Les filles et femmes ne peuvent désormais plus travailler dans les bistrots de Mabayi, une des communes de la province de Cibitoke, suite à une décision datant du 18 février 2025 prise par l’administratrice communale. Sous prétexte d’assurer la sécurité, cette mesure prive plusieurs filles et femmes d’emplois. Plus grave encore, ces dernières n’ont même plus le droit de prendre un verre dans une buvette au-delà de 20h, si elles ne sont pas en compagnie de leurs époux. Comment avancer dans la lutte contre la discrimination et les VBG si de telles décisions continuent d’être prises ? Une blogeuse mécontente le fait savoir dans une missive qu’elle envoie à l’administratrice.
Madame l’Administratrice de la commune Mabayi,
Je vous écris pour exprimer l’incompréhension par rapport à la décision que vous avez récemment prise. Vous dites que vous avez remarqué l’incohérence entre le nombre d’employés et la faible quantité de boissons servies. Je ne vois pas en quoi c’est un motif pour pénaliser les femmes qui travaillaient dans ce secteur. Il y a sûrement une étudiante qui en retirait son minerval, une jeune mère célibataire qui nourrissait son enfant grâce à ce job, etc. Tellement de gens privées de travail.
Ce qui est d’un paradoxe douloureux, c’est que la décision de bannir les femmes vient de l’initiative d’une femme. Madame, j’aurais peut-être été moins étonnée si vous apparteniez à « l’autre » sexe, mais non ! Vous pénalisez vos consœurs, et là où votre position devrait constituer un rempart pour la protection des droits de femmes et des filles, elle n’est qu’un souci de plus.
Quel exemple donnez-vous aux plus jeunes aspirant à occuper des positions comme la vôtre ? Au lieu de profiter de votre poste pour tirer les filles et femmes vers le haut, vous contribuez à les faire retomber plus bas. Vous donnez raison aux langues qui disent qu’entre femmes, il n’y a pas de solidarité ; que les femmes ne sont bonnes que pour rester à la maison. Sans compter que vous violez des textes régissant toute une nation…
Madame l’Administratrice,
La décision que vous avez prise est d’autant plus inadéquate qu’elle va à l’encontre de la Constitution burundaise, que l’article 13 stipule clairement que « tous les Burundais sont égaux en mérite et en dignité. ». En effet, cet article donne aux hommes et aux femmes les mêmes droits, et assure entre autres qu’aucun Burundais ne sera exclu de la vie économique de la nation du fait de son sexe.
Bien plus, il ne faut pas oublier que le Burundi est depuis un demi-siècle un Etat membre des Nations Unies, et qu’il a adhéré aux principes de la DUDH. Or, l’article 23 de celles-ci, alinéa 1, indique que « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. » Je reste convaincue qu’il s’agit d’une erreur d’inattention, car vous maîtrisez sans doute les textes légaux mieux que moi.
Madame l’Administratrice,
Votre décision risque de donner l’impression que le pays est à la traîne en ce qui est d’égalité des genres. C’est comme naviguer à contre-courant des 16 jours d’Activisme contre les violences basées sur le genre qui ont mobilisé plusieurs instances du pays. Vous semblez vouloir saper les efforts qu’ont fournis vos prédécesseurs pour frayer un chemin à la femme vers le marché du travail.
Si vous ne le faites pas vous-mêmes, j’espère que votre supérieur hiérarchique prendra les devants et annulera rapidement cette décision qui est, somme toute, illégale au regard de l’état actuel de la législation burundaise.
Madame l’Administratrice,
Je choisis de m’arrêter par ici, en espérant que cette missive vous permettra de voir votre décision sous un autre angle et vous fera changer d’avis.
Très incompréhensible