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Une lettre aux internes : « Revenez-nous. Nous avons tant besoin de vous »

Il y a une semaine, les stagiaires internes du Centre Hospitalo-Universitaire de Kamenge (CHUK) ont suspendu temporairement leurs stages pour revendiquer leurs droits. Dans ce billet, une stagiaire externe décrit le rôle essentiel des internes et l’ampleur de leur absence. Elle en appelle aux autorités pour qu’elles accèdent à leurs doléances.

Une semaine s’est écoulée. Une semaine entière sans la moindre trace de votre présence, chers internes. Même l’ambiance dans l’enceinte du CHUK n’est plus la même. Nous, stagiaires externes, bien que nombreux, ne parvenons pas à combler le vide que vous avez laissé. Les patients que vous suiviez depuis leur admission continuent à demander après vous. Votre départ soudain a créé un grand vide dans nos cœurs. Ne subsistent que quelques officiers stagiaires internes, eux non autorisés à faire grève.

Une absence qui se fait lourdement sentir

Lorsque j’ai débuté mon stage ce semestre, vous en étiez déjà à votre quatrième mois d’internat. Stagiaire externe, je rentre souvent à midi pour m’offrir une sieste bien méritée quand je n’ai pas cours l’après-midi. Vous, en revanche, avez un emploi du temps surchargé : des gardes de plus de 24 heures, deux à trois fois par semaine selon les effectifs de chaque service. Et les jours sans garde, vous rentriez tout de même tard, souvent après avoir pris note des recommandations des médecins. Voilà le prix à payer pour achever vos études en médecine générale.

Je me souviens de vous, déambulant dans les couloirs, tels des zombies, épuisés par l’accumulation de fatigue et les remontrances des médecins encadreurs. Pourtant, vous n’avez pas le droit de vous plaindre. Cette souffrance, tant physique qu’intellectuelle, fait partie de votre apprentissage. Vous devez faire abstraction de vos douleurs pour vous consacrer aux patients et répondre à leurs besoins.

Un interne, bien plus qu’un simple stagiaire

Bientôt, ce sera notre tour, à nous externes, d’affronter la réalité de l’internat. Et vous nous y préparez patiemment. Je me souviens, à nos débuts en stage de médecine, d’un interne qui nous avait pris sous son aile. Il nous avait montré les différents sous-services, expliqué comment interroger les patients, enseigné les gestes essentiels… Bien que novices, grâce à vous, nous avons trouvé nos repères pour mieux appréhender nos stages.

« La médecine, c’est comme l’armée, il faut respecter la hiérarchie », nous répètent souvent les médecins résidents – ces généralistes en spécialisation qui nous encadrent également. En tant qu’externes, nous savons que les internes sont nos supérieurs directs, suivis des résidents juniors et seniors, puis des spécialistes et des chefs de service.

Quand nous avons des questions, des doutes, ou besoin d’être encadrés, vous êtes toujours présents. Parfois, après nous avoir formés, vous nous confiez des responsabilités pour renforcer nos compétences. En votre absence, les résidents tentent de pallier le manque, mais nous sommes encore trop maladroits et inexpérimentés pour espérer atteindre votre niveau en quelques jours.

Les internes ont droit à la dignité 

Dès votre entrée en faculté, vous saviez dans quoi vous vous engagiez. Certes, la médecine est une vocation noble, mais elle est aussi exigeante et éprouvante. Durant l’internat, la pression monte d’un cran. C’est votre dernière année en tant que stagiaires, celle où vous vous familiarisez véritablement avec le métier de médecin généraliste. Chaque geste, chaque hypothèse diagnostique, chaque traitement prescrit – même sous supervision – sera minutieusement examiné lors du staff, cette réunion quotidienne matinale entre stagiaires et médecins. Il vous faut justifier vos choix, répondre de vos erreurs, et parfois, encaisser une garde punitive infligée par les médecins seniors. Courage à vous !

Cependant, depuis six mois, un problème majeur subsiste : vous n’avez toujours pas perçu vos frais de garde. C’est cette injustice qui vous a poussés à suspendre temporairement vos stages. La semaine dernière, vos représentants ont rassemblé des signatures pour dire stop au non-respect de vos droits. Bien que votre vocation vous impose de grandes responsabilités, vous avez également droit au respect, à la reconnaissance, et à des conditions minimales de subsistance.

L’année dernière déjà, la promotion précédente avait mené une grève pour les mêmes raisons. Comment espérer venir en aide aux autres, se dévouer pour le bien-être des patients, quand votre propre survie est menacée ? Quand la faim vous ronge jour et nuit ? Pourquoi les autorités ne prennent-elles pas les devants face à ce problème récurrent ? Quand cesserons-nous de devoir en arriver à de telles extrémités pour être enfin entendus et soutenus ?

Il est grand temps que les autorités administratives se mobilisent pour remédier à ces manquements. Pour votre dévouement exemplaire, vous méritez d’évoluer dans un environnement digne et favorable. Les responsables concernés sont vivement priés d’accéder à vos revendications afin que vous puissiez reprendre vos stages dans des conditions acceptables.

Revenez-nous, chers internes. Nous avons tant besoin de vous !

 

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Les commentaires récents (3)

  1. Mes félicitations à celle qui a écrit cette lettre. Merci de produire autant que de besoin des articles sous cette forme. Ca nous donne plus d’éclaircissement sur le sujet en question. Espérons que la cause des internes sera entendue le plus tôt possible. Courage

  2. Et voilà que la deuxième semaine touche à sa fin. Nous espérons que lundi vous serez là.
    On essaie de nous donner, à nous externes, les responsabilités que vous teniez. Et sans surprise, on n’y arrive pas. Que ceux qui doivent régler ce problème le fassent, ça urge là !