c’est que, d’une part, l’on est touché par le traitement inhumain qui leur est réservé par les forces de l’ordre. Janvier 2022, l’image d’une dame couchée par terre, ses fruits dispersés à même le sol dans la rue tout près de l’ex marché central, a fait couler des flots d’encre à plusieurs internautes qui ont méchamment réagi contre le mauvais traitement policier envers ces vendeuses de rue et surtout le cas de Geno (le surnom de la maman) qui était accusée d’avoir mordu le policier en plus de violer la loi sur le commerce.
Des cas de mauvais traitement policier envers ces mamans persistent. Jeudi, la veille de l’émission publique que vous avez animée, j’ai moi-même assisté à une triste scène, la même que celle de Geno. L’histoire s’est passée au centre-ville de Buja, autour de 16 h, juste devant le magasin Tanganyika Business Center, dit « kwa Naum ».
Tous les regards étaient désespérément fixés vers la nouvelle boutique de la Régie nationale des postes, en face du Palais des arts. Soudain, j’ai entendu l’une des femmes crier : « Yooh, ehe agira amufate, ntiyamumenye, … » (Il va l’attraper, elle ne l’a pas reconnu, … Ndlr).
Un jeune homme en tenue civile (pantalon jeans et t-shirt rouge) a attrapé une dame tenant un sac dans ses mains. Des bousculades entre les deux individus s’en sont suivies. Le jeune homme a arraché forcément le sac de maïs frais que tenait la femme, mais celle-ci a résisté. L’un est tombé sur l’autre. Les vendeuses ainsi qu’une foule de gens qui assistaient à la scène, ont lancé par la suite des hués. Un policier est venu et a détaché l’homme en tenue civile et est parti avec lui. « Bari kumwe. Kandi bimaze iminsi. Emwe aba bapolisi batuziye nabi. » (Ils étaient ensemble. Et cela fait des jours. Ces nouveaux policiers nous sont venus avec toute leur méchanceté, Ndlr), a lancé l’une des dames.
Monsieur le Ministre,
En attendant une solution efficace sur cette problématique, dites à ces policiers de penser au moins aux droits et à la vie de ces mamans. Ils sont assez formés sur cette notion, je n’en doute pas.
Au-delà du respect de la loi et la perception des taxes, l’intégration de ces vendeuses dans des marchés profiterait aussi à l’ordre, la propreté de la ville, etc. Pour contourner le défi de manque de capitaux auquel se heurte la réussite de cette initiative, l’ancien administrateur de Mukaza avait, dans l’interview précédemment citée, proposé que sa commune envisage de former une coopérative au sein de laquelle ces femmes seront encadrées et financées en capital de démarrage pour ensuite alimenter en fruits des hôtels et des restaurants qui seraient associés à ce projet.
Monsieur le Ministre,
C’est une proposition pertinente qu’il faudrait mûrir, bien que cela relève aussi quelques défis. En effet, des gens qui sont géographiquement dispersés, avec des tendances commerciales journalières et individualistes comme ces femmes, sont difficiles à associer dans une coopérative, si l’on tient compte de la vraie définition de cette dernière.
L’on peut encore donner des suggestions. Si une fois, Mukaza ne poursuit plus la proposition de son ancien administrateur, pourquoi ne pas aménager des places autour l’ancien marché central ? D’ailleurs, cela se fait habituellement pour le commerce de matériaux scolaires quand la rentrée approche. L’on pourrait ainsi faire mieux pour ces mamans en y installant de belles tables, mobiles par exemple et des poubelles modernes. Chacune des femmes aura alors à louer sa table et pratiquer son petit commerce dans l’ordre, moyennant un contrat gagnant-gagnant.
Sinon, à part que le commerce ambulant se fait presque partout dans le monde, l’endroit autour de l’ancien marché central est aussi très stratégique pour le commerce. Tant que l’on n’aura pas pu reconstruire le marché, il y aura toujours cette pression des marchands.
Monsieur le Ministre,
Pour finir, je vous saurais gré de bien vouloir plaider pour la reconstruction du marché central, voilà bien 10 ans que la place ne profite à personne. Cela nous déshonore tous, le gouvernement en particulier.
Cordialement,
Lewis Ntore